Découvrez la singulière histoire passée et les perspectives d’avenir de La Marie-Thérèse, dernière « barque de patron » du Canal du Midi née en 1855 et, sans doute, le plus vieux bateau d'Europe tout en bois encore en navigation. Toujours à flot, malgré les mésaventures d’une existence mouvementée, aujourd’hui alanguie au quai du Château de Ventenac-en-Minervois, elle attend son inscription régionale officielle au titre des monuments historiques et se prépare à un futur prometteur.

Née à Toulouse en 1855 au « chantier des barques » du pont des Demoiselles, La Marie-Thérèse est le dernier témoin vivant de ces longs bateaux à fond plat et aux flancs frégatés, nommés « barques de patron ». Conçues pour « vivre leur vie » sur le canal du Midi au service du transport de marchandises, ces barques étaient avant tout destinées à l’acheminement du vin entre Sète et Toulouse. Elles contribuèrent largement à l’essor du Languedoc viticole et en particulier à celui de Narbonne. C’est sur base de plans datant de 1690 que les formes de notre « belle dame » vont être les plus amples possibles afin d’optimiser les capacités de charge. Ses « mensurations » aux courbes généreuses sont ainsi de 26 mètres de long (30 m avec le gouvernail) et 5,50 mètres de large, un maximum vu le gabarit des écluses dont certaines mesurent 30 mètres par 5,60 mètres! Poupe pointue et proue renflée, entièrement pontée et garnie d’un mât de charge central (indispensable pour embarquer et débarquer les marchandises) notre Marie-Thérèse « a tout ce qu’il faut là où il faut », capable de transporter jusqu’à 174 tonnes de fret. Comme elle, près de deux cent cinquante de ces barques ont ainsi navigué sur le canal du Midi, et cela jusqu’à la moitié du XXe siècle. Toutes ont été détruites pour être remplacées… par des péniches automoteurs en acier. Oui mais pas ELLE!
Parcours d’une belle « Languedocienne »
Née Maria, nom donné par son premier patron Isidore Marot, elle fut rebaptisée Marie-Thérèse en 1920 par la famille Denty qui devint alors ses propriétaires pour de longues années. Avec eux, cette impressionnante « pinardière » a transporté parfois plus de 200 demi-muids, fûts de chêne remplis de 600 litres de vin et pesant chacun environ 800 kg. D’abord tractée par un ou deux chevaux, voire par des hommes aux passages délicats des écluses, elle progressait à la vitesse de 2 à 3 km par heure. Par ces barques se sont noués de solides liens commerciaux et humains entre la Méditerranée et Toulouse, entre Languedociens et Gascons… qui bien souvent, malgré la dure rivalité du contexte commercial, se passèrent aussi la bague au doigt! Dans les années 30, pour contrer l’avènement du chemin de fer, la motorisation remplaça la traction animale. Et La Marie-Thérèse ne fut pas en reste puisqu’après un premier moteur de 45 CV elle bénéficia de la puissante mécanique des 6 cylindres d’un Diesel Baudouin, qui aujourd’hui encore « tourne comme une horloge » dans sa cale. Mais la concurrence des marchés nécessita la diversification. On n’hésita pas alors à « déponter », pour faciliter le chargement d’autres produits comme le sable, les sacs de chaux, le ciment, les céréales ou la farine. Et c’est au début des années 60 que La Marie-Thérèse, naviguant alors sous le nom de l’Arromanches, menée par le barquier Jean Jardel, mis fin à sa noble carrière sur le canal du Midi..
