La Semaine du Minervois

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Chronique au fil de l’eau : Duo et duel aux échelles du miroir d’eau

23 décembre 2021 By Redaction

Meuniers et barquiers, aux vies menées au gré des flux de la voie d’eau, furent tant complémentaires qu’opposés dans leurs activités sur le canal du Midi. Tout en créant son œuvre, le sieur Riquet conçut pour eux l’essentiel afin de rendre efficace le travail de chacun. Pourtant le long ruban, irisé d’émeraudes et d’argents baignés dans la lumière occitane et au calme olympien parfois livré aux fureurs d’un Poséidon capricieux, décida toujours du rythme de leurs existences comme il contraignit le Baron de Bonrepos à lui adapter ses ambitions.

C’est en ce point stratégique du seuil de Naurouze, ligne de partage des eaux s’écoulant d’une part vers la Méditerranée et d’autre part vers l’Atlantique et située à 193 mètres d’altitude, que Riquet décida de la naissance du système d’alimentation de son canal Royal du Languedoc.

Si nous avons déjà signalé que Pierre Paul Riquet construisit « ses » barques et moulins dès les débuts des travaux du canal, il les évoquait déjà au temps de sa conception, les présentant comme des atouts pour exploiter les eaux. Il le précise, notamment dès 1664, dans ses correspondances suivies* avec le ministre Colbert alors qu’il défend le bienfondé de son projet tout en annonçant « la dépense plus grande » et les difficultés plus importantes qu’il ne les avait prévues.

Huit mois d’abondance

On peut ainsi lire que « …les eaux de la montagne Noire … ont été jugées suffisantes pour l’entretien du Canal de navigation proposé… » et que « la totalité des eaux desdites rivières pour tenir ledit Canal fourni ». Revélois d’adoption et passionné de « calcul de débit et de robinet », il a parfait ses connaissances en l'hydrographie de ces hauts reliefs et du bassin du Sor, une contrée où il pleut deux fois plus souvent que dans la plaine du Lauragais et où les lieux d’altitude au-dessus de 600 mètres reçoivent plus de 1300 millimètres par an. Dans ses lettres au ministre, il stipule ainsi que le pays par où ces rivières coulent est « arrosé durant huit mois l’an » et que « les eaux superflues que l’on sera contraint de laisser échapper… seront de force suffisante pour les moulins», ajoutant « et pour arroser les terres alentours ». Il va sans dire que l’esprit audacieux et entreprenant de Riquet ne peut se contenter de regarder « filer » l’eau vers l’Atlantique d’une part et la Méditerranée de l’autre. Cette abondance d’eau, dont les mouvements indissociables à la gestion du maintien d’un niveau constant pour la navigation des barques, s’impose donc comme une évidence providentielle pour actionner des moulins.

La prise d’eau d’Alzeau (ou Alzau) lieu mythique connu et visité des amoureux du canal du Midi car désigné comme la « source » du canal du Midi. Cette rivière n’est autre que le cours supérieur de la Rougeanne qui prend naissance au cœur de la Montagne Noire. C’est cette Rougeanne qui inspira Riquet pour réaliser, à côté d’Arfons, la rigole de Coudières, première rigole d’essai qu’il abandonna ensuite et qui aujourd’hui est quasiment disparue.

Pour quatre mois de sécheresse

Notre Biterrois connait également très bien le climat de son Languedoc. Et à ces fortunées périodes où l’eau abonde il oppose celles où le soleil brûlant fait loi et que l’or bleu vient à manquer, saison pour laquelle il prévoit des réserves en de fameux bassins de retenue. « … afin que semblable avantage se puisse rencontrer pendant les quatre mois de la sécheresse, il a été jugé nécessaire de faire en hiver quinze ou seize magasins d’eau dans des endroits très favorables qui se rencontrent dans la dite montagne et sur le courant desdites rivières ». Rappelons ici que c’est « aux sources du canal » qu’en 1667, il réalisa le fameux « Réservoir » en créant le lac de Saint-Ferréol qui fut alors le plus grand barrage d’Europe.

Ingénieux mais coûteux…

Si Riquet affirme que « cela peut se faire sans difficulté », il n’hésite pas à avertir que ce sera « non sans dépense » ! Il lui faut effectivement prévoir entre autres de nombreuses et imposantes « chaussées », à l’instar de celle de Coudières qu’il réalisa en pierres sèches sur la Rougeanne et qui lui servit de « galop d’essai » pour accréditer son projet, essai concluant qui sera renforcé par un deuxième exemple avec la rigole de la plaine, captant les eaux du Sor et confirmant l’efficacité de son ingénieux système d’alimentation. Revenant à ses moulins, il insiste aussi auprès de son intercesseur royal en ces mots pour réitérer sa foi et son engagement «  l’espoir des avantages qu’on en espère doit rendre ces obstacles de peu de considération, l’invention de ces magasins rend la navigation du canal perpétuel, et fait les arrosemens, et aller les moulins à la coutume ».

