Chronique toponymie, toponimia d’aquí : Aigne (suite)
Aigne Anha (suite)
La Prade, domaine La Prade Mari. La Prada
La prada, c'est le grand pré. En occitan, le féminin est souvent augmentatif. Una prada, es un prat grand, una cotèla un cotèl grand, un grand couteau. Pré car avant la vigne, les collines du Minervois étaient lieu d'élevage. Les prés devaient occuper certaines terres, plutôt humides, pour que l'herbe pousse bien :
Fai champ ont voldràs
E prat ont podràs.
Laprade et Prades le Lez sont des noms de village. Un couplet du Se Canta nous dit : Aval dins la prada, i a un pibol traucat, Lo cocut i canta benlèu i a nisat. Là-bas dans le pré il y a un peuplier troué, le coucou y chante, peut-être y a t-il niché.
Et Mari ?
Souvent, Mari ou Mary, en toponymie, signifie exposé au marin (Pech Mary à Carcassonne). Ici, c'est le nom de famille qui est venu s'ajouter un toponyme pour donner le nom du domaine. La famille Mari s'est installée à La Prade en 1964, créant le domaine La Prade Mari. Peut-être leur patronyme vient de l'occitan marin, vous pourrez le leur demander lorsque vous irez déguster leurs excellents vins. En tout cas, il faut se protéger du vent marin et de son humidité qui donnent une impression de froid, même si « lo marin a pas mai d'abric que lo paure d'amics ». Et je demande aux lectrices de me pardonner ce proverbe un peu (!) misogyne :
Marin que gèla, cerç que desgèla, capelan que dança, femna que parla latin, tot aquò fa patir (Alibert proverbes de l'Aude). Marin qui gèle, Cers qui dégèle, curé qui danse, femme qui parle latin, tout ça fait souffrir.
La Matte, la mata
La mata, en occitan, c'est une touffe d'herbe, un buisson. C'est aussi le plant d'asparagus, celui qui nous indique où se cache la jeune asperge sauvage.
« Gaita las matas que i a e pas un espargue ! » regarde les mattes qu'il y a et pas une asperge.
Lo matàs, avec augmentatif, c'est le buisson, le hallier, synonyme le bartàs.
Et attention de ne pas faire venir le malheur en en parlant trop car :
Quand òm parla del lop, de la mata sòrt. Quand on parle du loup, on en voit la queue.
Yves Séguier
Chronique toponymie, toponimia d’aquí : Aigne
Mentions anciennes : « terroir d'Aignan », 1284 Anhanum, 1318 Anhano, 1351 Aygnan. 1518 lieu d'Aigne. 1599 Aigne1643, 1770 (Cassini). Domaine gallo-romain : gentilice lat. Annius, suff. -anum . (Toponymie de l'Hérault Frank R. Hamlin).
Encore un village du Minervois dont le nom serait issu d'un gentilice latin. En français, ces noms peuvent donc se terminer en -an (Ouveillan) en -a (Roubia, Oupia) ou par un e muet (Bize, Aigne). En occitan, plus simple, la plupart se terminant en -an (Ovelhan, Robian, Bisan). Mais Aigne fait exception (Anha).
Le sobriquet des Anhòls : Cagarós (foireux), à cause de la rime Anha caganha, ou plus généralement Cagaraulièrs (ramasseurs d'escargots), sûrement à cause du Cagaròl. (Claude Achard, dictionnaire satirique des sobriquets collectifs de l'Hérault).
En effet, Aigne est constituée d’une circulade, rue principale unique qui s’enroule jusqu’au cœur du village. Une « circulade dont sont fiers les Aignois ». Un « Cagarol » ou « Cagarou » comme ils aiment à l’appeler. « Per veire lo cagarau, cal totjorn passar per lo mème trauc » « Pour visiter l'escargot, il faut toujours passer par le même trou…» (on y accède par un porche privé).
Lo cagaròl ou Cagaròu en occitan, c'est l'escargot, dont on dit que pòrta l'ostal sus l'esquina (il porte sa maison sur le dos). Ce qui est bien pratique car : « Als cagaraus lo rei met pas de taus. Aux escargots, le roi n’applique pas de taxe. »
Certains, d'esprit casanier, ou à cause du couvre feu, sont amenés à « Se retirar coma un cagaròl dins sa cabana ». L'essentiel, c'est bien d'éviter de Faire coma lo cagaròl, que canta quand son ostal brutla, faire comme l'escargot qui chante quand sa maison brûle. Référence au plat national de nos voisins catalans, la cargolada, et au bruit que font les gastéropodes quand ils cuisent sur la grille.
Cagaròl
bana baneta
sortis ta testeta
Te balharai un gran de sal
Per anar a l'espital
"Escargot, corne cornette, sors ta tête, je te donnerai un grain de sel pour aller à l'hôpital. Ce que la comptine ne dit pas, c'est que l'escargot une fois salé, finira non à l'hôpital, mais sur la braise ! Chez nous, les escargots se mangent plus généralement en sauce tomate au jambon de pays ou en ailloli, certains étant capables d'en manger plus de cent, comme le chante Christian Almerge sur l'air de I love rock'n Roll ":
I love cagaròls
Tres o quatre cents dins la marmita
I love cagaròls
Amb un pauc de pan e d’alhòli.
Yves Séguier