La galerie l’Écurie expose les œuvres de quatre artistes : la superbe collection de photos en noir et blanc d’Ingrid Hudson intitulée Les gens des petits chariots, quelques photographie sud-africaines, des pièces en céramique de Moira et d’Heather Gordon faites pour l’occasion et, dans la cave, les toiles de Chris Stevens sur le thème fort qu’est celui de la guerre en Ukraine.

Les photographies d’Ingrid Hudson sont tirées d’une histoire picturale d’un peuple nomade en voie de disparition, voyageant à travers la nature sauvage, desséchée et lunaire de ce semi-désert balayé par le vent connu sous le nom de Karoo, dans la province du Cap en Afrique du Sud. Ces gens errants ont de nombreux noms – certains les appellent karretjie-mense (gens des petites charrettes) ou swervers (vagabonds). “Leurs origines sont très mixtes et peu connues mais il y a certainement en eux un lien avec le peuple originel Karoo, San ou Bushmen. Je les vois comme les premiers, les seuls et les plus anciens habitants de l’Afrique du Sud. Ils étaient là bien avant que d’autres Africains, noirs ou blancs, n’arrivent pour les submerger, eux et leur culture. Le Cap San est éteint, mais dans les manières et les coutumes, les visages et la langue de ces voyageurs, vous pourriez avoir un aperçu de leurs prédécesseurs.” Pour la plupart des citoyens des villes du Karoo, ces nomades sont sans nom parce qu’ils passent inaperçus. Ils couvrent de grandes distances entre des élevages de moutons éloignés, dans de petites charrettes à deux roues, tirées par des couples d’ânes. à l’arrière des chariots, ils transportent tout ce qu’ils possèdent : quelques casseroles, une bouilloire et des feuilles de tôle ondulée pour faire des abris la nuit. Il peut y avoir des familles entières dans ces chariots, plus des chiens et des poulets, toujours en mouvement. Ils prennent du travail là où ils en trouvent ou quand cela leur convient, réparant les clôtures, tondant les moutons, creusant des fossés, mais ils ne restent jamais longtemps avant de retourner à l’immensité du désert et de disparaître à nouveau. “My sin is op”, (mon esprit est levé, je suis parti maintenant) diront-ils au fermier pour lequel ils travaillent, et ils sont partis. “J’ai eu la chance de passer du temps, au début des années 1990, à voyager avec ces nomades et à les photographier au travail, sur la route et dans leurs camps nocturnes.
Bref aperçu d’un peuple éphémère. La South African National Gallery du Cap m’a demandé de documenter leur vie. Mon mandat, quand je suis allé au Karoo, était de photographier ces gens qui sont souvent presque invisibles, qui vont et viennent, un peu comme des fantômes, de minuscules groupes de voyageurs de l’ombre, qui s’échappent, invisibles et non reconnus, mais qui se sont arrêtés assez longtemps pour me laisser les regarder, aussi attentivement que je le pouvais, et qui m’ont montré quelque chose de leur monde.”
Les céramiques de Moira et Heather Gordon, les peintures de Chris Stevens
À la demande de Fran Maguire, propriétaire de la galerie, la céramiste Moira, d’origine britannique, a travaillé en noir et blanc, proposant des pièces de style ethnique toutes montées à la main, sans tournage, avec des effets de gravure. Tout un ensemble cohérent, s’embrassant d’un coup d’œil, s’offre aux visiteurs. Moira expose également, à l’espace Montagn’Art de Pradelles-Cabardès, des céramiques aux douces couleurs de la nature. Heather Gordon présente des céramiques en grès aux couleurs sobres. Ses pièces, telles que des plats, des assiettes ou des bols, offrent des formes simples sur lesquelles elle expérimente différentes techniques (marquage, peinture, grattage, superposition, impression) pour obtenir des textures et des images.
Fondamentalement, Heather Gordon reste peintre, elle a seulement changé de support. Elle a troqué la toile contre la terre : du grès de Moutiers dont les interactions avec les couleurs lui plaisent. Dans la cave qui suit, sont exposées les peintures de Chris Stevens, qui a étudié les beaux-arts à l'Université de Reading. C'est un peintre figuratif qui expose régulièrement depuis l'obtention de son diplôme en 1978. Il représente toujours des personnages dans ses peintures et s‘attaque aux préjugés que nous avons sur les gens en raison des stéréotypes médiatiques. Les sujets interpellent le spectateur sur l'identité, la classe, l’origine, le sexe des personnes peintes dans leur environnement particulier. Ce récit est un élément essentiel de son travail. Il s'intéresse cependant aussi au langage de la peinture et à la nature abstraite du processus artistique. Il ne s'intéresse pas au portrait traditionnel car les personnes qu'il peint sont comme des acteurs sur une scène représentant un type plutôt qu'une identité individuelle. Il les connaît toutes, ce sont des amis, des membres de la famille ou des connaissances éphémères. Mais la nouveauté 2022, ce sont des toiles dont la thématique est la guerre en Ukraine. Les avions de chasse russes survolent un ciel paisible, laissant derrière eux un paysage de désolation. Les contrastes sont forts, le travail est remarquable.
Virginie Pospisil Puente
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Galerie l’Ecurie, “Affinities”, jusqu’au 3 juillet.
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Ouverture vendredi, samedi, dimanche, de 15h à 18h.
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Contact : lecuriecaunes@gmail.com