Aux portes de puissantes chutes d’eau

La chute d’eau de l’écluse d’Ognon à chambre double est ainsi un « escalier à deux marches » permettant « d’avaler » (en descente vers la Méditerranée) le déniveler de 5 mètres depuis l’altitude de 46 mètres, à la sortie de l’écluse de Homps.

À l’époque, notre brillant bâtisseur imagine alors ces fameuses installations à moudre le grain couplées en amont et en aval d’écluses judicieusement choisies. Comme déjà signalé, c’est avant la première et après la dernière porte qu’il positionne ses moulins, bénéficiant de la déviation d’un flux puissant durant les fermetures des vantaux. Et ces portes, initialement, il les veut extrêmement hautes afin que chaque transport d’eau soit optimisé. La gageure est de « monter » en biefs réguliers depuis Toulouse, à 135 mètres d’altitude, jusqu’aux 193 mètres du seuil de Naurouze et, inversement, d’« avaler » jusqu’à la Méditerranée. Il annonce pour cela qu’il projette « qu’il y ait neuf pieds (2,925 mètres) d’eau dans ledit canal, et par conséquent dix-huit pieds (5,85 mètres) dans les écluses quand elles sont pleines ».

Un escalier de marches hautes

Pour ce faire, il prévoit d’imposants bassins rectangulaires, au radier profond, véritables escaliers d’eau bravant les dénivelés qu’il veut franchir, d’un lieu à l’autre, en une seule « marche » des plus hautes. Cette hauteur qualifiée « d’extraordinaire » fut l’objet de controverse avec M. de Bourgneuf,  Conseiller, Ingénieur et Géomètre du Roy, chargé du Canal Royal du Languedoc (qui fut également actionnaire du Canal de Briare). Celui-ci « faisoit quelque difficulté » aux prétentions de notre ambitieux Riquet qui, nonobstant, parvint à le convaincre… Pourtant, avec le temps et les aléas du chantier, il lui fallut rajuster ses exigences à l’instar des écluses à bajoyers rectangulaires que, face à la pression des terres, il transforma en elliptiques et aux vastes bassins uniques qu’il remplaça par des chambres doubles, triples et parfois même quadruples en les munissant de portes intermédiaires.

Passent les barques s’arrêtent les moulins

En 2016 se déroula la vidange exceptionnelle et spectaculaire de la retenue d’eau de Saint-Férréol. Ce réservoir a été conçu par Riquet lorsqu’il décida de la construction du barrage en 1667. Ce dernier est le plus ancien « grand barrage » de France encore en exploitation.

On peut dès lors aisément imaginer que lorsqu’arrive une barque et que doivent s’ouvrir les vantaux, notre meunier n’est pas à son affaire: non seulement il lui faut abandonner son grain pour courir à l’écluse et actionner portes et ventelles (vannes) mais de plus, sous ses yeux, il voit filer, dans le bassin, l’eau de « son » canal d’amenée voire alors s’arrêter les roues horizontales de son moulin… Tout cela quand il ne faut pas aussi s’occuper des chevaux de halage ou encore des voyageurs qui, à l’époque, sont contraints de débarquer. Ah ces barquiers qui passent n’apportent guère d’eau à leur moulin même si parfois ils portent du grain à moudre!

Véronique Herman

Classé sous :Actualités Balisé avec :barquiers, canal du Midi, chronique au fil de l'eau, Meuniers, sécheresse, vidange

Chronique au fil de l’eau : au vent silencieux des piliers des âmes défuntes

5 novembre 2021 By Redaction

Né de l’amour d’Apollon, c’est de sa musique mélancolique et grave qu’il rythme les paysages et charme Téthys, la Méditerranéenne, tandis que sa longue silhouette, symbole d’immortalité, s’élève au firmament des dieux, paisible gardienne de nos chers disparus. Sentinelle du vent, il désigne les lieux et les protège. Ainsi il est venu, lui aussi, se mirer dans les eaux du canal du Midi.

Solides et tortueux vieux cyprès, unis serrés les uns contre les autres, en alignements ils ne font plus qu’un, rempart immuable contre le vent. (ici le long du canal à Marseillette ©V.Herman)

Vous l’aurez compris, il s’agit là de l’élégant cyprès, arbre mythique et évocateur de nos plaines et nos garrigues. Solitaire, il vient fièrement les ponctuer de son flambeau et, en file indienne, c’est de son pinceau d’émeraude qu’il en trace, quadrille et souligne les formes. À la veille de novembre, mois si emblématique de la mémoire et des hommages à nos défunts, ce sujet consacré à celui qui contribue à la beauté mélancolique et sereine de nos cimetières s’est donc tout naturellement imposé.

