Partager la publication "Rieux-Minervois, 24 août 2021 : ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines?"
Le mardi 24 août, les Mérinvillois ont commémoré la Libération de leur commune. Le temps passe mais personne n’a oublié et pour cause... Les noms de dix jeunes hommes gravés sur le monument de la Résistance rappellent que cette page d’histoire s’est ici écrite dans le sang.

Soixante dix-sept ans jour pour jour après, la population, les responsables associatifs et une foule d’autorités civiles et militaires (voir encadré) se sont rassemblés devant la mairie. Le conseil municipal, le maire Bernard Yagues et Jacques Escande*ont accueilli les participants tandis que dix-sept porte-drapeaux déployaient leurs étendards en formant les rangs sous les ordres de Régis Burger. Ce ne sont pas eux qui ont ouvert le long cortège mais une traction FFI, des jeeps et autres véhicules américains authentiques, appartenant à Didier Duclos du Bataillon Minervois d'Ouveillan, aux frères Faurie et à Serge Tort de Rieux, tous présents et vêtus en habits d’époque. Cet équipage, qui semblait surgir de l’Histoire, a suscité l’intérêt des automobilistes et des passants dont beaucoup ont suivi le mouvement jusqu’au monument aux Morts de la Résistance où une première cérémonie a eu lieu. Avant que Jacques Escande retrace l’inoubliable journée, Thierry Tarbouriech a lu le témoignage de son papa Georges, décédé en avril dernier à l’âge de 97 ans, présent lors des faits.
« Ce n’est pas la Libération de Rieux... »

Le maître de cérémonie a rappelé le contexte général. Après le débarquement en Provence, les colonnes ennemies se sont repliées par les axes secondaires du nord-est audois, d’où leur passage en Minervois. Partout, les maquis avaient pour mission de retarder leur « montée » vers la Normandie. À partir du 11 août, les résistants de plusieurs villages du Minervois, issus de l’AS dirigée par Louis Raynaud et René Piquemal, s’étaient constitués en un groupe de FFI (Force française de l’intérieur). Le commandant Henri Bousquet a pris la tête de ce détachement, futur Bataillon Minervois. Cette force et celle du maquis de Citou, qui avait recueilli les survivants du maquis de Trassanel anéanti trois jours avant, ont accroché les Allemands le 16 août 1944 à Bize, le 19 à Peyriac, La Redorte et Puichéric, le 20 à Villeneuve, le 21 à Caunes, le 22 au col de la Salette, à la limite de l’Hérault, le 23 à Montolieu, Pennautier et La Redorte, le 24, enfin, à Villegailhenc et à Rieux. Ce jour-là, en représailles, les Allemands et leurs auxiliaires ont pénétré en force dans le village.
« ... C’est l’anniversaire d’une tragédie »
Ils pillèrent les maisons situées le long de la Grand-Rue, de la route d’Azille et de celle de Saint-Frichoux, violèrent trois femmes et prirent quatre otages parmi les villageois. Lors de l’affrontement armé qui a suivi quatre habitants ont été abattus : Marcel Labatut, un des otages, Camille Amalric, François Marieu et Louis Cros. Six FFI ont aussi été tués au combat ou sont morts des suites de leurs blessures : Jean Cadastrem, François Ferrié, Paul Fleurisson, Joseph Garcia, Robert Guis, Alfred Raulet. Les trois autres otages ont été relâchés à dix kilomètres de Rieux après avoir été torturés. « Le legs de ceux qui se sont battus pour notre liberté, nous impose d’œuvrer pour la paix et de ne jamais oublier. C’est ce qu’on appelle le Devoir de Mémoire. Dans la longue nuit de l’Occupation ou sur tous les champs de bataille, c’est la fraternité qui a sauvé les Compagnons au-delà des partis, des religions, des origines et des divisions », a conclu M. Escande. Propos développés par le maire et par le conseiller départemental avant un très applaudi lâcher de colombes.
Maurice Faurie, l’évadé récidiviste.

De retour sur la place de la mairie, les autorités et la foule ont salué les porte-drapeaux puis J. Escande a demandé aux frères Faurie, Jacques (81 ans) et Henry (75 ans), de s’avancer. Maurice, leur père, est décédé à Rieux en 1984 des suites des traumatismes et sévices infligés pendant la guerre. Plombier, il a été mobilisé en 39 et rappelé en 40. Rapidement fait prisonnier, il s’évade 6 fois, est repris 7 fois et fini sa captivité au camp de Rawaruska (Ukraine), surnommé « Camp de la goutte d’eau » ou de la mort lente. Les terribles tortures qu’il a endurées après chaque évasion l’ont marqué à jamais. Libéré en 1945 par les Américains, il refuse tous les soins et rejoint seul son midi natal. J. Escande a conclu : « Jacques et Henri, je sais votre attachement aux valeurs Républicaines. Je voulais marquer ce moment solennel de la mémoire de votre papa. Par mon entremise, l’association des Anciens combattants et du Devoir de mémoire de Rieux vous remet la plaque hommage des Anciens Combattants Prisonniers de guerre à leur Camarade. A nous le Souvenir, à lui l’immortalité. Vive la République, Vive la France ».
Texte et photos Danièle Storaï
*Jacques Escande a organisé et dirigé la cérémonie. Capitaine de réserve de gendarmerie, il succède à Maurice Laville aux fonctions de président des Anciens combattants & du Devoir de mémoire de Rieux.
Les participants en détail
- Autorités militaires. Le général Bernard Josz, ancien délégué militaire départemental de l’Aude ; le colonel Jacques Février ; le colonel Jean-Marie Raynaud ; le lieutenant-colonel Capman représentant le commandant Barbarin délégué militaire départemental ; l'adjudant-chef Moutte, représentant le commandant de la brigade de gendarmerie de Peyriac, et une délégation de sapeurs-pompiers du centre local.
- Autorités civiles. Alain Ginies, conseiller départemental ; Bernard Yagues, maire de Rieux et son conseil municipal, les maires de Saint-Frichoux et de Villalier, Marie-Paule Pibouleau, membre des bureaux national et départemental de la FNACA et présidente du comité local ; la famille du général Bousquet.
- Associations. Le Souvenir Français était représenté par les présidents des comités de Carcassonne (Alain Denat), de la Montagne Noire (Alain Tiquet), d'Azille (Alain Martin), de Caunes (Jean Noël Curbelet), de Trèbes (Jean Claude Harriot), la présidente et porte-drapeau du comité de Campagne sur Aude (Marie-Sabine Forest Mur) et le Délégué général (Jean-Louis Béziat).
- Jacky Loison président des Médaillés militaires de l’Aude, Thierry Marouze président de l’AMAC de l’Aude, Jean-Jacques Bonnet représentant l'UNPRG UD 11, Serge Rovidati président du Génie 11 zone Sud, J-M Raynaud président de la Croix de guerre et valeur militaire, Arlette Moulin secrétaire générale de l’académie des Arts et sciences de Carcassonne et son trésorier M. Harriot.