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Chronique au fil de l’eau : mais quand finiras-tu donc ? Ô temps de la serrade!

15 octobre 2021 By Redaction

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Portes et ventaux « serrés », ports et canaux entravés : sur la côte comme dans les terres, à la ville comme à la campagne, quand vient le temps des épidémies, chemins et lieux se ferment. Chacune de ces calamités rythme les vies qu’elle assujettit au bien du peuple, à sa santé et à l’économie. Face à la mort, les gens, d’abord terrifiés, se terrent, ensuite se méfient puis s’habituent et se regimbent alors que la peur s’estompe.

Agde quai du Grau, 1912

Nous vous avions donc laissés la semaine dernière, en l’an 1722, derrière les portes fermées d’Agde toujours sous le joug des mesures de précautions sanitaires requises contre la propagation de la peste. Cela fait pourtant quasi un an que les Marseillais ont célébré la fin de l’épidémie et loué, face à cette crise, le remarquable dévouement de leur évêque, Monseigneur de Belsunce. À Toulon, la fin de ce qui est alors nommé la « serrade » dans tout le Midi, « enfermant » les populations dans le carcan de ces multiples contraintes, la fête a également battu son plein en août 1721 et, signe des temps, des mariages sont à nouveau bénis! Mais les consuls agathois ne peuvent se décider à lever les astreintes. Les 100.000 morts que compta la Provence restent dans les mémoires et la province dans son ensemble est craintive. Quelques mois auparavant, malgré les attentions sévères, la terrible maladie est parvenue dans le Haut Languedoc, atteignant Marvejols puis Mende. Bien qu’un cordon sanitaire ait été mis en place durant l’été afin de bloquer tout le Gévaudan, le Velay et une partie du Vivarais, le 9 septembre la peste est arrivée à Ales.

Des lazarets pour marchandises et équipages

Que ce soit à Agde mais aussi à Sète, portes maritimes ouvertes sur le Languedoc, il est bien difficile de faire fi du danger. Aux écluses, notamment à celle de Bagnas, premier ouvrage à chambre unique du Canal des deux Mers après Sète, gardes et éclusiers ont toujours ordre de contrôler le trafic des bateaux. Comme au port, toute leur attention porte sur les balles de marchandises, particulièrement celles de laines, d’étoffes, de cuirs et de cotons. Elles sont toujours inspectées minutieusement, plus spécialement celles qui proviennent de la cité phocéenne ou qui y ont séjourné. L’intendant d’Agde va ordonner la construction au Grau d’un lieu pour accueillir hommes et chargements jugés suspects. Le port de Sète en fera de même. Reprenant le concept des maladreries de jadis, ces endroits seront nommés « lazarets » en référence au lazaretto vénitien (allégorie à Nazareth et Lazare). Mais tout ce qui pourra malgré tout transiter par le canal et partir vers Toulouse devra, quoi qu’il advienne, effectuer une quarantaine à Béziers. A Narbonne un « bureau de santé » surveillera également les bateaux qui, évitant les contrôles de Sète et Agde, viennent s’amarrer pour y faire commerce de leurs chargements.

Raison et pondération

Détail d'une toile de Joseph Vernet de l'intérieur du port de Marseille, 1754

Outre l’impossibilité de circuler de façon « habituelle », d’aller aux champs et aux vignes pour cultiver, il faut subir l’interdiction des marchés et des foires. Même la très célèbre « Madeleine de Beaucaire » n’aura pas lieu. C’est pourtant un événement que chacun attend avec impatience, une belle opportunité pour vendre sa production, d’y faire les achats de l’année mais aussi de s’amuser, de boire et de manger. Les barques de patrons descendants les marchandises qui doivent ensuite y être acheminées, ne viendront pas. Il faut dire que ce grand rassemblement de marchands fut la destination des étoffes de soie du Saint-Antoine, ce bateau qui amena la peste à Marseille ! La situation devient dès lors absolument difficile pour toute la population, privée de divertissements et d’activités mais surtout, en toute première nécessité, qui ne parvient plus à se nourrir. Plus encore, les mesures financières engendrées par ce malheureux système de « Law » (sur lequel nous reviendrons plus tard), destiné à résoudre la dette « royale » par la spéculation et les premiers « titres boursiers », vient bousculer les équilibres, entraînant l’augmentation des prix et les difficultés du négoce. La colère gronde au fond des chaumières, dans les boutiques vides et dans les ateliers. Ainsi, malgré une nouvelle vague de peste, certes beaucoup moins dévastatrice, mais qui touche à nouveau Marseille entre avril et juillet 1722, Agde et Sète vont relâcher progressivement l’étau. Le peuple est au bord de la révolte et si le gouverneur et l’intendant du royaume recommandent la prudence et même la méfiance, il faut éviter l’insurrection. Les moissons puis les vendanges sont donc autorisées. Chacun respecte les règles des « bulletins de santé » et des laissez-passer qui sont de plus en plus aisés à obtenir. Aux ventaux des écluses la surveillance devient lentement moins soutenue.

Petite échappée en cette « serrade »

Le serre de Ferran vers le pic de Bugarach

Vous l’aurez compris ce terme de « serrade », particulièrement employé au XVIIIe siècle lorsque la nouvelle offensive de la peste arriva depuis le port de Marseille, pourrait être le synonyme de confinement alors qu’il englobe également toutes les mesures de précautions sanitaires que chaque situation impose. Ses origines et usages sont en effet bien signifiants. Le mot, aux variantes de « serrada », « sarrade » ou « sarrada », est typiquement languedocien. Son étymologie nous mène au latin « serrare » soit «serrer » dans le sens « fermer », comme il est fait avec une clef dans une serrure dont le mécanisme dentelé nous rappelle la scie mais aussi le verrou, cette barre dite « sera », qui, glissée derrière la porte la barricade et protège la maisonnée des dangers extérieurs. C’est encore la notion de « serrer » quelqu’un ou quelque chose qui apparaît, soit « attraper et ne pas laisser s’échapper » avec son contraire lorsque l’on « serre ses bagages » et que l’on s’esquive et s’éloigne en un long voyage. Par ailleurs nous ne ferons aucun commentaire sur l’expression « serrer le nœud » qui, au XVIIe siècle signifia « se marier » (petite évocation amusante au « nœud de l’aiguillette ») Nous terminerons par la topographie régionale de « serre(s) », expliquée par Yves Séguier dans sa chronique « toponimia d’aquí », désignant une petite colline allongée et qui nomme des domaines ou des hameaux… « Terres argilo-calcaires des coteaux arides des "Serres", ces reliefs typiques du Minervois balayés par le Cers, le Marin et la Tramontane, créateurs de la richesse des plus beaux « Millésimes du Vent » (AOP à Ventenac-en-Minervois).

Ainsi donc à toute période de « serrade » il faut une fin, réclamée par tous. La difficulté des pouvoirs en place étant de définir le bon moment pour « desserrer » l’étau, prendre la juste mesure des risques et ouvrir les venteaux pour qu’à nouveau se régulent les flux et reprenne le cours « normal » de l’eau … et de la vie.

Véronique Herman

Classé sous :Actualités Balisé avec :canal du Midi, chronique au fil de l'eau, lazarets, Marseille, Serrade

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