Partager la publication "Chronique au fil de l’eau : ces génies de l’eau à l’ombre du Roi Soleil"
Très sollicités par Louis XIV, ingénieurs, maîtres et inventeurs en tout genre, susceptibles de faire briller la grandeur du Roi par leurs prouesses techniques, étaient appelés sur les gigantesques chantiers entrepris dans tout le pays. Bien entendu notre bon Biterrois, Pierre-Paul Riquet, était de ceux en première ligne.

Victime du succès de «son» canal
Avec un souverain fasciné par les avancées techniques et les évolutions des sciences, le domaine de l’hydraulique fut mis au-devant de la scène. De ce dernier dépendaient les solutions pour « abreuver » les insatiables jardins du palais parisien et pour réussir à créer cette voie d’eau royale en Languedoc. De plus les réalisations en la matière étaient toujours très remarquables, ce qui augmentait l’éclat de la lumière du Roi Soleil. Génie reconnu pour « son » canal du Languedoc et ses ambitieux systèmes d’alimentation en eau, Riquet fut bien souvent réclamé. Ses compétences faisant de lui « la » référence incontournable, il lui était devenu impossible de repousser les nombreuses sollicitations dont il était la cible.

Serait-ce la faute à Le Nôtre ?
En 1670, alors chevauchant, mener en carrosse ou « malmener » en litière, entre Sète et Toulouse où il a fort à faire sur son vaste chantier naissant, Riquet répond aux attentes du marquis de Castries, gouverneur de Montpellier. Il faut résoudre l’approvisionnement en eau de jardins suspendus à la française, parsemés de bassins, fontaines, grottes et terrasses, un élégant ensemble créé par l’architecte-paysagiste royal, André Le Nôtre. Rigoles, aqueducs et canaux vont alors avoir raison de l’aridité de ces terres calcaires. Celui dont on vantait tant les mérites, le génial créateur du somptueux réservoir de Saint-Ferréol, avait donc relevé le défi… et la rencontre avait eu lieu entre le génie des eaux et celui des jardins.
Avanie sur la Loire
La suite se passa alors à Versailles où le système hydraulique causait bien des soucis à Sa Majesté. Téthys dans sa grotte ne faisait pas de miracle et le débit manquait cruellement pour que resplendissent les jeux d’eau. 1674, dans le Sud, la jonction Toulouse - Castelnaudary vient d’être inaugurée. Mais recommandé auprès de Colbert par l’inspecteur des travaux du canal, Riquet rejoint Le Nôtre à Paris pour une nouvelle gageure : défier les courbes de niveaux pour faire « monter » l’eau à Versailles. Il propose de détourner le cours de la Loire par un canal de navigation en amont de Briare et un pont-canal où coulerait la rigole par-dessus.

Le projet est très vaste et ambitieux. Riquet a tout mesuré à l’œil nu. C’est alors que l’académicien astronome, l’abbé Picard, muni de son invention, le niveau à lunettes, démontre l’insuffisance de pente. Quelque peu blessé de cette avanie infligée par la Loire et dont certains se plaisent à le railler, comme le conteur Charles Pérault, conseillé du roi, notre homme repartira fatigué sur son canal du Languedoc, encore loin d’être achevé.
Marly : « La » machine d’un jeune belge En 1678, on envisage de monter les eaux de la Seine le long de la colline de Marly en construisant des réservoirs et surtout un mécanisme puissant. Colbert reçoit alors Arnold de Ville, venu de la Principauté de Liège (Belgique) et que son père avait envoyé à Paris par crainte de la peste qui sévit encore au Nord. Il propose un mécanisme hydraulique gigantesque dont le vrai « inventeur » et concepteur est en fait le jeune Rennequin Sualem, lui aussi Liégeois, et qui se nommera la machine de Marly. Avec elle, les eaux de la Seine sont refoulées sur une hauteur de 160 mètres environ vers un aqueduc, menant à des réservoirs. Cette machine est une vraie attraction de par sa complexité et sa taille. Elle mettra 3 ans à être construite et coûtera très cher au Roi ravi de ce succès, qui attira tant de grands de « ce monde » y compris le tsar de Russie qui en resta pantois.
Véronique Herman