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Chronique au fil de l’eau : de fil et d’étoupe aux nœuds entremêlés de l’Histoire

14 avril 2021 By Redaction

Des brins qui s’enchevêtrent et créent ensemble une corde, longue et solide, une corde à nœuds infinie qui se déroule depuis la nuit des temps, depuis que l’humain créée, façonne et apprivoise cette fibre végétale nommée chanvre. Chanvre qui nous ramène au canal royal du Languedoc et à ses bateaux.

La machine à fabriquer les cordes existe depuis le XVIe siècle. C’est en défaisant une corde de chanvre que l'on comprend à la fois le fonctionnement du système de torsion et la structure-même des cordes de chanvre. Chaque brin ayant subit une torsion resserrant les fibres qui le composent. Aucune colle n'est nécessaire pour la cohésion. Les forces de frottement assurent cette homogénéité   et la grande résistance de la corde. Cordier avec la machine à corde Gravure sur bois de  J. Amman  1568

Précédemment nous évoquions l’arsenal de Rochefort, sur l’estuaire de la Charente, comme premier port français à bénéficier d’un emplacement nommé « cale de radoub », muni de l’ingénieux système de fermeture amovible rendant possible la mise au sec des bateaux pour les travaux de carénage. Cette fameuse « forme anglaise » (d’origine britannique) comme dira Colbert ! Et c’est en ce même port, le « Versailles de la mer » du Roi Soleil (là où se découvre aujourd’hui la reconstitution de la frégate Hermione), que ce même Colbert fonde la « Corderie Royale ». Nous sommes en 1666 alors que Pierre Paul Riquet voit ses rêves devenir réalité, avec la signature de l’édit royal annonçant l’accord de Louis XIV pour la construction de « son » canal Languedoc, et de ce fait que se dessine aussi la création des premières barques fluviales spécifiques à la voie d’eau.

Petits brins de grande mémoire

Ce qui va lier et relier ces faits et lieux, qui va nous conduire d’un point à l’autre, ce sont ces fins brins de chanvre, domestiqués par l’Homme depuis le néolithique avec lesquels se façonnent draps et vêtements, cordages, câbles et échelles ainsi que haubans et voiles, quand ils ne servent pas à calfater les bateaux, intervention cruciale pour garantir l’étanchéité des coques et des ponts. Et c’est alors que cette plante, éponyme de la fibre textile qu’elle compose, devient le centre de tous les intérêts. Le XVIIe siècle est en effet la scène de bien des convoitises dont celles de la suprématie politique, militaire et économique tant navales que fluviales. L’utilisation massive du chanvre en fait dès lors un matériau très stratégique (par exemple sur mer, pour un navire moyen, se comptent environ 70 tonnes de cordages et 6 à 8 tonnes de voile *), et justifie la mise en place par notre ministre Colbert de mesures protectionnistes sur les importations de ce végétal et de sa production.

Un argument de plus pour Riquet et Vauban

Extrait d'une lithographie de 1860 sur le chanvre et lin

A l’instar du lin à la même époque, les besoins étant tels que la culture du chanvre, qui aime les sols humides, s’étend et se développe en Occitanie, particulièrement en Lozère, en Aveyron et dans le Lot mais également en Lauragais, cette terre à céréales que l’on dit nourrir et habiller ses gens. Ainsi parmi les arguments de poids faisant mouche aux yeux de Colbert celui du commerce du chanvre a pesé en faveur des ambitions de Pierre Paul Riquet, avec son canal royal des deux mers, mais aussi plus tard vis-à-vis de Vauban. C’est effectivement en 1686, que ce dernier imagina creuser un canal du Roussillon, pour relier le Languedoc à cette nouvelle province conquise. Par la création de cette voie, il projetait le ravitaillement des troupes et des animaux d’élevage, le transport du poisson frais depuis le port de Canet vers Toulouse, par barques de voiture qui apporteraient également les toiles de Silésie, le chanvre, le fil, le métal. Il suggèra encore les services d’une barque poste rapide et peu onéreuse. Mais jugé trop coûteux, l’ensemble du projet n’eut aucune suite.

Le chanvre et les barques

Retour dans l'espace et le temps pour la Marie-Thérèse... Suite à l'impossibilité de passer l'écluse de l'Aiguille, "marche arrière toute" obligée, retour vers Ventenac et halage "à col d'homme" pour la guider.

