La Semaine du Minervois

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Chronique au fil de l’eau : ces perles de rassade aux horizons de mai

20 mai 2022 By Redaction

C’est sous les premiers rayons d’un franc soleil, émergeant de plus de trois mois d’un long sommeil hivernal, que de son élégance fascinante, perlée de l’éclat précieux de ses ocelles, un timide animal vient réveiller l’Histoire. Une histoire tracée sur les chemins de “l’or blanc”, ceux qui, de Sète, de bien des ports du Royaume de France voire même de notre cher canal du Midi, laissèrent, jusqu’aux “îles d’Amérique”, un triste sillage aux parfums doux amers.

En robe colorée de ces beaux ocelles turquoises, voici le lézard ocellé, petit dragon sortant de l’eau © V.Herman

C’est en effet en ce début du mois que nous avons eu la chance de croiser au détour des eaux du canal une magnifique “rassade” sortant de sa baignade et qui, de son nom vernaculaire, nous fit investiguer l’histoire et la relier à notre chronique.

Portrait d’un grand timide menacé

Rares sont ceux qui l’aperçoivent tant il est craintif et discret. C’est pourtant le plus grand des lézards d’Europe puisqu’il peut atteindre jusqu’à 70 cm de long pour les mâles. Espèce patrimoniale de notre Sud méditerranéen, ses dignes ancêtres ont laissé des traces fossiles de leur présence ( précisément en Roussillon) datées de plus de 2,3 millions d’années. Et pourtant ce lézard ocellé, puisqu’il s’agit bien de lui, fait hélas partie des 7 reptiles gravement menacés d’extinction. Trop sensible à la pollution, à la raréfaction des insectes, notamment des coléoptères dont il se régale, mais aussi à la disparition des “bartas” de la garrigue et des “pelouses” sauvages où, dissimulé, il chasse, il ne supporte guère l’agitation. Il fuit ainsi les activités humaines qui le qui le privent de son habitat et de paisibles espaces où il se dore au soleil. Incapable de creuser, c’est dans les amas de grosses caillasses, les anciens murets de pierres sèches ou même dans des terriers de lapins qu’il installe son antre familial. Il est devenu l’un des précieux indicateurs environnementaux et climatiques servant aux zoologistes d’établir le triste bilan des dangers qui, aujourd’hui menacent bêtes et hommes.

Petit dragon de légende aux yeux de velours

Un “troisième œil” au sommet du crâne, c’est l’“œil pinéal qui, à hauteur d’une écaille centrale à la forme quasi pentagonale, est un organe photosensible dont la glande lui permet de détecter les variations de lumière. © DR

Avec son allure de petit dragon, dans sa robe parsemée d’yeux, ses magnifiques ocelles à la profonde teinte turquoise le distinguant assurément du lézard vert, il fut digne de bien des légendes. Reconnu bon nageur, ce “serait” d’une source pure et limpide où il plongea qu’il ressorti paré d’une pluie de gouttes d’eau le dotant de pouvoirs magiques, dont celui de se transformer en galant prince… ou en vilain sorcier. “Sauteur performant” pour attraper ses proies, il fit croire à beaucoup qu’il était même capable de voler ! De plus au sommet de sa tête, il possède ce qui est nommé son “troisième œil”, ou “œil pinéal”, qui est un organe photosensible dont la glande lui permet de détecter les variations de lumière… Attribut qui, convenons-en, ne peut que renforcer les pouvoirs de notre belle chimère !

Entre douceur et poison

Un mois de mai aux touches colorées de bleu dont les éphémères fleurs de Buglosses, ou langues de bœuf, viennent parfaire l’harmonie de nos talus au bord des chemins. Fleurs mellifères elles sont appréciées de nos abeilles, comme ici, butinées par la petite anthophora plumipe, cette abeille sauvage aux pattes velues. © DR

Quant à sa gourmandise des petits fruits rouges… Eh oui ! Notre grand lézard apprécie aussi les baies sucrées… cela lui valut, à l’instar de la couleuvre “sa voisine”, la réputation de bondir au pis des vaches pour s’abreuver de délicieux lait tout chaud. Par ailleurs si son repas est donc composé principalement d’insectes ou encore de lombrics et d’escargots, notre “sarrade”, ce qui est bien appréciable, dévore sans crainte et sans vergogne des “bestioles coriaces et vilaines”, telles scorpions et scolopendres. Pourvues de petites dents peu acérées, ses mâchoires sont donc très puissantes et leur morsure, si elle n’est pas dangereuse, est à craindre car elle est peu entrainer de fortes entailles en arrachant votre épiderme. De plus notre farouche lézard, qui préfère “éviter les contacts”, n’hésitera pas, une fois acculé, à affronter celui qui entreprendrait de l’attraper. Cette audace courageuse et cette pugnacité, contribua à sa renommée de petit diable invincible résistant à tous les poisons.

