La Une de notre édition du 7 avril 2022
Climat et environnement à l’aune des présidentielles : urgence climatique, l’exemple audois
Alors que le GIEC* vient de publier son sixième rapport, qui nous donne trois ans pour éviter le pire, l’État a récemment été condamné par la justice pour carences fautives dans la lutte contre le réchauffement global et inaction climatique. Le 28 septembre 2021, le département de l’Aude a déclaré l’état d’urgence climatique pour son territoire. 90 % des communes y sont soumises au risque inondation et, depuis les années 1970, l’Aude a mesuré une hausse de la température moyenne annuelle de 1,5°C.
Aucun territoire français n’est aujourd’hui épargné par les dérèglements climatiques et la situation de notre territoire est particulièrement préoccupante. Dans l'Aude, les effets du changement climatique se multiplient. En effet, la Chambre d'agriculture a dressé l'état des lieux et les évolutions climatiques attendues, afin de décrire la vulnérabilité de l'agriculture audoise ; on observe : une évolution forte des températures, avec un rythme actuel de +0.3°C par décennie ; une augmentation de 20 % de l'intensité des pluies extrêmes (supérieures à 150 mm) ; une baisse de 10 % en 50 ans des précipitations à Carcassonne ; des étiages de plus en plus précoces et sévères dans nos cours d'eau. Le climat en fin de siècle dépendra directement de l'évolution des émissions de gaz à effet de serre dans la période actuelle.
Fortes chaleurs à répétition : des populations vulnérables plus nombreuses à être exposées au risque
50 % des personnes âgées de 75 ans ou plus et 58 % des jeunes enfants résident aujourd’hui dans une zone qui connaîtra dans les prochaines décennies des journées estivales et des nuits tropicales très fréquentes. L’âge n’est pas le seul critère qui rend les personnes vulnérables face aux fortes chaleurs. Les personnes pauvres, de par leurs conditions de vie et d’habitat, sont également plus fragiles. L’adaptation à la hausse des températures a un coût : l’isolation des logements ou l’achat d’équipements pour les rafraîchir ne sont pas accessibles à tous. Par ailleurs, l’accès à l’eau et à la nourriture en quantité suffisante est un facteur essentiel pour aider les organismes à supporter ces températures et peut être problématique pour les plus précaires. Outre la multiplication des épisodes de fortes chaleurs dus au changement climatique d’origine anthropique (humaine), d’autres risques naturels vont s’intensifier et se multiplier. À l’échelle de l’Occitanie, il s’agit notamment des précipitations extrêmes de type méditerranéen et des feux de forêt. Ces phénomènes dépendent directement d’une élévation des températures qui induit sécheresse, évaporation des eaux méditerranéennes et déshydratation du couvert végétal.
L'eau, un bien commun qui ne sera plus partagé
D'après l'ONU (Organisation des Nations unies), d’ici 2030, la moitié de la population mondiale, soient quatre milliards de personnes, vivra dans des régions en manque d’eau. 30 % de la population européenne vivra dans des régions où l’eau sera rare toute l’année. L'Occitanie ne sera pas épargnée. Malgré les alertes, l’eau est gérée comme une marchandise, faisant l’objet de privatisations et spéculations toujours plus fortes.
Présidentielle : que valent les candidats sur le climat et l'environnement ?
Le Réseau Action Climat, fédération d’associations nationales et locales, lutte contre les causes des changements climatiques, de l’échelle locale à l'échelle internationale. Il fédère vingt-six associations nationales (Greenpeace, Alternatiba, le WWF, la LPO, le Secours catholique, France Nature Environnement, etc.) et dix associations locales, autour de la lutte contre le changement climatique. Il agit à toutes les échelles, de l’international au local. Il est par ailleurs le représentant en France d’un réseau mondial et européen, regroupant près de 1300 membres à travers la planète. Agriculture, énergie, transports, logement, alimentation, budget : Réseau Action Climat a épluché les mesures des programmes des candidats à la présidence de la République, du plus sérieux au plus creux. Ce rapport dresse un comparatif des mesures des différents candidats qui est disponible en ligne sur : reseauactionclimat.org/presidentielle-candidats-climat/.
