L’examen de la loi Molac pose une fois de plus la question de la diversité linguistique. Question difficile à soulever en France, nourrie de discours autour de la sacralisation de la langue nationale et du regard négatif porté sur les autres langues territoriales. Interrogeons-nous sur la nécessité de ce qu’il est maintenant convenu d’appeler la biodiversité linguistique.
Des visions différentes du monde. Chaque peuple a son histoire, liée à son lieu de vie, aux conditions climatiques, aux conflits guerriers, à la colonisation, aux migrations : les langues se sont adaptées et modifiées tout au long de cette évolution. Chacune apporte sa vision du monde : il ne faut plus les estimer en conflit entre elles, mais comme un apport de chacune à un savoir universel : « La mondialisation des échanges, l'impérialisme des cultures dominantes, l'urbanisation accélérée, tout cela participe à la mise en danger des langues. En Amérique latine, on a constaté à quel point la diversité des langues est liée à la biodiversité de la faune et de la flore : si vous déportez des populations, si vous les installez dans une région où les plantes et les mots pour dire les plantes diffèrent, ces populations dépérissent - en même temps que s'étiolent leur culture et leur langue, c'est-à-dire leurs savoirs. » (*)
Pour que chuintent, claquent, chantent nos langues
Il est contre-productif d’accélérer leur extinction, car c’est une partie-clé des richesses et potentialités humaines qui est abandonnée : c’est un recul et non un progrès. L’heure est grave, sur les 6 à 7000 langues utilisées actuellement sur la planète prêt de la moitié sont vouées à une disparition quasi-certaine dans le siècle à venir ( voir encadré). Une langue, c’est une transmission de génération en génération, une adéquation à un territoire et à un mode de vie. C’est aussi l’expression de toutes les capacités vocales et phoniques humaines et cela va bien au-delà de la question des accents : des langues ou parlers chuintent (le vannetais en Bretagne, l’auvergnat en Occitanie), d’autres claquent (langue xhosa d’Afrique), d’autres chantent (l’italien ou l’occitan – comme les cigales, c’est bien connu), d’autres agglutinent les mots (finnois)...
Langues locales et multilinguisme
Une autre idée fausse propagée en France est celle-ci : « Si on parle une autre langue, on ne saura pas maîtriser le français » (même si l’on peut se demander si la prééminence accordée à un globish-anglais vise également à la maîtrise du français !). De fait, les échanges commerciaux, les marchés (comme à Beaucaire dans le temps où se retrouvait toute la Méditerranée) mènent à la nécessité d’apprendre ou comprendre d’autres langues. À un moment, les grandes langues éclatent : le latin a donné les langues latines ; en anglais, on vous donne le choix entre apprendre l’anglais d’Angleterre ou l’anglais d’Amérique (sans parler des créoles et pidgins) ; en portugais, entre celui du Portugal et celui du Brésil… Le multilinguisme est bien plus répandu que le monolinguisme, voire le bilinguisme.
Le choix de l’humain
Le choix est d’importance entre un monde totalement uniformisé et aseptisé et un monde vivant fort de ses richesses. C’est pour cela qu’il est légitime qu’en Occitanie (de Bordeaux à Nice et de Limoges à Vielha), l’occitan continue de vivre pour être l’une des modulations du grand concert de l’humanité.
Le Collectif Pour Que Vivent Nos Langues a lancé une pétition en ligne qu’il vous invite à signer en nombre : http://chng.it/Q8jLXh7nZh
(*) Colette Grinevald, Le Monde, 2/10/2009
Alan Roch
En chiffres
- 500 langues sont parlées par moins de 100 locuteurs ;
- 96% des langues ne sont parlées que par 4 % de la population mondiale ;
- plus de 90 % des contenus d’Internet sont rédigés en seulement 12 langues ;
- d’après l’Unesco, une langue meurt en moyenne tous les quinze jours ;
- selon les scientifiques, 50 % des langues existantes pourraient ainsi mourir au cours de ce siècle.
- Près de la moitié des 6 à 7000 langues encore parlées dans le monde est concentrée dans 6 Etats, qui comptabilisent chacun plus de 200 langues : Inde (environ 860) ; Papouasie Nouvelle-Guinée (environ 860) ; Indonésie (environ 700) ; Nigéria (environ 510) ; Cameroun (environ 280) ; République du Congo (environ 215)
- Viennent ensuite 11 pays comptant entre 100 et 200 langues : l’Australie, la Chine, les Etats-Unis, le Brésil, le Tchad, les Philippines, le Soudan, la Tanzanie, la Malaisie, le Népal et le Vanuatu.
(Source : sorosoro.org)