Grâce à l’évolution de techniques, toiles et cordes obtenues avec le chanvre sont devenues plus solides, légères et souples. Ce matériau de brins qui s’entremêlent en torsion permet des longueurs immenses tout en conservant une importante résistance. Castelnaudary conserve encore la mémoire des derniers « cordiers » ou « ficeleurs », dits de Saint-Roch, qui, jusqu’au début du siècle dernier tressèrent les brins de chanvre pour fabriquer les cordes servant à la traction des barques, à l’amarrage et aux cargaisons. Le chantier de construction des bateaux au grand bassin fut, par essence, le lieu où se trouvait ce métier spécifique. Les cordiers passaient un contrat d’usage de trois ans, les autorisant à s’installer à côté de la maison éclusière de Saint-Roch. C’était dans un atelier long de 190 mètres sur 60 centimètres de largeur que l’artisan rangeait son matériel après avoir tressé ses cordes, muni d’une manivelle et d’un bâton supportant le chanvre, tout en marchant à reculons au bord du canal. De ces tresseurs de chanvre il ne reste que le souvenir et les outils… mais qui sait, notre Pétassou avec son costume en lambeaux de chanvre porte-t-il encore les traces de leurs âmes entremêlées.

Véronique Herman

*Sources professeur agrégé d'histoire S. Allegret

Classé sous :Actualités Balisé avec :canal, chanvre, chronique au fil de l'eau, corde, Marie-Thérèse

Chronique au fil de l’eau : quand sacrilèges, remèdes et envoûtements égarent la foi, la loi et la raison

31 mars 2021 By Redaction

A travers les brumes obscures de temps tourmentés, que maux et fléaux affligent gueux et bien nantis, trouver son salut conduit souvent sur des chemins de traverses peuplés de bonimenteurs et de magiciens, de spectres et de présumés acolytes de Satan, là où brûlent encore les restes de trainées de souffre allumées jadis par l’inquisition. Ah! Comme il est mal aisé parfois, même pour les plus éclairés, de percevoir les premières lueurs du siècle des lumières.

Dès 1677, Pierre-Paul Riquet prépare pour Béziers la mise en œuvre de ce qui deviendra le gigantesque et majestueux  "Escalier de Neptune". Afin de réduire quelque peu les coûts, car notre entrepreneur est quasi ruiné, il imagine un système ingénieux de huit bassins contigus sur 312 mètres de long. Cela lui permettra d'économiser un jeu de portes d'écluses par bassin tout en parvenant à franchir l'important dénivelé de 21,50 mètres et à atteindre l'Orb. A l'origine l'ouvrage de Fonséranes comptait 9 écluses aujourd'hui 7 le compose.

Fin de l’année 1677, nous avons donc laissé notre bon Pierre Paul Riquet dans le marasme de ses problèmes logistiques et financiers inhérents à l’avancement de son canal des deux mers, doublé de déconvenues familiales et de bien des chagrins. En effet, alors qu’il est « aussi » très préoccupé par une autre fameuse commande, celle de la construction du canal de l’Ourcq devant approvisionner en eau potable les habitants et les industries de Paris, cette année-là se termine dans la tristesse. Sa belle-fille Claire de Cambolas, épouse chérie de son fils aîné, Jean-Mathias, décède des maux qui la rongent depuis tant d’années. Et pourtant c’est à elle que lors d’incessants voyages, entre Toulouse et Sète en passant notamment par Béziers où il prépare la mise en œuvre du gigantesque « Escalier de Neptune » à Fonséranes, que le grand entrepreneur du canal du Languedoc a pensé. Il lui a envoyé de cette eau miraculeuse de la reine de Hongrie, tant vantée par le roi lui-même, qui devait calmer ses souffrances et lui rendre force et vigueur. Mais en vain. Ce remède a failli. Elle a succombé. Ah ! Ce grand malheur se fait bien lourd après les longs mois passés à soutenir sa fille Catherine dans l’éprouvant procès en nullité de son mariage qui poussa l’infortunée a déclarer, avec grande sincérité et conviction, que la ruine de son union n’avait d’autre cause que le mauvais sort jeté sur son époux par un noueuse d’aiguillette. Certes la jeunesse de celle présumée « pucelle » explique l’humiliante et honteuse révélation, mais ce procès offre également une vision éclairante sur la crédulité humaine, les pratiques occultes et les superstitions, tout en laissant deviner l’usage bien à propos que certaines et certains purent en faire… Or nous vous avions promis une petite suite à propos de cette fameuse affaire.