Nous vous encourageons à le consulter.
Lydie Rech
Les programmes des candidats :
- Nathalie Arthaud : nathalie-arthaud.info
- Nicolas Dupont-Aignan : 2022nda.fr
- Anne Hidalgo : 2022avechidalgo.fr
- Yannick Jadot : jadot2022.fr
- Jean Lassalle : jl2022.fr
- Marine Le Pen : mlafrance.fr
- Emmanuel Macron : avecvous.fr
- Jean-Luc Mélenchon : melenchon2022.fr
- Valérie Pécresse : valeriepecresse.fr
- Philippe Poutou : poutou2022.org
- Fabien Roussel : fabienroussel2022.fr
- Éric Zemmour : zemmour2022.fr
Report de la Marche pour le climat de samedi à Fontiers-Cabardès
Communiqué

Au vu de la météo exceptionnelle prévue ce samedi 12 mars dans l'Aude (pluies intenses et vent violent) et afin de permettre la réussite de la Marche pour le Climat et le Justice sociale dans l'Aude :
Le collectif citoyen audois pour le Climat et l'association Montagne Noire Avenir ont décidé de reporter la Marche pour le Climat et toutes les animations prévue à Fontiers-Cabardès à une autre date en MARS 2022.
L'objectif de cette Marche est l'interpellation des décideurs sur les réelles actions à mener pour préserver le climat et garantir la Justice sociale et écologique, il y a urgence et nous devons toute et tous rester mobilisés !
Dès que la date sera validée, nous vous la communiquerons.
Changements climatiques : rapport du GIEC, quels impacts pour la viticulture ?
Le tout dernier rapport récemment publié par les chercheurs du GIEC (Groupe International d'Experts sur le Climat) est malheureusement comme depuis le début annonciateurs de changements climatiques pour le moins inévitables. Comment la viticulture pourra t-elle s'y adapter ? Pistes de solutions dans notre entrevue avec Alain Deloire, professeur à l’Institut Agro de Montpellier.
Est-ce que le secteur viticole est vraiment en danger ?

« Je réponds avec mes maigres connaissances. On peut avoir plusieurs avis et ceci n'est que le mien. Le réponse en région sèche et chaude est oui. Des rapports de commission internationaux sur la vigne font état du fait que d'ici 2050 le grand Sud de l'Europe, prévoit une perte de 50% des vignobles existants. Le réchauffement et l'assèchement sont deux variables très importantes lorsqu'elles sont combinées. S'il y a réchauffement et de l'eau c'est moins grave, mais la combinaison des deux est dramatique. En effet, cela prend de 250 litres à 350 litres d'eau pour faire un litre de vin. On peut faire de la vigne dans le désert à condition d'avoir de l'eau. »
Les aléas climatiques ont toujours fait partie de la culture de la vigne mais va-t-on continuer à avoir des aléas climatiques qui réduisent ou parfois empêchent toute récolte ?
« L'année 2021 est un bon exemple. C'est un exemple typique où le climat évolue vers des températures en hausse plus proches des scénarios les plus pessimistes des chercheurs. Cela amène un dérèglement qui est imprévisible et ne permet donc pas de prévoir la quantité et la qualité des millésimes à venir en fonction des cépages. Cela devient donc très difficile à gérer car il est impossible de prévoir les moyens nécessaires et suffisant pour lutter contre le panel des problèmes qui peuvent être rencontrés (NDLR à la chaleur s'ajoute les sécheresses, orages et chutes de grêle).
Quelles sont les choses à mettre en place par les viticulteurs afin qu'ils puissent continuer à exercer leur métier malgré les aléas climatiques qui se multiplient ?