Timides implantations

Alors qu’elle portait encore le nom de Canal Royal du Languedoc, l’œuvre magistrale de Pierre-Paul Riquet ne semble avoir été garnie que d’un seul cyprès ! En effet, les archives des Voies navigables de France signalent que « le tout premier cyprès répertorié figure dans l’état des plantations de 1780 de la division de Trèbes »… unique et le seul de cette essence qui attendra la Révolution passée pour timidement se multiplier au bord de celui alors nommé « canal du Midi ». C’est en réalité en 1817 que l’on peut attester d’une vraie présence de cette essence, figurant alors au nombre de 144 sur le tableau des plantations de la division de Carcassonne. En 1853, dans « le guide du voyageur », le Comte G. de Caraman écrit : ....«Sur plusieurs points, le canal est bordé par une plantation de cyprès formant une haie vive très serrée, et qui préserve les barques de l’action des vents du nord, lesquels règnent quelquefois avec une violence qu’on a de la peine à combattre». Et en 1859, la population va alors quasiment doubler, avec 268 sujets âgés de 15 à 36 ans et répartis entre la retenue du Roc, celle de Beteille et le bassin de Castelnaudary.

Des barquiers pour… des barquiers contre !

Comme au Somail, signifiant de loin la présence du pont, de la chapelle et de la dînée, le cyprès a servi à désigner les lieux et les ouvrages importants sur le canal (©V.Herman)

Dès ses débuts le cyprès est assigné à plusieurs tâches destinées à faciliter la navigation. En solitaire, il vient désigner un ouvrage, que ce soit une écluse, un pont, une étape comme par exemple une dînée. Le haut de sa silhouette pointée vers le ciel permet alors aux barquiers de repérer les lieux de loin et de pouvoir appréhender la manœuvre à exécuter. Alignés, serrés et unis les uns contre les autres, ils sont là pour protéger de toute la force tranquille de leur stature dense et puissante. Et comme en Provence ils défendent les cultures du Mistral, ils sont venus ici préserver les bateaux des assauts du vent du Nord. Cers et Tramontane ont beau s’acharner dans leur épaisse ramure, ils ne font plus qu’un, rempart impassible et immobile. Seuls, parfois, quelques rares branchent étourdies ne résistent pas et sortent définitivement de l’épais fuseau. À nouveau, les archives VNF soulignent l’utilité du cyprès au bord du canal, les longs alignements se voyant particulièrement confirmés au XXe siècle : « en 1945, les chefs d’Arrondissements préconisent de planter des cyprès … à 1m d’inter-distance, sur 100m ou d’avantage, aux abords des écluses, aux courbes, et en général aux passages délicats, de manière à protéger contre le vent les bateaux accédant à celles-ci dans les secteurs les plus ventés. » Et pourtant… malgré l’évidence de cet intérêt protecteur, un certain nombre de barquiers vont « rouméguer ». Ils estiment, au contraire, que lorsqu’ils sont sur la descente, qu’ils repartent de Toulouse vers Sète, le bénéfice du vent leur permet, surtout chargés de fret lourd tel le sable, de gagner en temps et en carburant. Et c’est tout particulièrement le cas, sur la « ligne » droite du grand bief. Sur les 54 km, depuis l’écluse d’Argens et jusqu’à l’escalier de Neptune, à Fonsérannes, ils peuvent se laisser filer au vent et arriver plus vite aux portes de Béziers. Qu’à cela ne tienne, les plantations continueront certes de façon modérées et ciblées. Aujourd’hui, outre les nouvelles campagnes de replantation, le cyprès est considéré comme la deuxième essence des alignements, après le « malheureux roi » platane. Avec plus de 1000 individus et un linéaire de 8 km cumulé, il représente un peu plus de 2 % du patrimoine historique végétal du canal.

Un arbre, né des amours d’Apollon

A Fonsérannes, sur la rive droite de l’Escalier de Neptune, une belle allée de cyprès a été plantée à la fin du XIXe siècle pour protéger du vent et faciliter les manœuvres des barquiers qui franchissaient les écluses.

Si depuis des millénaires, l’homme en a fait l’arbre des paysages méditerranéens, la patrie originelle du cyprès se situe en Asie occidentale où il aurait planté ses premières racines sur les flancs des montagnes au nord de l’Iran. Et le poète, séduit par l’aura de cette élégance si grave, s’est emparé du port élancé vers les cieux de notre arbre. Ainsi Ovide dans ses Métamorphoses l’a fait naître de la décision d’Apollon qui, en lui, immortalisa la mémoire de son cher Cyparissus tant aimé. L’histoire raconte que ce dernier tua malencontreusement de son javelot le magnifique cerf dont il s’était fait l’ami fidèle. De désespoir Cyparissus voulut mourir et implora les dieux que son deuil soit éternel. Il pleura tant que son sang s’écoula en flots de larmes et que ses bras et ses jambes s’assombrirent d’un vert profond. Et c’est ainsi que lentement il se transforma en cyprès. Dans sa tristesse, Apollon déchiré par la perte de celui qu’il aimait, lui dit « Je verserai sur toi des larmes et tu en verseras sur les autres compagnons de la douleur ». Et de Cyparissus, le cyprès « arbre funéraire » était né.

Nous vous donnons rendez-vous la semaine prochaine pour retrouver notre cyprès au fil de l’eau, des dieux et des hommes.

Véronique Herman

Classé sous :Actualités Balisé avec :arbres, barquiers, canal, canal du Midi, chronique au fil de l'eau, cyprès

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