Convoitise et droit des femmes

Alors que Molière s'amuse des "Femmes savantes" et des "Précieuses ridicules" circulent des almanachs et autres illustrations où un certain docteur Tricotin exhibe sa découverte d'une racine de Holà pour guérir la femme querelleuse, audacieuse, orgueilleuse, menteuse, joueuse, babillarde, mutine "…. Et ce remède n'est autre qu'un bâton! (Source Galica Bnf)

« Ami lecteur, vous avez quelquefois Ouï conter qu’on nouait l’aiguillette. C’est une étrange et terrible recette, Et dont un saint ne doit jamais user Que quand d’une autre il ne peut s’aviser. » écrira Voltaire en 1752. De façon quasi « universellement humaine », unions et épousailles supposent l’espoir, sinon du bonheur, du moins d’une descendance voire d’une réussite sociale et même financière. Ainsi rien d’étonnant que depuis « toujours » les convoitises s’en mêlent et que celles et ceux, supposés investis de pouvoirs, vendent leurs maléfices à qui veux nuire à l’époux ciblé. La seconde moitié du XVIIe siècle est une époque où l’autorité conjugale est bousculée sur son socle masculin par celles qui, dans les salons, à Paris comme dans les grandes villes de Province, s’émancipent, revendiquant le droit à la parole, celui de lire et d’écrire et même de philosopher puis de controverser. Et c’est ainsi que l’annulation du mariage (qui ne sera divorce qu’après la Révolution), essentiellement une affaire d’hommes pour les hommes, deviendra accessible aux femmes avec pour argument massue celui de pouvoir justifier de l’impuissance du mari à remplir son sacrosaint devoir conjugal. Lors, la puissante virilité masculine s’en trouva fort déstabilisée.

Hantise et supplice

Le terrible sortilège du nouement d’aiguillette devient donc la hantise de ces messieurs. Plus d’un siècle plus tard, le docteur en médecine de la faculté de Paris, Augustin Cabanès, décrira la procédure « Après s’être muni d’un lacet, on assistait à la cérémonie du mariage. Lorsque les anneaux s’échangeaient, on faisait au lacet un premier nœud ; on en faisait un second au moment où le prêtre prononçait les paroles essentielles au sacrement ; enfin, quand les époux étaient sous les draps, on en faisait un troisième, et l’aiguillette était nouée ». Il est dit encore qu’il faut parfois accompagner ce simulacre de mots magiques et que l’effet castrateur sur les mâles attributs ainsi soit disant « ligotés » avec ce qui, aux sous-vêtements masculins, est l’équivalent de la braguette, perdure tant que chaque nœud n’a pas été libéré. Plus terrible encore, lorsqu’il y a procès et que quelques doutes subsistent malgré l’inspection minutieuse des parties intimes par médecins et

" Combat de sept femmes pour la culotte" gravure anonyme du XVIe siècle.  Cette lutte pour la culotte, symbolique de la querelle pour le pouvoir conjugal est un sujet qui fut très illustré dans l'imagerie populaire. Cela durant tout le Moyen Age et jusqu'au XVIIIe siècle. (Source Galica Bnf)

chirurgiens, la vérification de ce défaut de virilité doit passer par l’« épreuve du congrès ». Le pauvre doit alors s’exécuter publiquement devant les experts, ecclésiastiques, matrones et sages-femmes, seul ou en tentant de « faire l’assaut » de son épouse. Fort heureusement ce supplice fut aboli en février 1677, un peu avant que ne se déroule la demande en annulation du mariage de Catherine de Riquet dont le mari Jean de la V alette entra dans les ordres suite au procès.

Culotte salvatrice et remèdes

Est-ce pour calmer les esprits et apaiser ces messieurs que Louis XIV propagea la mode des culottes à boutons, l’histoire de ne le dit pas. Toujours est-il qu’avec la disparition du haut-de-chausses qu’il ne fallut plus nouer au pourpoint, l’aiguillette se débarrassa des envoûtements au profit de la grâce des ornements du vêtement et de l’uniforme. Et parce qu’il s’agissait aussi de modérer quelque peu les prétentions de ces « audacieuses, querelleuses… et méchantes femmes » contrariant le repos de leurs maris, apparut sur des gravures un certain docteur Tricotin proposant le remède miracle à la racine de Holà… Et cela « écrit en passant », pas de nouement d’aiguillette tardif pour Jean-Mathias de Riquet de Bonrepos, le fils ainé de notre maître du canal, qui ne se consolera du décès de sa chère et tendre Claire qu’après dix-neuf ans d’un long et triste veuvage mais qui se remaria ensuite par deux fois et devint père de trois enfants entre ses 58 et 71 ans.

