Les 27, 28 et 29 mai derniers, la Farouche Compagnie a fêté ses dix années d’existence, et bien des réjouissances étaient au programme. Rencontre avec Sabrina Chézeau, fondatrice de la compagnie félinoise qui, depuis 10 ans, sillonne la France pour y jouer différents spectacles s’adressant à tous les publics.

Qu’est-ce qui fait l’essence de la Farouche Compagnie ?

Nos spectacles mêlent théâtre, récit et mouvement. Nous y racontons les relations de famille et les passions humaines au sein de notre communauté, les silences, les émotions et les injustices qui s'y nichent. La “révolution intérieure” est le combat en lequel croit la Farouche Compagnie : se mettre en mouvement pour que le monde bouge également. Nous sommes heureux de convier le public à fêter ici à Félines-Minervois, village qui nous a si bien accueillis et que nous portons dans notre cœur, ces dix années de joie !

Qui compose la Farouche Compagnie ?

Sur les précédentes créations, j'étais seule en scène mais là, je suis entourée de toute une équipe sans laquelle rien ne serait possible : Luigi Rignanese (co-écriture et mise en scène), Carmela Acuyo (chorégraphie), Mathieu Maisonneuve (création lumières et régie générale), Dominique Declercq (diffusion), Isabelle Cazien (administration), Anne Jourdain (communication), Nicolas Poirier (musicien). Sur la future création, nous serons deux sur le plateau : Guilhem Verger (musicien) et moi-même.

En quoi le Minervois est-il, pour toi, une source d’inspiration ?

Ce que je peux dire, c’est qu’à partir de mes lectures et collectages réalisés autour du thème que je choisis, je pars ensuite marcher pour rêver la nouvelle histoire à venir… J'ai sillonné les chemins de Félines, respirant la garrigue et les lumières du ciel, laissant mes images intérieures prendre chair. Ce n'est que dans un second temps que je retrouve le plateau des salles de théâtre. Mes deux derniers spectacles (Les souliers mouillés et L'audace du papillon), qui se joueront pour un public à partir de 10 ans, sont nés lors de ces marches.

Les 27, 28 et 29 mai ont également été inaugurés les Ateliers du Vivant. Quelles sont les raisons d'être et les objectifs, rêves, de ce nouveau lieu de création ?

Les Ateliers du Vivant, c’est un projet porté par Mathieu Maisonneuve. C'est un lieu de création destiné à accueillir des équipes artistiques de tout horizon pour leur permettre des conditions idéales à la création de leur spectacle. Bien sûr, notre compagnie utilise aussi ce lieu pour ses propres créations. C'est également un lieu de formation dans lequel des stages artistiques peuvent être proposés à destination de tous les publics.

Des créations y ont-elles déjà été réalisées ?

Nous faisions déjà depuis longtemps des accueils en résidence dans le village, mais nous souhaitions offrir aux équipes artistiques un lieu qui soit à la fois un lieu de répétition et d'hébergement. En échange, nous demandons aux compagnies qu'elles présentent leur travail en cours. Cela permet une véritable offre culturelle sur le village, comme cela a été le cas le dimanche 1er mai avec l'accueil d'un collectif de 17 danseurs, comédiens, musiciens qui ont joué une avant- première de leur pièce Le silence de nuit sur l'esplanade Louvière devant une centaine de spectateurs émus aux larmes. Chaque fois, il s'agit de partages intenses et riches en émotions entre villageois et artistes dans une grande simplicité. Les artistes sont souvent très heureux de travailler dans un tel contexte et de rencontrer un village si chaleureux.

Une programmation des Ateliers est-elle déjà en place ?

Nous réfléchissons en effet à une programmation culturelle plus régulière, au Cellier de Félines, en partenariat avec la mairie qui, d'ailleurs, est toujours d'un précieux soutien dans nos initiatives. C'est encore en construction.

Tu prépares un nouveau spectacle, qui porte provisoirement le (très beau) titre Une peau plus loin. Que souhaites tu en dire, à ce jour ?

La première du prochain spectacle Une peau plus loin aura lieu en octobre prochain, en Lozère. Nous serons donc deux au plateau, Guilhem Verger (musicien) et moi-même. Pour cette création, j'ai choisi de parler des petites violences ordinaires qu'on fait subir aux jeunes notamment. Celles qui passent souvent inaperçues parce que cela semble être “pour leur bien”. J'ai aussi choisi de faire le lien entre le traitement que nous avons de la Terre et celui que nous avons de la jeunesse.

Comment définirais tu ta démarche ? Si je comprends bien, pour tisser ton texte, tu t'appuies sur des paroles témoignages ?

Oui, c'est cela. J'ai récolté des paroles de jeunes dans des collèges et en école primaire (cycle 3). J'ai également nourri mon écriture de témoignages spontanés de parents, d'enfants, d'adultes se souvenant de leur enfance en ayant simplement au préalable partagé le thème sur lequel je travaillais. J'ai aussi rencontré des professionnels spécialisés dans la prévention des violences éducatives (psychologues, accompagnants en parentalité).

Peut-on dire que tu bâtis de l'extraordinaire à partir de récits collectés ?

Oui… Je crée ensuite une histoire fictive pleine de tous ces témoignages sans m'accrocher à aucun. Je cherche surtout la justesse des états. Je cherche aussi à trouver la distance tout en osant le plongeon. Le défi de la compagnie a toujours été celui de s'emparer de thèmes profonds et délicats et de les traiter avec humour et légèreté. Le rire et le langage du corps agissent alors comme de véritables “dé-tenseurs” qui permettent de se laisser traverser par d'intenses émotions.

Propos recueillis par Anouk Journo