Les révélations des souffrances des résidents et des personnels des Ehpad montrent combien notre société devient cynique. Pour faire des économies, on en vient à des situations complètement impensables, où dans ces maisons de retraite, les résidents sont souvent maltraités faute de moyens. On ne relatera pas ici les témoignages terribles que l'on peut lire ici et là dans la presse nationale. La population française est vieillissante, c'est un fait que l'on ne peut nier. En 2010 l'Insee prévoyait même que les plus de 60 ans représenteraient en 2060 environ 32 % de la population globale française. La conséquence est que les dépenses liées à la dépendance seront de plus en plus élevées, année après année. Mais en même temps, le gouvernement prône la maîtrise des dépenses, notamment dans le secteur médical. Cela ressemble fort à une impasse et les 50 millions d'euros que la ministre de la Santé et des Solidarités, Agnès Buzyn, a promis de rajouter au plan de financement ne devraient pas contenter les personnels et les familles inquiètes du sort qui est réservé à leurs proches. Ainsi, on ne voit pas comment la situation pourrait s'améliorer, au contraire. Que faire ? Faut-il tout privatiser ? Dans le secteur privé, les conditions d'accueil peuvent être tout aussi déplorables comme le décrit par exemple Médiapart dans son article du 29 janvier (Chez Orpea, la fin de vie se paye au prix fort). Les maisons de retraites privées appartenant à des groupes sont cotées en bourse ou propriétés de fonds d'investissement. Pourquoi ? Pour la simple et bonne raison que c'est rentable. La demande est vouée à augmenter avec le vieillissement de la population. Un bon investissement donc.
Une entreprise est soumise à l'exigence de rentabilité, c'est dans sa définition. Dès lors elle cherchera également à faire des économies de dépenses en limitant par exemple le nombre d'infirmiers ou d'aide-soignants, ce qui conduit à la dégradation du service, exactement comme dans le public. Ce n'est pas pour rien que la santé (ou l'éducation) est du ressort de l'État, c'est pour (normalement) éviter ce genre de dérives. L'État, officiellement, ne se désengage pas mais compresse les dépenses publiques, ce qui a pour effet de pousser les familles à se tourner vers le secteur privé, croyant gagner en qualité de prise en charge. Si cela est parfois vrai, ce n'est pas non plus une garantie. A trop vouloir gérer un pays comme une entreprise, on en oublie parfois les fondamentaux humanistes d'une République.
Nicolas Faure