Les vignerons sont tout d’abord des agriculteurs. Ils sont proches de la nature et leur tâche consiste à en prendre soin afin qu’elle leur donne du raisin. Mais, si nature entretient la magie de la vie, elle peut aussi parfois être cruelle. Les calamités, la grêle, le gel, la sécheresse, les inondations font aussi partie de la nature et il n’est pas facile de s’en affranchir. L’agriculteur vit avec.

Il y a quelques nuits, alors que la plupart des gens (98,5% des actifs) dormaient sur leurs deux oreilles, les agriculteurs dormaient mal ou pas du tout : on leur promettait une gelée pour la nuit. Et donc une promesse de gueule de bois pour le matin… A Puichéric, les réactions sont très diverses, témoignages : « Heureusement, j’y étais un peu préparé ! Une catastrophe pour la région et pour moi ! Attendons, on verra ce que ça va donner ! La moitié de l’exploitation est touchée à 100%, mais heureusement, on était assuré ! Une aussi grosse gelée, de mémoire de vigneron, jamais vu ça ! ».
Alors qu’est-ce qui s’est vraiment passé ?
Georges Febvre de l’ICV, (Institut coopératif du vin) dont quelques œnologues-consultants sont basés à Trèbes, était heureux de nous faire partager son expertise, « une masse d’air polaire d’une amplitude exceptionnelle a couvert la majorité du territoire. Il faut remonter à 1991 pour retrouver une situation comparable. Les points bas sont les plus touchés. Sous l’action de la température, l’eau contenue à l’intérieur des tissus se cristallise et détériore les cellules. Sur les organes verts, à 0°C, il ne se passe rien. A -1°C, si la plante est mouillée elle peut geler. A -2,5°C pendant 1 heure, les organes verts sont complètement détruits. Les bourgeons latents fructifères sont détruits à partir de -5°C et les bourgeons du vieux bois sont atteints à partir de – 7°C ».
A part l’assurance, comment faut-il se préparer ?
En fait, pour réduire les risques de gelée, il faut éviter de labourer entre début avril et mi-mai, faucher l’herber ou désherber, décavaillonner début avril, tailler tardivement pour retarder le débourrement et laisser des baguettes pour éviter que les yeux de la base ne débourrent.
Que faire lorsque cela arrive ?
Pas grand-chose, les bougies, les feux, les écrans de fumées, le brassage de l’air (ventilateur ou hélicoptère) et l’aspersion ont une efficacité limitée. C’est en général difficile à mettre en œuvre et c’est coûteux…
Et après ?
Ne pas intervenir tout de suite… Des bourgeons secondaires et les bourgeons du vieux bois vont se former. Après, il faut favoriser la reprise grâce à des apports foliaires (traitements absorbés par les feuilles).
Il va encore falloir attendre Mamert de Vienne, Pancrace de Rome et Servais de Tongres, les trois Saints de glace pour pouvoir enfin respirer ! Quoique, s’il gèle à la Saint-Bernardin (le 20 Mai), adieu le vin !
Pour en savoir plus : www.icv.fr
Texte et photos Philippe Gouze