Au début il y avait les « voitures »
Premier volet d'une nouvelle chronique hebdomadaire consacrée à la navigation sur le canal du Midi, il s’agira de relier les fils de l’eau, de l’espace, et du temps, pour construire une trame qui va naviguer en d’humbles propos sur l’évolution du transport et de la vie de ces passionnants « gens de l’eau ». Ces petits morceaux choisis seront également ponctués de brèves notes évoquant le contexte historique selon les époques, depuis la création de ce chantier titanesque et «génial» que mena le «maître d’œuvre et créateur», Pierre-Paul Riquet.

Des barques construites dès 1673
Si le qualificatif « obsessionnel » peut être appliqué à l’idée de Pierre-Paul Riquet en concevant ce fameux « canal du Languedoc », la motivation économique et commerciale en est tout autant l’instigatrice. De ce fait, alors que la liaison entre « Mer océane et Méditerranée » n’est pas encore possible, notre sieur Riquet encourage dès 1673 la construction de « barques de postes » pour des passagers mais aussi et surtout des « barques de voiture » pour les marchandises. Son bon atavisme de «fermier de gabelles », rodé à collecter taxes et impôts, lui fait prévoir bien évidemment le système des droits à payer sur le transport en fonction de la nature des marchandises et de leur poids.
Des « voitures » sur le miroir d’eau
Ce terme de « voiture » est utilisé depuis le XIIe siècle*. Il désigne alors uniquement le chargement qui est transporté, quel que soit le véhicule utilisé. Mulet, âne bâté, chariot, bateau… et barque seront donc chargés de « voiture ». Dit en ancien français « veiture », la source du mot en latin est « vectura » soit « action de transporter » voire aussi « coût du transport », ce qui lie donc de façon évidente « véhicule » à « voiture » ou encore à la notion de « fret ». Et c’est ainsi que par monts et par vaux, passant par malle, coffre ou caisse qu’elle désignera aussi, cette voiture, de « contenu » qu’elle était, deviendra le contenant. Soumise à l’accélération du temps qui s’est mis à passer de plus en plus vite, la voiture s’est lestée de sa charge pour devenir « véhicule » au XVIIIe siècle. Ensuite elle prit de la vitesse au point de dépasser l’automobile à la fin du XIXe pour se concentrer sur nos engins motorisés actuels. Rien d’étonnant dès lors que la Marie-Thérèse, dernière barque de patron du canal du Midi construite à partir de plans datant de l’époque de Riquet, veuille se « ranger des voitures » et couler une vie paisible sur le miroir d’eau de son cher canal.
Véronique Herman
*Source H. Blanchet docteur en linguistique ancienne