Des barques gasconnes inaugurent le « canal royal du Languedoc »
Suivant le récit d’époque d’un éditeur toulousain, lors du voyage inaugural du canal, le 15 mai 1681, le convoi officiel était escorté de « vingt-trois autres barques de la Garonne, chargées de diverses marchandises de France, d’Angleterre et de Hollande ». La Garonne qui, depuis l’Antiquité, complète le réseau étoilé des voies romaines autour de Toulouse, est alors reconnue comme un « chemin » fluvial de la plus haute importance économique. Au XVIe siècle il y est déjà question de barques à fond plat, tenues par des « patrons » qui, au XVIIe siècle, assuraient un commerce florissant et dont l’aisance était, disait-on, souvent cachée par un aspect grossier.
Atouts des voies d’eau
Dans tout le pays de France, campagnes et forêts sont alors peu sûres, surtout pour les marchands. Outre les dangers des conflits armés, il convient d’esquiver les attaques des bandits de grands chemins. Ils détroussent et volent les chargements quand ils n’égorgent pas les voyageurs. Puis résister tout simplement à des voies si peu carrossables est une réelle épreuve. Le mauvais état des chemins ralentit grandement les voitures, rompt les essieux et fend les roues. Il est cause de bien des dégâts aux cargaisons, sans parler des pauvres postérieurs en disgrâce de voyageurs malmenés sous de cahots incessants. Ainsi les voies d’eau s’imposent. C’est un moyen de transport moins risqué, plus rapide pour des charges plus importantes et qui est bien plus confortable.
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Avant que se joignent les « Mers Océane et Méditerranée »
Le 17 novembre 1667, la pose de la première pierre de l’écluse de descente en Garonne à Toulouse est saluée avec enthousiasme. Elle signifie le vrai début de la construction du canal et nourrit, pour tous ces marchands du pays gascon, le grand espoir de traverser le pays d’Oc pour rejoindre la Méditerranée… puis surtout d’atteindre Beaucaire et sa très réputée foire de la Madeleine, haut lieu du commerce européen. En 1668, Riquet qui a bien compris l’engouement de ces commerçants pressés de ne pas attendre la jonction des deux mers de sa voie royale, achète aux enchères le fief et péages du canal. Devenu Seigneur du canal du Languedoc il peut ainsi percevoir à son compte les taxes sur les marchandises et les personnes transportées. Une bien bonne affaire que de voir ces barques naviguer avant l’inauguration du canal ! D’un gabarit plus petit que celui connu de la barque languedocienne « La Marie-Thérèse » (26,20 m par 5,51 m), elles suivront ainsi la progression des travaux : de Toulouse et Naurouze dès 1672, puis deux ans plus tard, enfin, jusqu’à Castelnaudary.
Véronique Herman