Réalisation : Gessica Généus
Durée : 1 H 33
Avec : Néhémie Bastien, Fabiola Remy, Djanaïna François
Voilà un film qui fait écho à un pays en crise depuis le tremblement de terre qui l’a dévasté en 2010. C’est ainsi que des images de soulèvement spontanés et de manifestations contre le cout de la vie entrecoupent à intervalles réguliers l’histoire qui nous est contée. Elle s’attarde sur trois femmes en lutte pour leur survie faisant chacune un choix différent. Freda, étudiante engagée, s’investi dans la vie associative et militante, sa sœur Jeannette ne rêve que de quitter Haïti et n’hésite pas à user de ses charmes pour séduire un homme pouvant l’amener ailleurs. Quant à leur mère Esther, abandonnée par son mari, elle est résignée face à la réalité patriarcale qui l’opprime. Elle incarne parfaitement l’état actuel du pays. Elle ne sait plus comment sauver sa petite famille, la protéger, mais a-t-elle pu les élever normalement ? Et a-t-elle encore les ressources nécessaires pour faire face aux événements ? Film de femme porté par des femmes et leurs liens puissants, Freda questionne aussi leur place : celle qu’on leur assigne, à laquelle elles décident de se soumettre, ou au contraire de se soustraire. Toute trois vivent des très modestes revenus de leur épicerie de quartier. Nous les accompagnons dans les rues de Port-au-Prince et sa vie noctambule où on va surtout suivre Freda. Elle représente une jeunesse Haïtienne qui ne veut plus se taire. Fini de se plier à la volonté des autres. Nous suivons chaque personnage avec ses contradictions en observant non pas leurs certitudes mais plutôt leur confusion, parfois leur bizarreries frisant l’excentricité. Mais pas de misérabilisme ni de mélodrame ici, même si, au détour d'une phrase, l'on apprend ce qu'a subi l'une des trois femmes dans le passé. On perçoit que la réalisatrice vient du cinéma documentaire. Cela au travers de l’observation délicate qu’elle fait des protagonistes en scrutant résolument leurs visages en allant au-delà des cas qu’ils représentent. C’est dans un contexte politique délétère qu’elle a pu mener jusqu’au bout le tournage de Freda grâce à l’aide des habitants d’un quartier de la capitale. Il nous offre une fin ouverte avec un plan bouleversant, long regard de la camera sur Jeannette qui révèle le déchirement d’un personnage que le film a l’intelligence de ne pas juger.
Jean Segonne