Précieuse rassade de pacotille

Un rassade italienne du XVIIe siècle, perle de verre aux trois couches, deux transparentes, une à l’extérieur donnant le brillant une à l’intérieur offrant le reflet à la lumière et une colorée entre-deux, de vert ou de turquoise apportant la couleur. © DR

Mais pourquoi donc avoir désigné ce fameux lézard ocellé du nom de “rassade” (du vénitien rassada, employé aussi en occitan et en provençal). Il s’agit en fait de “remonter” les siècles et de s’attarder particulièrement au XVIIe siècle alors que s’établissaient les “colonies” et que “l’or blanc”, qu’était le sucre, engendrai la malheureuse histoire du “commerce triangulaire” entre les grands royaumes de “l’Ancien monde”, l’Afrique et les “îles d’Amérique” qu’étaient les Antilles. La rassade était une jolie perle en verre étiré dont l’apparition semble dater de 1608. Fabriquée en Italie, composée de plusieurs couches, dont deux transparentes et une colorée de vert ou de turquoise, elle brillait d’un éclat qui jeta de la poudre aux yeux à travers le monde. Et si elle servit bien entendu comme objet de parure c’est surtout comme monnaie d'échange, séduisant les populations autochtones colonisées, qu’elle joua un rôle majeure dans l’histoire coloniale… et que notre beau lézard en garda le souvenir sur sa belle robe colorée.

La suite de l’histoire de cette petite perle fera l’objet de notre prochaine chronique.

Véronique Herman

Classé sous :Actualités Balisé avec :animaux, chronique au fil de l'eau, lézards, rassade, reptiles

Chronique au fil de l’eau : aux élections perdues s’envolent les projets

22 avril 2022 By Redaction

Oser désavouer Riquet pour s’en inspirer et construire un nouveau “canal des Deux Mers”, affronter un maire populaire et faire campagne contre lui en réclamant la création d’un port pour sa ville… Narbonne ! Voilà de bien grands desseins qui, réalisés, auraient sans doute modifié la face de notre “côte du Midi” en Languedoc et de la destinée de sa voie d’eau !

Le domaine de Sériège et son imposant château, l’une des deux “folies vigneronnes” que Bartissol décida d’acquérir dans les 1905/1906 alors qu’il se lançait dans la vente de vin © DR

Et ces projets, défiant toutes les audaces en s’inscrivant sur un chemin tracé de déboires mais aussi de grandes réussites, sont loin d’être les seuls ! Effectivement, nous allons aujourd’hui commencer à soulever le petit coin d’un voile immense, celui de l’histoire d’un homme d’hier, un homme pressé, un boulimique d’innovations et d’entreprises, bondissant et rebondissant des deux pieds dans cette vie trépidante qu’anima, au XIXe siècle, la révolution industrielle… et la politique ! Il s’agit du député Edmond Bartissol, une personnalité hors du commun qui, loin d’être un archétype ou une exception, témoigne d’une époque où il imprima son nom parmi les entrepreneurs de travaux publics français des plus ambitieux.

Dans un buisson dense et touffu

Portrait de Edmond Bartissol vers 1872. Il a alors 31 ans, le regard sérieux et déterminé d’un homme plein d’audace, prêt à conquérir le monde © DR

Décrire en quelques lignes un tel personnage tient d’une gageure car c’est tout un livre qu’il faudrait lui consacrer, comme l’a fait Jean-Louis Escudier. Né en 1841, au sein d’une modeste famille nombreuse implantée depuis des siècles à Portel-des-Corbières, Edmond Bartissol ne laissera pas de biographie vraiment précise sur ses origines et sa scolarité. à plusieurs reprises, il se plaira à modifier ses déclarations, préférant, par exemple, décrire une lignée paternelle dans la viticulture plutôt que dans la maçonnerie comme c’était réellement le cas, ou encore s’imposer progressivement en génial autodidacte, loin du studieux ingénieur dont il invoquait jadis les diplômes. De sa patronymie, qui aurait pour origine le mot “bartas”, il semble avoir cultivé le côté broussailleux afin d’égarer ceux qui auraient voulu savoir ! “Quoi qu’il en soit”, comme l’écrit Escudier, “Bartissol n’a pas suivi d’études supérieures et, à ce titre, doit être légitimement rangé parmi les entrepreneurs de travaux publics formés sur le tas”, et nous ajouterons : “si pas ingénieur, il fut cependant très ingénieux”.

