Stimuler l’écosystème microscopique de la vigne pour qu’elle résiste mieux aux maladies ? Depuis quelques mois, la recherche s’est invitée dans les rangs de trois domaines viticoles pour expérimenter, sur le terrain et avec les vignerons, de nouvelles méthodes de traitement. Le but est d’étudier en direct sur des parcelles, une approche « biophile » pour réduire les traitements « biocide » largement répandus en viticulture conventionnelle et bio. Derrière ce programme, l’association Chemin Cueillant expérimente.
A travers cette démarche, la petite association d’agroécologie en Minervois offre à ses adhérents la possibilité d’une approche innovante, alliant le savoir des agriculteurs à des méthodes scientifiques dans le but de répondre à leurs besoins (et à celui de la planète). Depuis février, Baptiste Algayer, pédologue (spécialiste des sols) ancien chercheur à l’Inra (entre autre) est embauché comme animateur technique pour mener à bien ce programme. Le projet MicroBioPhyto vise à expérimenter des traitements biophiles contre les maladies de la vigne, et constitue le premier épisode de cette collaboration.
Derrière cette expérimentation, l’objectif est de mieux comprendre le fonctionnement d’un écosystème cultivé afin d’utiliser les bonnes pratiques agroécologiques permettant une agriculture durable. « L’agriculture n’est pas un processus naturel. Par ses interventions, l’agriculteur perturbe le fonctionnement naturel des écosystèmes pour produire. Depuis des décennies, des dérives ont conduit à multiplier les interventions et aujourd’hui, les écosystèmes agricoles sont souvent détruits, ce qui nécessite encore plus d’interventions pour produire ! Ce modèle n’est pas durable. C’est un cercle vicieux duquel il est devenu très difficile de sortir. Les pratiques agroécologiques visent à reconstruire les écosystèmes agricoles pour une agriculture durable et respectueuse » explique Baptiste. Mais pour mettre en place ses pratiques agricoles innovantes, il faut expérimenter !
Son idée aujourd’hui est de tester l’application de traitements à base de thé de compost visant à stimuler le fonctionnement des écosystèmes microscopiques dans les vignes afin de limiter l'expansion des pathogènes. « A l’instar de toutes les plantes, la vigne est peuplée de milliers de micro-organismes, que ce soit sur ses feuilles, sur les grappes, sur les racines dans le sol, ou encore à l’intérieur même de ses organes. Les traitements que l’on teste vise à stimuler cette vie microscopique, afin de concurrencer les pathogènes et de limiter leurs effets négatifs sur la plante». Les résultats en terme de maladies sont comparés avec ceux des parcelles traitées conventionnellement. En parallèle, des analyses génétiques d’échantillons prélevés sur la surface des feuilles et dans le sol sont réalisées afin de caractériser les populations de micro-organismes présents en fonction des différents traitements. « Ce n’est que très récemment que nous avons compris le rôle crucial joué par les micro-organismes sur le développement des plantes et donc son impact sur l’agriculture. Il s’agit d’une étude tout à fait inédite », souligne Baptiste. Jusqu’à présent, les premiers résultats ont été peu concluants sur le mildiou mais très encourageant sur l’oïdium. L’expérimentation va se poursuivre encore un à deux ans.
Chemin Cueillant s’est donné les moyens d’un programme de recherche à la pointe dont les résultats pourront déboucher sur des solutions concrètes. Avec ce programme, l’association implique les agriculteurs autrement, vers un travail expérimental, volontaire, vers la recherche de solutions plus vertueuses. Baptiste Algayer résume bien la démarche : « de bien des manières, les agriculteurs sont des chercheurs : ils œuvrent au front de la connaissance pour trouver des réponses concrètes à leurs problématiques. Ma mission est de soutenir cette dynamique et d’y apporter ma méthode, mes outils afin de générer des résultats comparables, plus faciles à interpréter pour que le processus de recherche soit optimisé à l’échelle du territoire. Pour inventer une nouvelle agriculture, nous faisons le pari d’inventer une nouvelle façon de faire de la recherche ! ».
Catherine Jauffred