
Marcel Julien, l’un de nos aînés, s’en est allé. Jeudi 28 avril, nous étions nombreux dans l’église paroissiale de Caunes pour lui rendre un dernier hommage. Adhérent aux premières heures d’Histoire et Généalogie en Minervois, il accepta le titre de vice-président puis de président et rayonna par sa sagesse et sa bienveillance. Féru d’histoire et de généalogie, il s’investit avec beaucoup d’énergie et de sobriété dans l’association afin de transmettre le savoir aux jeunes générations. Profondément humaniste, attentionné, passionné et épris de justice, ce vigneron du Minervois né à Caunes le 23 juillet 1925, promis à des études de magistrature, ce fils unique se retrouva, après la perte de son père à l’âge de 19 ans, obligé de prendre la relève pour mener avec sa mère les terres du domaine de Villerambert. Il épouse en 1949 Lucette, avec qui il formera toute sa vie un couple fusionnel, et le domaine prit un nouvel élan avec le pari d’un vin de qualité. Ce ne fut pas facile et Marcel travailla dur, juché sur son tracteur, pour développer l’exploitation. C’est dans les années 1970 que le choix de la mise en bouteille fut décidé, et Lucette devint, dans les années 1980, la commerciale de la maison.
L’amour de Marcel pour le patrimoine et sa conservation l’amena à partager ses connaissances au travers de différents articles dans HGM, se prolongeant par des anecdotes ou des histoires vécues, notamment pendant l’occupation allemande de 1942 à 1945. Des histoires plus ou moins douloureuses se greffant sur la “grande histoire” de France. Il n’hésita pas à offrir sa collection sur la vigne et le vin à la commune, dont une salle à l’écomusée “Marbre et Terroir”, ouvert en 2018, lui est consacrée. Son sourire et sa gentillesse, son calme et sa patience nous ont accompagné pendant 32 ans. Il restera un pilier de notre association. Il demeurera, pour notre équipe, ses amis et sa famille et pour tous ceux qui ont eu la chance de le croiser, un phare, un guide spirituel, qui avec ses talents d’écoute, devint pendant 25 ans visiteur de prison. “Les gars l’attendaient toutes les semaines avec impatience, devenu leur confident, comme on attend un père ou une mère, apportant une lueur d’espoir dans le monde carcéral. Pour rien au monde, il n’aurait manqué une visite.” Le regard qu’il portait sur la nature en faisait un homme averti et conscient de sa fragilité.
Il aimait me montrer, dans une des tours du château, les reines du ciel, regroupées en un imposant essaim, entre les volets et la fenêtre. Ces abeilles ont été pendant longtemps sa fierté et le trésor caché de Villerambert, libres d’aller à leur convenance, s’abreuvant à la fontaine dans la cour. Il les observait et leur tenait compagnie, peut-être lui ont-elles appris que sans les autres, nous ne sommes rien et que la vie est une construction de cire qu’il faut consolider tous les jours.
Virginie Pospisil Puente