Derniers outrages

Dès lors, pour La Marie-Thérèse, alias L’Arromanches amarrée à Sète au quai n°10, commença une vie nocturne et de galère! C’est ainsi que lestée d’une vingtaine de tonnes de béton, elle s’offrit en piste de danse pour une discothèque qui deviendra ensuite un restau routier à l’enseigne de « La Péniche »… Où parfois s’attablait Brassens, dit-on. Cela dura quelques temps, puis en 1990, totalement délaissée, elle va croiser les regards de ceux qui viendront à son secours, le maître charpentier de marine, Yann Pajot, et son père. Mais le temps pour eux de convaincre et de fédérer autour d’un projet pour la sauver, elle sombrait déjà sous dix mètres d’eau. Tout semblait perdu. Son seul avenir était de devenir un vivier à poissons, coulée au large, lentement rongée par le sel et ensevelie sous la vase! Bien heureusement, conscient du patrimoine matériel et immatériel qu’elle représentait, véritable mémoire des savoir-faire d’une profession, de l’Histoire et du vécu des « gens de l’eau », le Conservatoire maritime et Fluvial des Pays narbonnais s’en porta acquéreur et en 1994, les premières tentatives de renflouage purent avoir lieu… pour aboutir quatre ans plus tard, grâce au soutien des Voies Navigables de France et de collectivités de la Narbonnaise.
La mémoire retrouvée
La barque qui a malgré tout de « beaux restes », fut ensuite volontairement déposée au fond des eaux douces de l’écluse du Bagnas, en amont de Sète. Rejoindre Narbonne et les rives de Mandirac lui prendra quatre ans. Le grand chantier de restauration débutera donc en 1998 et dura quatre ans et demi. Le travail technique qu’il nécessita a généré l’apprentissage et la redécouverte de pratiques oubliées. Des recherches ethnologiques liées à la collecte de témoignages d’anciens barquiers, toujours très solidaires et passionnés par cette vie passée, ont été également faites et constituent dorénavant de précieuses archives étayant celles du «patrimoine mondial de l’Unesco » qu’est le canal du Midi. En 2013, le Parc Naturel Régional de la Narbonnaise en Méditerranée (PNRN) devient officiellement propriétaire de celle qui a retrouvé le nom de Marie-Thérèse. Les projets culturels et patrimoniaux sont nombreux. D’intéressantes animations sont réalisées. La Marie-Thérèse se déplace dans la Narbonnaise, elle s’expose et fait partie des sujets diffusés dans les « cahiers du parc ».
Cette très « chère » belle dame
Durant trois années la dernière barque de patron du canal du Midi va ainsi remplir son rôle de fleuron patrimonial Mais un tel bateau coûte cher, très cher. Et faute de deniers publics il faut se séparer du joyau. Arrive alors la coopérative du Château de Ventenac en Minervois qui, séduite par la rencontre de cette figure emblématique du canal du Midi, avec sa « petite sœur » la cave (1880) de 25 ans sa cadette, va se lancer dans l’aventure et acheter le bateau au Parc. Le projet de valorisation du patrimoine est vaste. Sur fond d’œnotourisme, il s’agit d’être culturel, didactique et festif. Nocturnes gourmandes, visites, expositions, manifestations théâtrales et artistiques ont fait le plein. Mais là encore au bout de 3 ans, trop peu de rentrées ni d’aides factuelles, un carénage oublié par les prédécesseurs et donc à faire de tout urgence… la note est trop élevée et pas de nouvelle officielle de l’inscription régionale officielle au titre des monuments historiques.
Vient enfin aujourd’hui une éclaircie avec la solution que représente l'association Aventure Pluriel avec ses bénévoles et les salariés professionnels de son chantier de charpenterie de marine, son vaste objectif de restauration et son projet de fonctionnement futur afin que perdure la vie de ce patrimoine navigant. Tout en restant impliquée au côté de l'association en veillant sur la barque amarrée au pied de son château, la cave Coopérative du Château de Ventenac a ainsi donné la Marie-Thérèse pour qu’elle puisse continuer de vivre.
Du 30 novembre au 6 décembre Aventure Pluriel sera à Ventenac sur le pont de la Marie-Thérèse et souhaite donner rendez-vous à tous ceux et celles qui souhaiteraient se joindre à un collectif d’action en faveur du bateau, y compris en « virtuel » sur les réseaux sociaux. Voici les coordonnées pour soutenir ou rejoindre l’association, y compris pour se porter bénévole sur La Marie-Thérèse « en partage »
Tel. Thierry Pons : 06.18.17.56.37.
Courriel : tp@aventurepluriel.fr
https://www.aventurepluriel.fr/