
Lorsqu’on interroge Marc Russo, jeune retraité sur son choix de devenir médecin généraliste à la campagne, il répond, « comme beaucoup à cette époque, mon père a décidé pour moi ! Tu seras médecin. J’ai donc été programmé pour être médecin… J’aurais pourtant bien aimé la chirurgie… ». Il a donc commencé médecin généraliste et a terminé médecin généraliste. Au gré du temps, cinq installations dans des lieux différents, mais toujours dans le Sud. A part trois ans de SOS Médecin, il a toujours exercé dans son cabinet médical. Le métier a évolué, « Tout a changé : les gens ont changé, ils sont stressés par une trop grande abondance d’informations, des informations vraies, fausses ou incomplètes. Ils savent déjà ce dont ils ont besoin : un arrêt de travail, un renouvellement d’ordonnance, des examens de spécialistes, un certificat de cure, d’aptitude. Les médecins généralistes sont devenus des plaques tournantes de la médecine, des machines à rendre service. Avec internet et la télévision, il y a moins de valeur ajoutée, leur avis compte mais les patients ont déjà une opinion. Avant, les gens ne savaient rien, et ils attendaient tout de lui! Le médecin de campagne faisait tout, accouchement, petites opérations, anesthésies. ».
Dans cette activité, le bon sens lui a plus servi que ce qu’il a appris en faculté, « la fac de médecine ne m’a pas préparé. L’essentiel pour moi était au début de ne pas paraître ridicule, de montrer mon inexpérience, d’être jugé. Il faut être sérieux, on a une responsabilité ! Il faut trouver les solutions tout seul. Dans certains cas, la pression de la famille est très importante… Quoi faire ? Quelle décision prendre ? Où l’orienter ? Spécialiste, Hôpital, SAMU, Pompiers… Par contre, lorsqu’on est à l’hôpital, on a tout sous la main ! ». Puis, Marc Russo a décidé d’abandonner son cabinet de Nice « Exode urbain ». Et s’est décidé finalement à s’établir à Puichéric. La campagne était belle et sans zone industrielle, ce village lui plaisait. Il a pris la suite du docteur Ventresque et a été tout de suite adopté. C’est vrai qu’il y passera le temps qu’il faut. Toujours attentif et à l’écoute du patient. Désirant plus que tout exercer sa profession avec probité et compétence, il sera contributeur et lecteur infatigable de la revue « Prescrire », la référence nationale et incontournable dans le domaine de la médecine. Il a pris sa retraite en juin, et lorsqu’il a commencé à chercher un remplaçant en février 2020, personne ne s’est proposé… Bien sûr, le Covid-19 a tout chamboulé et a mis une pression supplémentaire. Mais les candidats sont rares même en temps normal surtout pour s’installer à la campagne. Il est vrai que le nombre de médecins généralistes diminue depuis plus 40 ans, d’abord parce qu'on a limité le nombre d’étudiants (numerus clausus), puis on a formé davantage de spécialistes (donc moins de généralistes). La pénurie de médecin est plus cruciale en campagne car il faut faire plus de kilomètres pour en trouver un. De plus les jeunes préfèrent exercer dans des maisons médicales ou être salariés. Le médecin généraliste en milieu rural sera-t-il dans un avenir proche remplacé par la téléconsultation et les cabinets virtuels ? Beaucoup le regretteront, mais nul doute que cette tendance accentuée lors du confinement sera l’avenir. En attendant, un autre médecin généraliste a pris la suite à Puichéric !
Philippe Gouze