Reprise des contrôles fiscaux post-état d’urgence sanitaire COVID 19 : à quoi s’attendre à la rentrée de septembre 2020 ?

Le 1er juillet dernier, Gérald DARMANIN, alors Ministre de l’action et des comptes publics, annonçait que la lutte contre la fraude fiscale avait permis de réaliser 12 milliards d’euros de recettes en 2019, soit un résultat en hausse de 50% par rapport à l’année 2018. Le renforcement et l’accroissement des outils mis à la disposition de l’Administration fiscale sont à l’origine de ce chiffre record. L’analyse et l’utilisation de données issues des réseaux sociaux et des sites e-commerce sont venues dès janvier 2020 compléter l’arsenal de l’administration fiscale déjà fourni.Le bilan de la lutte contre la fraude fiscale en 2019 est qualifié par le Ministre lui-même d’« exceptionnel », on peut donc s’interroger sur la nécessité d’instaurer de telles procédures controversées au regard de leur impact sur les libertés individuelles et la protection des données personnelles. L’année 2020 sera, quant à elle, sans nul doute marquée par une diminution du nombre de contrôles du fait de la crise sanitaire du COVID-19 et de l'évolution des méthodes de contrôles en elles-mêmes afin de respecter la distanciation sociale et les gestes barrières. L’Administration fiscale se met en ordre de marche pour une reprise des contrôles dès le mois de septembre 2020.
La collecte d’informations à distance sur internet et le recoupement automatisés de données sur le web ( « data mining ») seront, sans nul, doute largement utilisés par l’Administration et méritent une vigilance particulière.
Les orientations probables des contrôles fiscaux dès septembre 2020
Il ressortirait d’une note interne de l’Administration fiscale de mai dernier, dont le contenu a été relayé par les journaux L’Express et Le Point, plusieurs objectifs dans le cadre de la reprise des contrôles en septembre 2020. Le mot d’ordre est de ne pas entraver la reprise de l’activité des entreprises déjà fortement impactées par la crise sanitaire du COVID-19 mais au contraire de se focaliser sur les domaines d’activités qui ont pu connaitre un coût d’accélérateur du fait de la crise sanitaire tels que par exemple les sites de e-commerce et les fournisseurs de matériels médicaux et paramédicaux. La TVA et la minoration de recettes seront les principaux sujets d’investigation. Il n’est toutefois pas question de reprendre dès septembre une fréquence de contrôle « normale » et les méthodes de contrôle usitées avant la crise sanitaire. L’Administration fiscale se concentrera a priori sur les situations les plus frauduleuses et les agents seront amenés à intervenir à distance. La maitrise des nouveaux outils de l’Administration en termes de collecte de données sur les réseaux sociaux et sites de e-commerce pourrait donc devenir un des enjeux du contrôle fiscal de demain.
La crise sanitaire du COVID-19 sera-t-elle l’accélérateur du contrôle fiscal 3.0 ?
Pour rappel, l’article 154 de la Loi de Finances pour 2020 (loi n°2019-1479 du 28 décembre 2019) a autorisé, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, les administrations fiscale et douanière à collecter de manière automatisée les contenus accessibles publiquement sur les sites internet de certains opérateurs de plateforme, aux fins de recherche de manquements et d’infractions en matière fiscale et douanière. Ce dispositif permet à l’Administration de collecter et de traiter les données publiques de tous les contribuables. En effet, ce dispositif n’a pas vocation seulement à venir confirmer des soupçons sur certains contribuables, mais au contraire, de recueillir très massivement des informations et de les recouper afin d’identifier des auteurs potentiels d’infraction.
L’année 2020, première année d’application de ces mesures, pourrait donc être une année particulièrement foisonnante en matière de collecte d’informations sur le web et de contrôles effectués sur cette base. Le Conseil Constitutionnel et la CNIL se sont prononcés sur ces nouveaux procédés qui méritent une vigilance toute particulière au regard notamment de la protection des données personnelles consacrée par le Règlement Général de Protection des données (RGPD). Les plateformes visées sont principalement les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram, LinkedIn par exemple) et des sites de ventes en ligne (tels que Leboncoin, Vinted, Ebay par exemple). Les contenus susceptibles d’être collectées doivent, selon le Conseil Constitutionnel, répondre à deux conditions :
- Être librement accessibles sur les plateformes ce qui exclut les contenus accessibles après saisie d’un mot de passe (identification) ou après inscription;
- Avoir été délibérément divulgués par la personne visée. Ainsi, les publications, photographies, commentaires publiés par un tiers ne peuvent être collectés.
Enfin, les données ne peuvent être collectées grâce à un système de reconnaissance faciale et les agents à l’initiative de la procédure doivent avoir au moins le grade de contrôleur et être spécialement habilités. Les données collectées devront donc être corroborées par d’autres éléments. A l’heure de la distanciation sociale, la recherche et le recoupement automatisés de données sur le web ( « data mining ») seront sans doute des méthodes qui connaitront, dès la reprise des contrôles en septembre 2020, une forte accélération en lieu et place des contrôles physiques. Un doute plane toutefois sur l’efficacité de ces dispositifs dans le cadre global de la lutte contre la fraude fiscale, à dans trois ans pour le bilan … et d’ici là à vos paramétrages confidentialité !
Mathilde CASTILLA-ROUANET
Avocat au Barreau de TOULOUSE
Avocat Associé du cabinet CLN Consult