Réalisation : Frédéric Tellier
Durée : 2h02
Avec : Gilles Lelouche, Pierre Niney, Emmanuelle Bercot
France milite activement contre l’usage des pesticides, dont la tétrazine, un produit responsable du cancer dont son mari meurt. Mathias, lobbyiste brillant et homme pressé, s’efforce d’en minimiser la toxicité en défendant les intérêts d’un géant de l’agrochimie. Son métier est de trouver les mots pour influencer le grand public et le gouvernement afin de promouvoir son entreprise et Phytosanis, leur pesticide. Le spectateur en perçoit un portrait impitoyable, celui d’un homme vide de morale prêt à se gaver sur la santé des autres. Sa rhétorique, travaillée au millimètre, va faire naître le doute. En réalité, ses propos ne sont que mensonges. Patrick, obscur, solitaire avocat parisien, est spécialiste en droit environnemental. Il défend quant à lui les plaignants. Il est gênant pour l’industriel et donc menacé. Chaque histoire relève d’un genre différent : mélodrame, documentaire, thriller. Chaque personnage a son profil : victime, bourreau, ange déchu en quête de rédemption. Suite à l’acte radical d’une anonyme, ces trois destins, qui n’auraient jamais dû se croiser, vont se bousculer et s’entrechoquer. Ce récit va nous permettre d’observer le rouage judiciaire infernal pour les victimes de grands groupes. Notre spectateur se sent à leurs côtés et souffre en même temps qu’elles. L’émotion est très forte avec quelques scènes qui donnent des frissons. Il est vrai que tout ici s’inspire de nombreux scandales et procès contre les industries pharmaceutiques ou agro-alimentaires. Nous sommes au cœur d’une contestation. Rien ne nous est caché : les clauses de confidentialité pour faire taire les médecins indépendants, les sommes astronomiques versées ou l’intimidation développée pour décourager ceux qui osent parler, ce “pognon de dingue” en jeu derrière ces produits mauvais pour la santé et qu’on tente de faire passer comme inoffensifs, les dommages collatéraux et les morts passées sous silence… Tout cela est dense, riche en informations et demeure limpide et passionnant. Le réalisateur oppose deux modes de parole qui ne s’affrontent jamais directement : une parole vraie mais faible et sans relais et une parole truquée qui maîtrise les niveaux politiques et médiatiques. Au final, un excellent trio de comédiens pour un film passionnant.
Jean Segonne