Aux horizons du rail et des bateaux

Bartissol… un apéritif “tonique” à l’image de son éponyme ! Il est produit à Banyuls au sein du “syndicat de propriétaires” créé en 1904 par Bartissol et où 442 propriétaires adhérents apportent chaque année les raisins de leurs vignes © DR

C’est dans le sillage de son frère Jean, maçon comme leur père, mais qui avait quitté Portel pour se faire un nom dans la profession, que notre fameux Edmond va forger ses premières armes. Et elles seront d’un acier aussi solide que celui qui, dorénavant, composera les rails (innovation de 1860) qui le mèneront de par le monde. Son aîné a en effet été chargé par la Compagnie des chemins de fer du Midi de la construction d’une partie de la ligne de Narbonne à Perpignan et il va embaucher son cadet sur le chantier. Suite à ce travail, Edmond sera engagé à la gare de Narbonne où l’histoire raconte qu’à ses temps perdus il dessina les plans du bâtiment destiné aux voyageurs. Fort d’une expérience enrichissante lui ayant appris le sens des responsabilités et l’esprit d’entreprendre, c’est en Égypte qu’il décide de s’en aller. Il a 25 ans et, sans s’inquiéter des dangers, il part à l’aventure rejoindre les ouvriers des grands travaux de percement du canal de Suez. à la hauteur des connaissances techniques qu’il va y acquérir, les amitiés qui y naîtront lui resteront fidèles jusqu’à la fin de sa vie.

La frénésie de la construction

Cette période de sa vie paraît très décisive pour la suite car c’est après l’Égypte qu’il s’engage et emporte d’important marchés de travaux publics en France mais surtout en Espagne, au Portugal, en Grèce, etc. La liste ne peut être exhaustive tant Edmond Bartissol manifeste une frénésie de la construction. Immeubles, cités, ponts, tunnels, voies du rail et du fluvial… Il entreprend à tout va et partout. Pour exemple, Lisbonne lui doit son métro, Salonique son port tout comme Leixoès, et Perpignan sa première centrale électrique, ville dont il devient le fournisseur exclusif d’électricité. Rien ne lui fait peur. Pas même les crises financières, qu’elles soient personnelles ou conjoncturelles. Quand il se retrouve en difficulté, il montre une faculté impressionnante pour rebondir, tirant profit d’investissements improbables, comme il le fit au Mozambique. Et se doublant d’une respectable réputation professionnelle qui lui assure une crédibilité auprès des banques françaises, il se donne les moyens de mieux se relancer dans de nouvelles aventures.

Diversité à foison

Les travaux du rail “transpyrénéen” auxquels les Ets Bartissol participent, notamment ici pour la construction du tunnel (vue côté Porté) © DR

Un autre atout dont use Bartissol, c’est sa capacité à se diversifier. Les exemples sont multiples, certains très ambitieux, d’autres plus anecdotiques, comme celui de créer, à son retour de Suez, une fabrique de papier à cigarette. Devenu propriétaire de vastes domaines en Roussillon, il va alors investir dans la vente de vin. Mais décidé de se dissocier du négoce courant, il fonde, à Banyuls, un groupement professionnel, le “syndicat de propriétaires” et il devient éponyme du célèbre apéritif Bartissol qu’il produit avec 442 propriétaires adhérents. Par la suite, en 1906, il projette aussi de mettre en place un “trust des vins naturels du Midi”, une perspective accueillie avec chaleur par les viticulteurs alors que la crise viticole se profile à l’horizon tout proche. Dans les mêmes années, il va acquérir le château d’habitation et sa “folie vigneronne” de Ventenac-en-Minervois (qu’il revendra à Jean Meyer dont nous vous avons parlé dans notre chronique précédente) mais aussi le château de Sériège à la frontière entre Aude et Hérault.