« Il existe déjà de nombreuses solutions : chaufferettes, aspersion ou fils chauffants pour lutter contre le gel ou une multitude de solutions pour aider l'irrigation, mais tout cela devient difficile dès qu'il y a une manque d'eau. La première chose est que la vigne a des limites physiologiques (gelées, températures etc). Ces limites ont été dépassé cette année (la limite est -3 degrés pour le bourgeon). Pour le stress hydrique c'est la même chose, même avec de l'eau si la température est trop élevée la vigne ne survivra pas. En effet, les vignes transpirent trop et même si l'eau est présente dans le sol, des bulles d'air peuvent se former dans le réseau de la plante et donc d'entraîner sa mort, car les racines ne peuvent fournir l'eau nécessaire à la transpiration des feuilles... Les baies peuvent aussi se flétrir pour les mêmes raisons. On parle beaucoup d'agroforesterie dans des vignobles industriels pour aider la vigne, mais parfois on crée de la concurrence. Dans le Sud ce ne serait pas une bonne idée car cela induit aussi des baisses de rendement. La permaculture pourrait être une piste de solutions. »
Ces solutions à apporter, peuvent-elles être réalisées par un petit comme un grand domaine ?
« Les petits exploitants pourraient mieux s'en sortir pour mettre en place ces solutions car elles sont moins compliquées à mettre en œuvre sur 20 ha car elles demeurent à dimensions humaines ce qui est impossible de faire sur une exploitation de 1000 ha. Les grandes exploitations ne peuvent pas se lancer dans la permaculture. Il faut faire des compromis. Quand vous avez une grande surface, il faut penser macro, vie des sols, enherbements, plus de culture sur des sols secs et pauvres. Remettre des haies, investir dans la vie du sol. Il faut 10 ans au moins pour « re »mettre tout cela en place. Le redéploiement de la viticulture dans des régions plutôt inhabituelles comme la Normandie et la Bretagne, pourraient offrir de nouvelles zones d'exploitation. On assisterait donc à une migration des vignobles. Cela va devenir une question réellement stratégique qui va se poser à savoir de réduire les zones cultivables afin de les limiter aux sols les plus propices à la croissance de la vigne. On vit un moment pire que le Phylloxera car les répercussions seront sur de très longs termes. Oui, il va falloir repenser le tout de façon intégrée. Je ne raisonne pas par rapport à un cahier des charges, je me limite aux besoins naturels de la vigne et à son cahier des charges à elle. Beaucoup de facteurs peuvent être modifiés afin de l'aider comme la densité de plantation, les couverts végétaux, la replantation de haies et évidemment la permaculture. En règle générale, nous sommes fort pour la transmission de connaissances, mais le transfert de technologie c'est une chose, l'adoption s'en est une autre.»
Quelles pourraient être les actions mises en place par le gouvernement pour préserver la viticulture française ?
« Il faut surtout ne pas donner d'argent sans contrepartie. Il faut que cela s'accompagne de réalisations concrètes et complètes et imposer certaines directives afin que le problèmes ne se renouvellent pas. Le but ne doit pas être de maintenir tous les vignobles sous perfusion. Il faut aider les plus motivés et les plus performants. On peut aider à des recherches sur la vie des sols, la microflore ou encore l'amélioration génétique. Un point qui sera aussi crucial à venir est la restructuration de la taille des exploitations. »
Alain Deloire a travaillé dix ans comme chercheur et chef d'équipe en Viticulture chez Moët & Chandon et travaille depuis 14 ans en tant que professeur en écophysiologie de la vigne et du fruit à Montpellier SupAgro (France) où il est de retour depuis novembre 2016 en tant que professeur en viticulture (physiologie de la vigne), après de longues années de travail à l'étranger.
Quelques chiffres
- Taille totale des exploitations française avant l'apparition du Phyloxera : 2,5 millions d'ha
- Taille totale des exploitations française aujourd'hui :750 000 ha
- À la fin de la 2nd guerre mondiale, la consommation moyenne était de 120 litres de vin par an par habitant, elle est de 60 litres aujourd'hui
Propos recueillis par Tristan Geoffroy