Réalisation : Joachim lafosse
Durée : 1 H 58
Avec : Léïla Bekthi, Damien Bonnard, Patrick Descamps
Nous voici dans la vie de Damien un peintre fiévreux et inspiré entre la suractivité créatrice d’épisodes exaltés et l’abattement dépressif. A son intranquillité répond celle de sa compagne. Une première séquence en mer, où le petit garçon du couple réussit à ramener le bateau familial à bon port en dépit de la disparition momentanée et angoissante du père qui s’était embarqué avec lui donne le ton. Damien est un peintre très talentueux. Il conçoit des œuvres de grand format la nuit dans son atelier qui jouxte la maison familiale. Son pinceau s’écrase sur la toile avec fougue, dans une rage et une fulgurance équivalentes à la maladie mentale qui le ronge. En effet, quand il tient à réparer une bicyclette à deux heures du matin, passe des heures à préparer un repas grandiose, et veut rouler des kilomètres pour se procurer quelques glaçons, le spectateur comprend que quelque chose ne tourne pas rond dans sa tête. Son épouse, restauratrice de meubles, tente de maintenir l’équilibre de la maison en prenant soin de leur fils et en veillant que les crises maniaques ou dépressives ne viennent pas saccager leur existence quotidienne. Poursuivant son mari telle une infirmière, elle passe sa vie à vérifier s’il n’aurait pas commis une énième « connerie ». Elle fait preuve d’une psychologie rare, d’une patience infinie. Elle aime son mari, mais à force de contenir les risques et les débordements de Damien, elle finit par s’épuiser et se perdre. Et il y a l’enfant, entre les deux, qui n’a pas choisi ses parents et, s’enlise dans l’angoisse, les nuits sans sommeil et l’échec scolaire. Le metteur en scène refuse de montrer les soins, les consultations psychiatriques. L’essentiel de son récit se passe dans une maison magnifique, bordée d’arbres. Mais ici, point de romantisme, nous sommes dans la narration de la folie brute, directe. La puissance de cette œuvre est nourrie par l’interprétation des deux comédiens principaux. Damien Bonnard se jette à cœur et à corps perdus dans les habits de son personnage. A ses côtés, Leïla Bekhti confirme son talent. Elle ne joue pas les seconds rôles. Au contraire, sa place de mère et d’épouse est fondamentale dans ce récit de la folie. Les derniers plans feront toutefois écho au premier en nous offrant une fin ouverte et apaisée.
Au Théâtre+Cinéma à Narbonne
Jean Segonne