À toutes ces intenses activités, Edmond Bartissol adjoint, et cela depuis bien des années, celles de l’homme politique. Député de belle notoriété aux côtés des républicains modérés, il essuie pourtant les revers de quelques déboires dans les Pyrénées-Orientales. Qu’à cela ne tienne ! Il s’en va donc en 1898 convoiter Narbonne où il se présente contre le maire en place, le docteur Ferroul. Et c’est alors qu’il fait reposer sa campagne électorale sur de grands projets de développement pour la ville, dont un port, et pour tout le Midi, avec un nouveau “canal des Deux Mers”. De grandes ambitions qui devraient se réaliser car, à la sortie des urnes, notre homme est vainqueur !

Mais puisqu’il nous fallait bien cette longue présentation en préambule d’un si vaste sujet, nous vous réservons la suite de cette saga du sieur Bartissol dans notre prochaine chronique.

Véronique Herman

Classé sous :Actualités Balisé avec :Canal des deux mers, canal du Midi, Château de Sériège, chronique au fil de l'eau, construction, Edmond Bartissol

Chronique au fil de l’eau : de terres en terres, de quais en quais…

8 avril 2022 By Redaction

Et ce fil de l’histoire du vin continua de se dérouler, nous menant en barriques sur les barques du canal de Riquet pour embarquer vers d’incessantes traversées entre Sète et Alger, mais il reste à jamais lié aux sarments d’une vigne “universelle”, celle dont Phéniciens, Grecs et Romains nous apprirent, à tous, la culture et l’art de la transformer en vin, cela bien au-delà de nos origines.

Vendanges dans l’important domaine Sénéclauze implanté en Algérie © DR

En petite suite de notre chronique consacrée à l’époque où le vin d’Algérie fit les beaux jours du négoce, sur les quais d’Alger, d’Oran et de Sète… ou encore de Paris, nous vous emmenons faire un petit détour de l’autre côté de la Méditerranée, posant ses premiers pas sur les collines du littoral algérien, là où il y a bien longtemps la “préhistorique” lambrusque sauvage accrochait ses lianes aux arbres, offrant ses petits grains de raisin aux ancêtres du peuple berbère.

De la même histoire…

Sur les quais à Oran, les tonneaux gorgés de vin s’entassent avant d’embarquer pour Sète © DR

En des temps immémoriaux et en bien des horizons, la vigne a lié son destin à celui des hommes et, sur notre terre du Languedoc, la tradition accorde aux Grecs l’introduction de sa culture et aux Romains les prémices d’un savoir-faire du vin. Cependant ethnologues et historiens nous ont montré que nos Gaulois connaissaient déjà la douce saveur du raisin et que la fameuse Vitis vinifera était bien présente sur les terres du golfe du Lion déjà au IIIe millénaire avant notre ère. Et n’en déplaise à notre ego viti-vinicole, ce n’était pas exception. En effet l’histoire de la vigne, entre autres autour du bassin méditerranéen et en Algérie en particulier, s’est enracinée d’une façon tellement semblable, depuis ses origines sauvages en passant par les grands voyageurs phéniciens et grecs qui y transmirent les mêmes pratiques et traditions… menant à la création de ce savant breuvage qu’est le vin.

Avec les cépages languedociens

Figure emblématique de la vigne et du vin en terre narbonnaise, Silène, père nourricier de Bacchus… en état d’ivresse ! Statue présentée au musée Narbovia © DR

Alors qu’avant 1830, année de la colonisation, la surface des petites parcelles de vignes en Algérie était estimée à environ 2 000 ha, le pays va faire l’objet de toutes les attentions des instances françaises. Il faut y développer le vignoble ! D’années en années les surfaces vont dès lors grandir pour quasi être multipliées par cent et atteindre 171 723 ha en moins de quarante ans. C’est en fait entre 1850 et 1885 que cette progression voit réellement son plein essor. La Banque de l'Algérie et Paris offrent les meilleures conditions à de nombreux vignerons pour venir s’installer. Et ceux du Languedoc, forts de leur expérience et leurs traditions souvent familiales, sont les principaux à embarquer et à s’installer “là-bas”. Les exploitations grandissent. Ils y plantent leurs cépages habituels, essentiellement les robustes carignan, cinsault et grenache, rompus aux sols calcaires et caillouteux. Les tonneaux gorgés de vin s’entassent sur les quais à destination de Sète. Et comme vu dans notre précédente chronique, le négoce des “algéries”, ces vins d’un département alors français, est favorisé par la loi douanière qui permet l’entrée en Métropole en exemptant de taxe. Oran deviendra le premier département viticole (il s’y comptait 26 235 viticulteurs en 1959), devant Alger et Constantine.

