Partager la publication "Chronique Ciné : La femme des steppes, le flic et l’œuf, drôlerie, fantaisie et beauté"
Réalisation : Quanan Wang
Durée : 1 H 40
Avec : Dulamjav Enkhtaivan, Aorigeletu, Norovambuu Batmunkh
Tout commence de nuit, dans une voiture, filant sur une piste tandis que des hommes parlent de leurs expériences de chasse. Des chevaux sauvages surgissent soudain devant eux avant qu’un corps sans vie aperçu au sol ne provoque l’arrêt soudain du véhicule. L’écran devient noir. Lorsque revient l’image, le jour s’est levé sur la steppe immense et l’on retrouve les occupants de la voiture qui ne sont autres que des policiers perturbés à la fois par la macabre découverte qu’ils ont faite et par la panne de leur véhicule. Ils vont laisser là le plus jeune d’entre eux pour monter la garde sur les lieux du crime. Dans cette région sauvage, une jeune bergère, malicieuse et indépendante, vient l’aider à se protéger une nuit du froid et des loups. L’alcool aidant elle finit par l’éveiller à l’amour.
En Mongolie, dans une société traditionnelle et patriarcale, il est pour le moins surprenant de voir une femme défendre un homme. S’ajoute à la surprise du spectateur le fait de la voir prendre l’initiative de le séduire. Alors qu’ils sont pelotonnés contre le chameau, qu’elle l’initie à la séduction et que le jeune homme passe aux travaux pratiques la bergère, imperturbable arme avec nonchalance sa carabine pour abattre un loup ce qui nous vaut une séquence délicieusement burlesque. Il faut mentionner aussi le plan saisissant d’un arrêt de bus, au milieu de nulle part, où la bergère descend de cheval pour faire le test de grossesse qu’elle vient d’acheter en ville. Sachez toutefois que notre bergère n’est pas une actrice professionnelle mais une vraie bergère, célibataire qui a déjà quatre enfants de quatre pères différents. Autant dire qu’elle a assez de personnalité pour n’avoir peur de rien comme l’exige son rôle. Le lendemain matin, les collègues du policier reviennent, l’enquête reprend son cours, la bergère retourne à sa vie libre L’immensité du paysage mongol sert de cadre, sans conflit apparent, aux drames humains de la violence, de l’éloignement et des sentiments amoureux.
En surface rien ne se passe, mais après les épreuves qu’ils traversent les individus ne seront plus les mêmes. A travers cette histoire où se mêlent fable et documentaire le réalisateur se livre à une méditation sur le cycle de la vie et de la mort mais toujours poétique et légère.
Jean Segonne.