Véronique Herman

Classé sous :Actualités Balisé avec :1677, chronique au fil de l'eau, envoûtement, foi, raison

Petite chronique au fil de l’eau : messieurs, gardez-vous bien de celles qui manient l’art de nouer l’aiguillette

25 mars 2021 By Redaction

En ce XVIIe siècle tout est contraste et tout s’entremêle… alors que la société baigne dans la foi chrétienne et la rigueur du catholicisme, que les audaces scientifiques, littéraires et artistiques les plus folles font bouillonner les esprits les plus vifs et les plus fous, les superstitions demeurent s’engouffrant par cette porte restée entrebâillée sur le Moyen-Age avec ces peurs du diable et de ses pires servants.

'an 1677 a été pour Riquet une année compliquée et troublante, tant pour son grand œuvre que sur un plan personnel, plus intime et familial dès lors qu’arrivera l’échec du mariage de sa fille Catherine, présumant pudiquement des effets d’un maléfice, et que s’aggravera la maladie de sa belle-fille, Claire de Cambolas. Certes les travaux vont bon train sur l’ensemble du gigantesque chantier. La navigation est ouverte entre Toulouse et Castelnaudary depuis trois ans et le creusement se poursuit vers l’aval, tout comme de Béziers vers le Minervois. Cela fait aussi un an qu’il a confié à l’architecte Emmanuel de l’Estang la prise en charge de la réalisation, sur le grand bief, d’un ouvrage des plus considérables, celle du pont-canal du Répudre, sur les terres de Ventenac d’Aude. Il n’a de cesse également de s’investir, à la porte de la méditerranée, dans les travaux des môles du port de « Cette » (Sète) qui lui furent adjugés en 1669, port dont la première pierre fut posée par le chevalier de Clerville, trois ans plus tôt. Mais la question délicate des finances continue de le tourmenter sous les demandes pressantes de Colbert. De plus, ce dernier semble, mettre en doute les bonnes intentions de notre grand entrepreneur du canal royal, les qualifiant même de prétentions démesurées au but d’un enrichissement personnel et d’une ambition sociale, comme le témoignent certaines missives échangées avec l’intendant d’Aguesseau. Pourtant, celui-ci continuera toujours de saluer l’abnégation et l’énergie de Riquet qui n’a sans doute pas eu vent des griefs blessants de ces lettres, comme le souligne Mireille Oblin-Brière dans son portrait intime « Riquet - Le génie des eaux ».

Esprit de famille

Malgré tous ces importants tracas, ce qui chagrine au plus haut point notre baron de Bonrepos ce sont les épreuves qui, cette année-là, viennent toucher ses proches. Pour notre honnête homme l’affection qu’il porte à chacun des membres de cette bien-aimée famille, dont il veille à ce qu’elle reste soudée, est primordiale. Assurément il n’a de cesse de les protéger, particulièrement ses fils et ses filles dont il s’attache à consolider les situations, cela tout en manifestant les attentions les plus appuyées pour leurs épouses et époux. Ainsi la maladie dont souffre Claire de Cambolas qu’il chérit et dont les épousailles avec Jean-Mathias, son aîné, ont été célébrées dix ans auparavant, le préoccupe continuellement. Il fait notamment envoyer à sa belle-fille de cette eau de la reine de Hongrie très en vogue à Versailles et dont use Louis IV, lui-même, pour calmer bien des douleurs. La composition et les bienfaits de ce remède, qui « renouvelle les forces, nettoye les moüelles, fortifie les esprits vifs… restitue la vue et la conserve », largement édités chez un marchand libraire parisien sous le titre « Nouveaux secrets », a le don de convaincre ces nobles dames et messieurs. Ce fameux « esprit » de romarin (alcoolat) qui le constitue est donc envoyé comme un doux soutien sous le signe de l’esprit de famille des « Riquet de Bonrepos ».