À l’aide des vignerons français

Tonneaux et négoce aussi sur les quais des ports du canal du Midi, ici à La Redorte, quai du canal (devant la maison Chiffre & Lafond) © DR

Embarquons maintenant à bord de ce bateau qu’un petit insecte nommé phylloxéra va menacer d’un désastreux naufrage… Alors que, dans les années 1870, le vignoble est dévasté dans tout le pays, la pénurie de vin engendre des pratiques frauduleuses, menant à la fabrication d‘infâmes “piquettes”, ces vins frelatés en ajoutant de l’eau et du sucre lors de la fermentation. Or le terroir algérien semble encore épargné et il continue de fournir des vins hauts en degrés, la majorité à la robe rouge très foncé, mais aussi de douces mistelles (moûts de raisins frais mutés à l’alcool). Il est alors espéré que si des précautions sont prises contre le funeste fléau, “l’Algérie va remplir les cuves vides de la France”. Le phylloxéra atteindra pourtant les parcelles algériennes. Mais “bénéficiant” de la triste expérience des autres pays et de la meilleure connaissance de la “maladie”, la pratique de replantation sur porte-greffes résistants se met rapidement en place et permet la reconstitution systématique des parcelles détruites. La chute de la production ne sera que limitée et nos négociants, particulièrement ceux de Sète, Béziers mais aussi du Narbonnais s’en réjouissent. Et ils seront nombreux à la fin du XIXe et au début du XXe siècle à “ouvrir boutique” à Oran ou Alger.

La semaine prochaine, nous vous conterons ainsi l’histoire d’un d’entre eux, possédant bien des propriétés dont une aux portes ouvertes sur le canal du Midi.

Véronique Herman

Classé sous :Actualités Balisé avec :Algérie, canal, chronique au fil de l'eau, commerce, histoire, négoce, vigne, Vin

Chronique au fil de l’eau : au temps où le vin d’Algérie était français

2 avril 2022 By Redaction

Comme un fil rouge qui noue et dénoue ses liens en chacune de ses haltes et de ses ports, se déroulant en douceur au travers du Languedoc, le canal du Midi a tracé l’histoire de la route des vins, entre Toulouse et Sète et bien au-delà… Et c’est ainsi qu’un jour lointain, projetant sur la mer l’ombre furtive de son chenal, il traversa la Méditerranée jusqu’aux terres parfumées d’Algérie.

Une “île singulière”, Sète, s’alanguit entre eau salée et eau douce, porte ouverte du canal du Midi vers la Méditerranée © DR

Si chacun sait déjà que, dès 1681, lors de la mise en navigation de la voie d’eau, les barques de patron du canal et leurs demi-muids furent les principaux acteurs de la grande aventure du transport du vin, celui qui en assura l’un des premiers rôles est le port de Sète. Son négoce, essentiel à l’économie vitivinicole du Languedoc mais aussi à d’autres régions de France, va en effet très vite s’imposer, et les activités de cette porte ouverte du canal du Midi sur la Méditerranée vont se développer dans tous les secteurs de la filière du vin et en dominer les marchés. C’est incitée par l’actualité que notre chronique s’est aujourd’hui plongée dans cette époque où l’Algérie écrivait, elle aussi, des pages incontournables de cette histoire que nous débuterons sur les quais d’une “île singulière”.

Entre le sel et l’eau douce

Bien des cartes postales ont ainsi immortalisé les activités de chargement et de déchargement du vin sur les quais du port de Sète, qui lui aussi fut nourri par ce fil rouge de l’histoire du vin © DR

Par sa situation particulière entre mer et étang, Sète portera le nom d’“île singulière”. Et c’est cette même topographie qui va lui offrir l’avantage de favoriser les échanges entre barques de patrons du canal et bateaux maritimes, permettant sa relation très privilégiée avec le commerce du vin. Durant deux siècles, après que le Chevalier de Clerville eut posé la première pierre du môle Saint-Louis en 1666 et que Pierre-Paul Riquet, dès 1669, put en construire les importantes infrastructures des bassins, Sète est destiné à l’exportation. Grâce à lui, les vins produits dans la “belle province” embarquent à la conquête du monde. Ils partent vers tous les royaumes d’Europe, vers la Russie et même en Amérique du Nord.

