
L’ancien chevrier de Saint-Alexandre, l’artiste peintre, notre ami s’en est allé. Les harmonicas se sont tus, le silence soudainement s’est abattu sur la maison de Citou. Citou, ce village niché au cœur de la montagne Noire, ce village qu’il aimait tant pour sa quiétude, sa douceur de vivre, pour la musicalité de la rivière. Il s’y sentait bien et dans ses nombreuses promenades de par les chemins et les sentiers odorants, il admirait la montagne qui coulait dans ses veines, omniprésente depuis les Alpes-Maritimes, depuis son installation à Saorge en 1970 avec sa deuxième épouse Maryline où tous deux se lancèrent dans l’élevage de chèvres en 1973 ; ses carnets de dessins, collés à sa peau depuis les Beaux-Arts de Reims qu’il intégra en 1965, où il rencontra sa première épouse Marianne, le suivaient dans tous ses déplacements. Vivre de son art était difficile ! Mais avec la naissance des enfants, il fallait choisir un vrai métier, comme on disait autrefois. L’élevage c’était plus sûr. Cependant, la maison et la chèvrerie étant éloignées des axes de communications, d’accès difficile, à 30 minutes de marche de la route, la vie spartiate qu’ils y menaient devenait compliquée pour les enfants qui grandissaient, d’où leur déménagement et leur installation en janvier 1984 à Saint-Alexandre, dans la commune de Caunes-Minervois, proche de Castanviels.
Né à Épernay dans le département de la Marne le 20 septembre 1945, François grandit dans une famille bourgeoise, négociante en champagne. En effet, la ville, implantée au cœur d’une région viticole, a son histoire ancrée dans celle du champagne. Fondée en 1908 par Albert Desmoulins, son grand-père maternel, la maison de négoce dont s’occupent son frère et sa nièce est toujours sise à Épernay. François laisse derrière lui un œuvre monumental constitué de croquis, dessins et peintures, son histoire arrosée de champagne et surtout, le souvenir affectueux qu’il portait à chacun d’entre nous dans la plus grande discrétion. C’était un homme réservé, secret, humble, les yeux tournés vers Saint-Alexandre, vers son fils aîné Mathieu qu’il a perdu en 1997, croquant les paysages et les personnages dont les membres de sa famille et ses amis, réalisant de nombreux portraits dont il savait extraire l’essence même avec des traits nerveux ainsi que des aquarelles révélatrices d’un univers poétique. Jamais un mot pour déplaire mais un regard critique sur les créations contemporaines. Il aimait parcourir les expositions et les festivals, adorait le jazz et le blues. Et puis, de temps en temps, il se confiait, lâchait sa tristesse et parlait de ses quatre enfants dont il était fier. Les photos de famille alignées sur le manteau de sa cheminée protégeant le petit jouet en bois articulé de son enfance regardent désormais un fauteuil vide. Mais nous sommes certains qu’elles trouveront leur place dans un foyer familial chaleureux et que nous rendrons hommage à François en organisant une belle exposition dans la salle municipale de Citou.
À François Bouloré, notre ami qui nous a quitté samedi 22 janvier 2022 à la Vernède en présence de son ex-épouse Maryline ; hommage rendu le vendredi 28 janvier au crématorium de Trèbes par sa famille, ses amis et les Citounels venus nombreux, sur fond de guitare et d’harmonica.
Virginie Pospisil Puente