Les nœuds de la disgrâce

En cette année 1677, Catherine a 25 ans et cela fait plus de trois ans qu’elle a convolé en justes noces avec le baron de Cornusson, sénéchal de Toulouse, le marquis Jean de La Valette. Une union fort bienvenue et appréciable, présageant d’un bel et confortable avenir pour une future descendance. C’était sans compter sur les coups du sort, voire des sortilèges… mais surtout de la faiblesse de l’époux à remplir son devoir conjugal et à assurer ce qui l’est convenu de nommer « la saillie nuptiale ». Durant tous ces mois, restée silencieuse sur son sort comme il se doit à l’époque, la jeune femme se désespère déplorant toute perspective de maternité. Néanmoins elle ne peut se résigner et elle s’ouvre de cette bien triste déconvenue à son confesseur puis à sa mère. Bravant la honte de cette union non consommée et surtout les foudres de la toute puissante Église, soutenue par ses parents, Catherine de Riquet porte plainte et fait une demande en annulation de son mariage. Elle souhaite également obtenir le droit d’entrer en religion ou de se remarier plus tard. C’est sur la raison de libérer sa conscience et la sincérité de ne pas être « mariée » que son procès débute. Après plusieurs enquêtes confidentielles suivent alors des examens médicaux minutieux des deux époux. L’anatomie et le fonctionnement des parties de Jean de La Valette sont inspectés et évalués par plusieurs médecins et chirurgiens, tandis que, de la même façon, l’état de l’intimité de Catherine est apprécié par des sages-femmes. Pour l’anecdote, l’une d’entre elles se nommait Gaillharde Pine ! Suivant les conclusions de tous ces « devoirs », le tribunal ecclésiastique chargé de l’affaire peut alors statuer. C’est sans appel que la requête est acceptée. Il faut dire qu’au cours de toute la procédure, le mari n’a nullement contredit les dires de la jeune plaignante confirmant qu’elle n’avait en rien empêché voire refusé la consommation de leur union. Il demeura aussi digne que respectueux, avouant sa défaillance à « n’estre pas en esta à pouvoir engendrer ». Quant à Catherine elle avait expliqué la raison de son long silence résigné : il ne pouvait s’agir que de l’envoûtement d’une noueuse d’aiguillette… dont la semaine prochaine nous vous livrerons les secrets !

Véronique Herman

Classé sous :Actualités Balisé avec :1677, Aiguillettes, canal du Midi, chronique au fil de l'eau

Petite chronique au fil de l’eau : au siècle des « Vanités »…

1 mars 2021 By Redaction

De l’existence des génies de l’eau jusqu’à celle des plus modestes travailleurs, ces destinées ont été précipitées dans le courant effréné des grands travaux hydrauliques de l’époque et aucune n’aura échappé aux vapeurs éphémères comme aux souffles parfois amers de la vie.

"Nouvelles et anciennes Vanités" est une composition photographique de l'artiste contemporain WHAmBe, d'après un tableau de 1651 peint par Davis Bailly. Les principaux éléments symboliques typiques de la démarche artistique du XVIIe sont ainsi présents ainsi que ceux de l'histoire de Pierre Raul Riquet : Louis XIV face à un miroir où se retrouve le portrait de Riquet derrière lequel se profile le reflet d'Andréossy aux côtés du buste de Colbert et à l'ombre de Latone, mère d'Apollon et de Diane, antique statue des jardins de Versailles. Le "docteur de la peste", la Machine de Marly et la gravure emblématique du canal de jonction des deux mers sont accrochés aux murs tandis qu'un crâne, une chandelle éteinte, des roses fanées, un sablier et d'autres objets autour desquels flottent de fragiles bulles de savon rappellent l'éphémère et le dérisoire face au temps qui passe.

Est-ce cette atmosphère inquiétante, engendrée par les assauts d’une épidémie de peste qui n’en finit pas de décimer les populations et de la menacer de « la mort noire » ? Sont-ce ces atroces pratiques d’envoyer des jeunes enfants de la misère pour « tester » de leur vie si le mal est vraiment là dans ces foyers que l’on soupçonne d’être contaminés? Est-ce encore le contraste des excès. Ceux d’un XVIIe siècle qualifié, par ses extrêmes, de « saint et de libertin », qui voit, dans les salons et à la cour d’un roi exigeant la piété et les fêtes très galantes, débauche, athéisme et dévotion se frottant allégrement l’une à l’autre ? Est-ce de tout cela qu’est né le mouvement artistique et littéraire dit « des Vanités »? Très certainement.