Centre des négociants

Une planche illustrée du Larousse 1948 sur le phylloxéra © JP Janier

Cette place de choix va dès lors inciter de nombreux négociants à s’installer au cœur même de ce qui est devenu l’incontournable carrefour du vin. Ils viennent de Montpellier, Paris, Bordeaux mais aussi des capitales de l’Europe du Nord. Et malgré les crises, cet intense commerce sétois d’exportation se poursuit sans embellie. Rien ne tarit son développement, ni la Révolution, pas plus que les chutes de la production viticole dues aux forts dommages de la pyrale en 1830 puis de l’oïdium qui, arrivé d’Angleterre et de Belgique, a atteint les vignes languedociennes en 1851.

Quand d’un puceron naît le marasme

Mais en 1860, arrive des Amériques un petit insecte apparenté au puceron qui va ravager les vignobles du Languedoc, de France et du monde entier ! Alors Sète bascule, lui aussi, dans le marasme ambiant… Les exportations jusqu’alors à la hausse stagnent aux alentours de 450 000 hectolitres par an pour chuter aux environs de 149 000 hl en 1890*. Pourtant la cité portuaire n’est pas prête à fléchir face à la funeste “bestiole”.

Quand les vins se mélangent

Si le vin donna à Sète la dynamique de son développement, ce fut le cas aussi en Algérie – Vue du port d’Oran © DR

Sur les quais, ça s’organise ! Et 1870 voit la création d’entrepôts où se pratique le coupage de vins dits “exotiques”. Ils proviennent de pays “étrangers” et sont à fort degré alcoolique (certains atteignant 15 degrés), une qualité qui permet le mouillage avec “nos” vins du Languedoc qui ont un faible degré. Des vins provenant de Grèce, d’Italie, du Portugal et surtout d’Espagne remplissent alors les chais sétois. Cette nouvelle production va redynamiser l’exportation mais aussi l’importation puisqu’il faut de la matière première pour la réaliser. Les négociants se recentrent sur ces nouveaux marchés car ils veulent servir leurs clients. Ils partent dès lors à la recherche des pays producteurs où ils s’imposent dans les transactions. Toute cette agitation commerciale est au bénéfice du port et du canal du Midi, organes indispensables au transport et à toute l’activité d’échange et de stockage. D’environ 110 000 hl en 1872, les vins importés passent à 3,8 millions d’hl en 1888… De quoi ravir nos Sétois.

Des taxes en faveur des “algéries”

Nous ne pouvions manquer un hommage à La Marie-Thérèse, dernier exemplaire de ces barques de patrons qui transportèrent, de Toulouse à Sète, les vins du Languedoc dans leurs demi-muids © DR

C’est à partir de 1892, alors que la reconstitution du vignoble français s’opère après la crise phylloxérique et que les rendements élevés reprennent, particulièrement dans l’Aude et l’Hérault, que se mettent en place des tarifications douanières qui s’appliquent aux vins importés. Qu’à cela ne tiennent, les négociants vont se tourner vers des productions aux mêmes qualités viniques mais que ne touchent pas ces nouvelles taxes. Or, puisque l’Algérie est alors française, qu’il ne s’agit pas de lui imposer les fiscalités de l’import et que le développement du vignoble y est dans son plein élan, iIs vont tout naturellement y choisir les vins de leur négoce.

C’est dans ce contexte que les “algéries” remplaceront les “espagnes”. Ainsi débute cette petite chronique à la trame d’un fil “rouge vin”, tissé entre France et Algérie, dont vous découvrirez la suite la semaine prochaine.

Véronique Herman

* Sources chiffres – Cycle des Hautes Etudes de la Culture – Clermont-Ferrand

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Chronique au fil de l’eau : la Russie dans de beaux draps…

18 mars 2022 By Redaction

C’était au XVIIIe siècle… Quand les couleurs du Languedoc voulaient revêtir les Tartares de ses belles étoffes d’indigo, de rouge cochenille et de fauve.

