Les Vignals, los vinhals les vignobles

En Minervois, les références à la vigne en toponymie ne sont pas si nombreuses. Il faut se souvenir que, si sa culture remonte à l'antiquité, sa monoculture est récente. Les micro-toponymes, dont l'origine remonte (par l'oralité) très loin dans le temps, ne lui a donné que l'importance qu'elle avait à l'époque. On trouve bien vignasse, vignal, les mailleuls (jeune vigne), mais les toponymes se rapportant à l'élevage sont plus nombreux chez nous. Par contre, littérature et traditions populaires lui font la part belle.
Quelques proverbes :
Es en plan fasent son mestièr qu'òm se crompa de vinhas c'est en faisant bien son métier qu'on s'achète des vignes ; La vinha de mossur Francés : bèla mòstra e de rasims pas ges la vigne de Monsieur François, belle apparence et pas de raisins (Alibert, proverbes de l'Aude).
Vòlon ganhar la vinha de mossur d'Usès, se dit de jeunes mariés qui fondent sur leur union de grandes espérances. Mais aux premiers nuages qui apparaîtront dans leur couple, on dira : « pèrdre la vinha », perdre la vigne.
Achille Mir a consacré un long poème intitulé « La bigno » que l'on peut lire en graphie originale ici : https://occitanica.eu/items/show/19582.
En voici un extrait.
Que d'autres canten les boscatges
Les aucèls als polits ramatges
Les prats de colors mirgalhats
Las fonts plenas d'aigas argentadas ...
Per ieu canti nòstre arbuste
Amb son ruscós e laid buste
E sos gavèls e sos andòts ...
Salut ! Soca tota gambèrla !
Salut o preciosa pèrla ...
L'òme aicí t'adòra e t'encensa
Car siás sa còrna d'abondença
Que d'autres chantent les bocages les chants d'oiseaux les prés colorés, les sources argentées moi je chante notre arbuste au buste laid et rugueux ses sarments et ses ceps. Salut souche difforme, ô précieuse perle, l'homme d'ici t'adore et t’encense car tu es sa corne d'abondance.
Combe Louvière Comba Lobièra, de l'occitan Lobièra, tanière ou lieu fréquenté par des loups.
Les références au loup ne sont pas rares en toponymie. Mythe ou réalité ? Il y a sûrement bien longtemps qu'on n'a vu de loups sur la Serre, mas qual sap ? Il paraît qu'ils reviennent. En tout cas, les expressions liées au loup ne manquent pas. En voici quelques unes, tirées de « glossaire des comparaisons populaires du Narbonnais et du Carcassez » d'Achille Mir et de « le trésor des mots d'un village occitan » d'André Lagarde.
Conegut coma lo lop blanc, connu comme le loup blanc. Urlar coma un lop. De quelqu'un de peu vaillant, on dira « A las còstas faitas en long coma un lop», et si l'on dit : A vist lo lop, en occitan, ça n'a pas la même signification qu'en français, c'est qu'il est aphone.
Proverbes : En ostal de lop non botes ta carn (en maison de loup ne mets pas ta viande) et Quand lo lop es mòrt las fedas i manjan las ancas (quand le lop est mort, les brebis lui mangent les fesses).
Si l'on cherche un objet qui est sous ses yeux : S'èra estat lo lop, te manjava.
Enfin, en cette période où les balètis sont interdits, personne ne nous empêche de danser la bourrée (a mens de sièis de segur!) :
Ai vist lo lop, la lèbre
E lo rainal dançar. (bis)
Fasián lo torn de l’arbre
Sens jamais s’atrapar.
J'ai vu le loup le lièvre et le renard danser, ils faisaient le tour de l'arbre sans jamais s'attraper.
Bon, arrêtons là cette chronique car « Quand òm parla del lop, de la mata sòrt » quand on parle du loup, il sort du buisson.
Yves Séguier