Plaire aux nobles surtout

"Amprupam" c'est à dire "Je romprai" par Gabriel Rollenhagen, poète allemand et écrivain du "livre des emblèmes dont est tirée cette gravure de 1651. Elle rappelle la fascination des astres par Louis XIV et les consultations des "signes" par nombre d'aristocrates de l'époque, dont on peut associer Riquet, puisqu'il semblerait que lui aussi se soit intéressé au livre de Nostradamus. On peut lire dessous les mots d'Ovide : "Toutes les choses humaines sont pendues à un fil ténu" pensée pondérée par le principe chrétien de "Que Dieu coupera quand il veut : soyez pieux".

Il est vrai que, alors que notre bon Riquet court et brûle sa vie sur tous ses gigantesques chantiers, ce courant qui traite de l’arrogance futile du savoir, de la gloire, des richesses et aussi de la beauté face à l’inexorable temps qui passe, existe déjà depuis la fin du siècle précédent. Il s’agit pour le peintre comme pour le poète de dénoncer toutes ces choses vaines, qui pourraient être qualifiées de laides en pratiquant pourtant une « esthétique du beau ». Maître de l’illusion, par les mots ou le pinceau (notamment en « clair-obscur »), l’artiste cherche à plaire et tout particulièrement aux nobles et aux bourgeois, ceux-là même dont il se plaît à ruiner les us et coutumes au nom de l’inexorable « finitude » de l’existence.

A la hauteur de l’orgueil des « Grands »

Évoquer cette démarche n’est pas sans rappeler précisément les contradictions de cette société française qui s’oppose et le contexte des inégalités sociales. Mais c’est aussi se souvenir des déboires de notre Sieur Riquet qui, pugnace, se battra pour réaliser son œuvre tout en tentant de ménager des conditions « décentes » aux milliers de pauvres bougres que ses durs chantiers vont exténuer et dont précisément, telle une « contre-vanité », la vie n’aura de valeur que celle de leur labeur! Cela notre « entrepreneur » du Canal Royal du Languedoc s’y efforce en opposition aux sévères diktats de son monarque et aux quasi-persécutions de son grand argentier, à qui il est rapporté que Riquet est « trop complaisant » et emploie « les garnements et les fainéants des villages »*!

C’est encore évoquer ce tourment permanent qu’il eut jusqu’en 1674 de « prouver » son titre de Baron de Bonrepos. Lui dont les origines sont en réalité modestes, celles d’un aïeul couturier et d’un père procureur à Béziers*, il voulut se trouver des ancêtres aristocrates… le doute subsiste! Ce besoin d’élévation à la noblesse était quasi viscéral chez lui. « Vanité », nécessaire pour accéder au monde des « Grands » et être reconnu comme tel, que lui accorda Louis XIV grâce à « son » canal et ses services rendus pour la gloire du Roi Soleil.

Puis enfin c’est encore savoir qu’il lui fallut convaincre, lui qui n’était ni géographe ni ingénieur… comme son jeune bras droit, Andréossy, dont le père était banquier… Convaincre jusqu’au bout, de la fiabilité absolue de son canal, justifier chacune des entreprises confirmant la qualité-même de l’ouvrage dont, comme un signe de ces fameuses « Vanités », il ne verra même pas l’aboutissement puisqu’il mourra, ruiné, 7 mois avant l’achèvement des travaux et la mise en navigation officielle du 22 mai 1681.

Véronique Herman

Classé sous :Actualités Balisé avec :canal, chronique au fil de l'eau, midi, royauté, vanités

Chronique au fil de l’eau : ces génies de l’eau à l’ombre du Roi Soleil

16 février 2021 By Redaction

Très sollicités par Louis XIV, ingénieurs, maîtres et inventeurs en tout genre, susceptibles de faire briller la grandeur du Roi par leurs prouesses techniques, étaient appelés sur les gigantesques chantiers entrepris dans tout le pays. Bien entendu notre bon Biterrois, Pierre-Paul Riquet, était de ceux en première ligne.

Saint-Ferréol : déjà en 1670, le fils de Colbert qui visita le Languedoc, manifesta sa grande admiration pour le système des rigoles ainsi que pour la capacité du réservoir  dans la Montagne Noire.