Les balles de draps provenant de tout le Languedoc étaient entreposées sur le port de Marseille avant d’être chargées sur les navires partant pour le Levant (détail d’un tableau du peintre Vernet, 1754) © DR

Au détour de la triste actualité des événements en Ukraine, nous avons voulu remonter les siècles et exposer succinctement sur cette page un petit détour de l’histoire où le canal du Midi, le port de Sète et les manufactures de draps de notre belle province eurent un rôle, certes bref, mais important, à jouer dans les relations commerciales entre notre pays et la Russie.

Accès à un marché direct

Durant les XVIIe et XVIIIe siècles, les échanges commerciaux entre la France et la Russie sont estimés comme de vrais paradoxes car, alors que les produits du royaume sont recherchés à la cour impériale et inversement, les négociants de part et d’autre ne s’intéressent pas à ces marchés. En effet, pour exemple, les fournitures navales, qui sont les principaux matériaux dont la France a besoin et qu’elle achète, sont importées chez nous par des marchands hollandais qui, bien entendu, prennent leur bénéfice sur chaque transaction. C’est ainsi qu’à la fin du XVIIIe siècle, il s’agit de se pencher sur l’accès direct au marché russe. Or l’hostilité de la population ottomane et la législation protectionniste mise en place par ses dirigeants sont un frein. L’interdit du commerce alimentaire et de matériaux de marine avec “l’étranger” mais aussi du passage de la mer Noire par les Turcs à tout pavillon français sont rédhibitoires à un tel projet.

De Sète à Marseille jusqu’à Kherson

Au début du XIXe siècle, Kherson développa ses infrastructures portuaires pour l’exportation de céréales avec des silos et des élévateurs ou “ascenseurs à grain” mais aussi à farine, tourteau, etc., permettant directement le chargement et déchargement des produits agricoles entre le transport routier et les bateaux. Carte postale des années 50. © DR

C’est ainsi que la victoire de Catherine II sur les Turcs vient ouvrir une voie possible au large de ce commerce franco-russe. L’impératrice de Russie veut en effet développer le négoce à partir du port de Kherson, sous la direction du prince Potemkine. La France va donc pouvoir acheter mais aussi attirer les négociants russes à Versailles en leur accordant des privilèges douaniers (voir encadré). Le port de Sète, en plein développement et en lien direct avec Marseille d’une part et le canal du Languedoc d’autre part, offre dès lors une ouverture à l’exportation des productions de notre belle province.

Rhabiller les Tartares

L’ambassadeur à Constantinople, François Emmanuel Guignard, comte de Saint-Priest, sensible à cette perspective dont la France pourrait tirer de gros avantages, voit dans ce débouché vers la Russie une opportunité pour acquérir des matériaux plus aisément et surtout pour vendre le café, le sucre et les marchandises provenant des colonies françaises ainsi que toutes celles fabriquées dans nos manufactures, dont les draps de la célèbre Trivalle de Carcassonne. Il déclare dès lors : “Nous débiterons, avec un bénéfice énorme, également nos vins de Provence, de Languedoc et de Dauphiné, nos dorures et même nos draps. Je suis persuadé que les habitants de la partie méridionale de la Russie, qui sont encore vêtus à la tartare et à la polonaise, et s’habillent d’étoffes grossières fabriquées dans le pays, ou de ces gros draps de Pologne qui n’ont que deux ou trois couleurs, se jetteraient avidement sur les draps de nos manufactures de Languedoc. Nous trouverions peut-être beaucoup d’avantages à acheter de première main par cette voie les pelleteries, les tabacs, les chanvres et les cuirs de Russie.”

Un négociant peu négociateur

C’est un négociant marseillais du nom d’Antoine Anthoine qui, entre 1781 et 1782, se voit chargé de faire prendre son essor à ces nouveaux négoces. Tous les espoirs du gouvernement reposent sur lui. Mais hélas, trop persuadé de détenir les subtilités des sensibilités russes et du Levant sur les délicates transactions à mener, notre fier marchand refuse de s’associer avec des hommes d’affaires locaux expérimentés. Il échoue dans son entreprise, tant dans les négociations que dans l’obtention de prix réellement intéressants ou d’approvisionnements suffisants. En 1789, à la veille de la Révolution, notre Anthoine jette l’éponge et emporte dans les abymes de la déception toute ambition de la France à mener bon train sur le commerce en mer Noire.

