
Un médecin de campagne, consultant dans un centre Covid rapporte son quotidien au cœur du Minervois. Quatrième semaine après un premier entretien, la situation a un peu évolué en Minervois. Un avis médical sur le déconfinement.
Lors de notre dernière conversation, le Minervois était encore relativement épargné par le Covid-19. Qu’en est-il, trois semaines plus tard ?
Nous avons des cas bien sûr, mais nous avons encore été relativement épargnés. Il ne faut pas pour autant lâcher le confinement : il se peut que le virus n’ait pas encore circulé, et nous ne sommes pas à l’abri. J’ai été contactée par d’autres médecins généralistes du territoire, qui ont décidé de monter un centre Covid. Ils ont demandé à tous les médecins du coin de participer en faisant des permanences. Ça permet d’envoyer tous les gens présentant les symptômes du Covid là-bas, et éviter qu’ils ne croisent nos autres patients.
Avez-vous beaucoup de consultations au centre Covid ?
Pour l’instant, nous en sommes à environ quatre ou cinq tous les jours. Bien sûr, toutes les personnes qui se présentent ne sont pas nécessairement atteintes par le Covid, ils viennent parce qu’ils ont de la fièvre ou de la toux, on ne peut pas être sûrs à cent pour cent du diagnostic. Mais c’est susceptible d’évoluer.
Avez-vous des tests disponibles ?
Pour l’instant nous n’avons pas de tests. Ils sont uniquement réservés aux personnes qui présentent tous les symptômes du Covid, les personnels soignants ayant des symptômes, et les personnes hospitalisées avec suspicion de contamination par le Covid. Nous pouvons aussi demander à faire faire des tests pour les gendarmes et les pompiers. Il n’y a pas assez de tests pour tout le monde, du coup c’est limité à ces personnes-là. D’après ce que j’ai compris de la communication du gouvernement, dans un mois, vu que le nombre de cas est en train de diminuer, que le nombre de personnes en réanimation décroit, nous devrions pouvoir tester toutes les nouvelles personnes présentant des symptômes.
Avec la date annoncée d’un déconfinement progressif à partir du 11 mai, comment pensez-vous que la situation va évoluer ?
Je pense qu’en France nous ne pourrons pas tester massivement, puisque nous n’aurons de toute façon pas assez de réactifs (réactifs biochimiques constituant les kits de dépistage, ndlr). Le but est que la circulation du virus soit beaucoup moins importante, pour permettre de tester tous les nouveaux cas. Nous voyons que la décroissance s’amorce, nous sommes actuellement en plateau, mais d’ici 15 jours ça devrait vraiment baisser. Du coup nous devrions arriver à un flux plus gérable en réanimation, et avoir beaucoup moins de gens hospitalisés. Qui dit moins de circulation, dit moins de gens qui ont des symptômes, donc plus faciles à tester.
L'ordre des médecins a dit s’opposer à une réouverture précoce des écoles, quelle est votre opinion à ce sujet ?
C’est difficile à dire, il faut voir l’évolution de la situation dans un mois. Si nous avons tous des masques, que toutes les mesures de prévention sont en place, nous pouvons tous retourner travailler. Mais il est difficile de faire respecter les gestes barrières aux enfants, surtout les plus petits. La solution pourrait être de repousser le retour à l’école. Si les gens respectent le confinement, le nombre de malades devrait avoir régressé. Si nous sommes toujours en plateau, le confinement devra à mon avis être prolongé.
Comment pensez-vous que la situation va évoluer, après le confinement ?
Pour l’instant nous voulons nous trouver au minimum de l’épidémie. Mais le Covid-19, comme la grippe, va certainement être saisonnier, on peut donc s’attendre à ce que ça tourne. Nous sommes encore loin d’avoir un vaccin, pas mal de médicaments sont en train d’être testés, on verra si ils sont efficaces... Mais c’est compliqué de tuer un virus comme celui-là.
Le port du masque est de plus en plus recommandé, qu’en pensez-vous ?
Le port du masque n’arrêtera pas le virus, mais ça limite la propagation. Il faut surtout le porter correctement : ne pas se toucher le visage, bien le retirer, se laver les mains. On n’a pas encore toutes les données sur ce nouveau virus, ce qui rend les choses compliquées. Chacun fait de son mieux : il faut rester confinés, porter le masque, bien se laver les mains, et attendre de voir.
Katia Brooks