L’humanité craint les catastrophes, mais une fois arrivées, la tendance est de ne plus y penser, à part quelques commémorations de temps en temps. Les humains aiment bien aussi mettre les problèmes non résolus « sous le tapis ». Ainsi en est-il des accidents nucléaires graves et de l’élimination des déchets radioactifs à très longue durée de vie. Mais des artistes, des journalistes et des veilleurs continuent de tirer la sonnette d’alarme.
Le documentaire en bande dessinée Un printemps à Tchernobyl, d’Emmanuel Lepage, auteur et dessinateur bien connu par la qualité de ses réalisations, aux éditions Futuropolis, nous raconte son exploration des terres interdites où rôde la mort, 22 ans après le plus grave accident nucléaire du XXe siècle en Ukraine à Tchernobyl (26 avril 1986). Les répercussions de cet évènement ne sont pas limitées à ce pays autocrate de l’Est. Et les sarcophages successifs qui recouvrent le cœur de la centrale seront à surveiller pendant des siècles. L’album est dans une tonalité de noir, blanc et sepia. Des « trouées de couleur » émaillent son récit - la nature reprenant ses droits sans se soucier de l’absence des populations - et le tout se lit de façon fluide.
Naoto Le gardien de Fukushima
Plus près de nous dans le temps, mais plus loin géographiquement, la catastrophe nucléaire de mars 2011 au Japon, pays technologiquement à la pointe, a inspiré deux créateurs - Fabien Grolleau et Ewen Blain – pour leur ouvrage Naoto Le gardien de Fukushima aux éditions Steinkiss. A la suite d’un tremblement de terre et d’un tsunami, la centrale située très près de la côte derrière sa digue de protection inopérante, a explosé. La zone radioactive autour des installations (toujours sous haute surveillance à l’heure actuelle) est évacuée, perdue pour l’être humain. Mais Naoto le fermier retourne chez lui, en bravant les interdictions et les dangers, pour ne pas laisser dépérir ses bêtes. Un récit très sensible et qui sonne juste, Naoto étant un personnage bien réel.
Cent mille ans Bure ou le scandale enfoui des déchets nucléaires
Il s'agit d’une enquête implacable des journalistes Pierre Bonneau et Gaspard d’Allens, mise en images par l’illustratrice Cécile Guillard. Un petit village de Meuse sans carte postale connue et sans histoire, à Bure, 85 000 mètres cubes de déchets radioactifs doivent être enfouis à 500 mètres sous terre pour y passer les cent mille ans à venir. L’enjeu est colossal et donc ce projet doit aboutir, de gré ou de force. Les millions d’euros distribués sur le territoire - destinés à faire taire toute contestation - n’ont pas suffit : la lutte continue malgré la répression. Les informations des journalistes ont été vérifiées. L’ouvrage a pour titre, Cent mille ans Bure ou le scandale enfoui des déchets nucléaires. Il émane de la collection La revue dessinée publiée par Seuil éditeur.
Christiane Lehmann