Quand le prince Potemkine ouvre la mer noire à la France

C’est avec la fondation du port de Kherson (en Ukraine…) que les premiers importants échanges marchands par voie maritime vont avoir lieu entre la France et la Russie. L’impératrice Catherine II va en effet confier le développement du port de Kherson, sur le Dniepr, à son favori, le prince Potemkine. Ce gouverneur général de la Nouvelle Russie va ainsi organiser le commerce par la mer Noire. à l’époque, les Anglais ont fait main basse sur les marchés russes du chanvre, de bois, des mâts et des toiles pour les voiles. Cette “perfide Albion” veut en priver la France afin d’appauvrir une flotte qui, dès lors, manque cruellement de ces matériaux essentiels. Mais le marquis de Vérac, ambassadeur de Louis XVI à Saint-Pétersbourg, va parvenir à convaincre Potemkine d’ouvrir l’accès de la mer Noire, jusque-là uniquement réservée aux transports intérieurs de la Russie. Grâce à la création de la “Compagnie de la mer Noire”, le premier bateau chargé de produits tant convoités arrive à Toulon en 1778. Puis ce sera Marseille. Les arsenaux de Méditerranée vont enfin être livrés mais ensuite aussi ceux du “ponant” (c’est-à-dire à l’est) et donc de l’Atlantique (Le Havre, Cherbourg, Brest) puisque notre canal Royal du Languedoc permet cette “traversée des terres” au départ du port de Sète. Notont cependant si “accès à la mer Noire et à ce commerce” il y a, c’est dans une mesure assez restrictive puisque les navires autorisés ne naviguent que sous pavillon russe.

Des coûts et des couleurs

Au XVIIIe siècle, la maîtrise des teintures de la manufacture royale de draps de la Trivalle faisait la renommée de Carcassonne. Cette plaque d’échantillons ou “montres” de draps détenue aux archives de la Chambre de commerce et d’industrie de Marseille Provence fait partie de la mémoire de l’intérêt des productions drapières du Languedoc dans le commerce vers les pays du Levant. Pour l’époque, la palette très variée de couleurs considérées alors comme “vives” faisait la particularité, la distinction et la valeur marchande des tissus carcassonnais. Les pièces de drap étaient teintes, trempées à chaud dans des bains colorants après avoir été préparées et tissées. Ce procédé effectué sur la trame finie et non sur les fils destinés au tissage garantissait un aspect plus homogène. Cinq couleurs principales étaient définies : bleu, jaune, rouge, brun fauve et noir. Le pigment “indigotine” mélangé au pastel permettait de créer un bleu sans pareil, le brou de noix et la macération d’écorces de saule offraient un camaïeu de bruns jusqu’au noir. L’usage d’autres végétaux élargissait la gamme, comme le “réséda du teinturier” pour le jaune. La cochenille, à différentes concentrations, servait, elle, à produire des nuances de rouge. À Carcassonne les teinturiers, qui étaient un peu considérés comme des “chimistes et alchimistes”, étaient connus pour avoir de l’audace, expérimentant des mélanges et des combinaisons avec des oxydes. Ils obtenaient dès lors une large gamme chromatique aux teintes uniques et souvent rares. Colbert ne manqua pas de faire la publicité des qualités de cette production drapière auprès de Louis XIV, soulignant la belle tenue des couleurs. Notre ministre se laissa même aller à quelques élans poétiques à propos de la couleur, mais il faut dire que celle-ci représentait l’élément principal déterminant le prix de vente de la pièce de drap, qui pouvait augmenter de 30 à 50 % selon la teinture. Ah ! À quoi bon chasser le naturel, notre bon ministre des finances... Il écrivait ainsi : “... la teinture, qui leur [c’est-à-dire aux manufactures de soie, laine et fil] donne cette belle variété de couleurs qui les fait aimer et imiter ce qu’il y a de plus beau dans la nature, est l’âme sans laquelle ce corps n’aurait que bien peu de vie. Toutes les choses visibles se distinguent ou se rendent désirables par la couleur ; et il ne faut pas seulement que les couleurs soient belles pour donner le cours au commerce des étoffes, mais il faut encore qu’elles soient bonnes, afin que leur durée égale celle des marchandises où elles s’appliquent.” *

* Sources des informations : Direction régionale des affaires culturelles

Véronique Herman

Classé sous :Actualités Balisé avec :chronique au fil de l'eau, couleurs, Languedoc, prince Potemkine, Russie, Tartares

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