Quand les Caunois et les Caunoises passent devant la vitrine de l’ancien coiffeur, les souvenirs se bousculent. Ils gardent en mémoire la silhouette mince de Raymond Adgie et son amabilité. Une vie au service de toute une clientèle qui se retrouve désemparée.

Raymond Adgie a profondément marqué son passage à Caunes-Minervois. Originaire de Gramat dans le Lot, né en 1940, il commence son apprentissage dans la coiffure en 1955 à Gaillac, dans le Tarn, au salon de M. Buffel, jeune coiffeur qui avait acquis une belle réputation. Il y apprend les coupes au rasoir et le bombage, cette technique de coiffage au séchoir à main ou au fer, qui consiste à lisser une mèche de cheveux de la racine à la pointe en lui donnant une forme cintrée. “Dans les années 1950, il manquait des coiffeurs”, précise Raymond, en rajoutant : “Mon père était conducteur de trains et ma mère s’occupait du foyer et des enfants. Sur les quatre enfants que nous étions, trois ont fait carrière dans la coiffure.” Son examen de fin d’apprentissage (EFA) en poche, il passe son CAP l’année suivante.
Puis, le service militaire le happe dans la marine, d’abord à Hourtin, en Gironde, puis à Toulon où il embarque 24 mois sur le bateau “L’Agenais” qui, avec “Le Bourguignon”, est le premier escorteur rapide à être détaché pour participer aux opérations d’Afrique du Nord. C’est dans ce cadre que, le 28 octobre 1961, avec “Le Savoyard”, il déroute le cargo panaméen “Irigito”, chargé de 300 fusils mitrailleurs espagnols destinés au maquis du FLN. Nous sommes en pleine guerre d’Algérie. Raymond occupe un poste de transmission dans la télégraphie sans fil. “À quai, j’étais le coiffeur de tout l’équipage. J’aurai fait trente mois dans l’armée.” À la sortie de l’armée, il obtient son brevet professionnel, ce qui lui permet de s’installer à Toulouse, où il rencontre sa future épouse, Ginette Pages. Puis, un jour, une annonce paraît dans le journal La Dépêche : un salon de coiffure est à vendre à Caunes-Minervois, le propriétaire est M. Zamo. Raymond répond à cette annonce par courrier et, quelques jours après, M. Zamo tape à la porte, à sa grande surprise.
C’est ainsi qu’en septembre 1967, le jeune couple Adgie s’installe à Caunes-Minervois en prenant la suite de l’ancien coiffeur le 20 du même mois, jusqu’à la retraite le 30 juin 2021. “Quand je suis arrivé, il y avait trois salons de coiffure à Caunes. Autant dire qu’il y en avait du monde. Nous nous y sommes plu, nous étions proche de la mer et le village a toujours été agréable. Je coiffais majoritairement des hommes, mais des femmes et des enfants fréquentaient également le salon. Cela faisait partie de ma formation. J’ai vendu les murs à Karinne Plouviez, la coiffeuse de Caunes-Minervois qui est un peu plus loin sur l’avenue de l’Argent Double.”
Et ainsi, la tradition perdure, de coiffeur en coiffeur, en coiffeuse. Il est loin le temps où, à cet emplacement, bien avant qu’il y eut un salon aménagé par l’entreprise de maçonnerie Adivèze, un kiosque se dressait fièrement, surplombant l’Argent Double, à deux pas de l’ancien bazar de madame Marie Conzac...
Virginie Pospisil Puente