Victime du succès de «son» canal

Avec un souverain fasciné par les avancées techniques et les évolutions des sciences, le domaine de l’hydraulique fut mis au-devant de la scène. De ce dernier dépendaient les solutions pour « abreuver » les insatiables jardins du palais parisien et pour réussir à créer cette voie d’eau royale en Languedoc. De plus les réalisations en la matière étaient toujours très remarquables, ce qui augmentait l’éclat de la lumière du Roi Soleil. Génie reconnu pour « son » canal du Languedoc et ses ambitieux systèmes d’alimentation en eau, Riquet fut bien souvent réclamé. Ses compétences faisant de lui « la » référence incontournable, il lui était devenu impossible de repousser les nombreuses sollicitations dont il était la cible.

Avec les écluses, le pont-canal du Répudre à Ventenac et l'ensemble des ouvrages d'art qu'il réalisé, le Pierre-Paul Riquet acquit de son vivant une telle notoriété qu'il était devenu une référence incontournable en matière de système hydraulique.

Serait-ce la faute à Le Nôtre ?

En 1670, alors chevauchant, mener en carrosse ou « malmener » en litière, entre Sète et Toulouse où il a fort à faire sur son vaste chantier naissant, Riquet répond aux attentes du marquis de Castries, gouverneur de Montpellier. Il faut résoudre l’approvisionnement en eau de jardins suspendus à la française, parsemés de bassins, fontaines, grottes et terrasses, un élégant ensemble créé par l’architecte-paysagiste royal, André Le Nôtre. Rigoles, aqueducs et canaux vont alors avoir raison de l’aridité de ces terres calcaires. Celui dont on vantait tant les mérites, le génial créateur du somptueux réservoir de Saint-Ferréol, avait donc relevé le défi… et la rencontre avait eu lieu entre le génie des eaux et celui des jardins.

Avanie sur la Loire

La suite se passa alors à Versailles où le système hydraulique causait bien des soucis à Sa Majesté. Téthys dans sa grotte ne faisait pas de miracle et le débit manquait cruellement pour que resplendissent les jeux d’eau. 1674, dans le Sud, la jonction Toulouse - Castelnaudary vient d’être inaugurée. Mais recommandé auprès de Colbert par l’inspecteur des travaux du canal, Riquet rejoint Le Nôtre à Paris pour une nouvelle gageure : défier les courbes de niveaux pour faire « monter » l’eau à Versailles. Il propose de détourner le cours de la Loire par un canal de navigation en amont de Briare et un pont-canal où coulerait la rigole par-dessus.

Avec ses 64 mètres de longueur et 67 mètres de large, cette machine de Marly créée et construite par le maître charpentier et mécanicien, Renkin Sualem, était une vraie attraction. Son système hydraulique utilisait la Seine pour actionner les roues et transformait le mouvement rotatif en mouvement alternatif. Tableau de Pierre-Denis Martin, 1723.

Le projet est très vaste et ambitieux. Riquet a tout mesuré à l’œil nu. C’est alors que l’académicien astronome, l’abbé Picard, muni de son invention, le niveau à lunettes, démontre l’insuffisance de pente. Quelque peu blessé de cette avanie infligée par la Loire et dont certains se plaisent à le railler, comme le conteur Charles Pérault, conseillé du roi, notre homme repartira fatigué sur son canal du Languedoc, encore loin d’être achevé.

Marly : « La » machine d’un jeune belge En 1678, on envisage de monter les eaux de la Seine le long de la colline de Marly en construisant des réservoirs et surtout un mécanisme puissant. Colbert reçoit alors Arnold de Ville, venu de la Principauté de Liège (Belgique) et que son père avait envoyé à Paris par crainte de la peste qui sévit encore au Nord. Il propose un mécanisme hydraulique gigantesque dont le vrai « inventeur » et concepteur est en fait le jeune Rennequin Sualem, lui aussi Liégeois, et qui se nommera la machine de Marly. Avec elle, les eaux de la Seine sont refoulées sur une hauteur de 160 mètres environ vers un aqueduc, menant à des réservoirs. Cette machine est une vraie attraction de par sa complexité et sa taille. Elle mettra 3 ans à être construite et coûtera très cher au Roi ravi de ce succès, qui attira tant de grands de « ce monde » y compris le tsar de Russie qui en resta pantois.

 

Véronique Herman

Classé sous :Actualités Balisé avec :canal, chronique au fil de l'eau, marly

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