
Rideau ! Enfin, presque… La campagne minervoise est à l’image de ce rideau de fer qui obture l’entrée du bar-resto du hameau de Cabezac : tiré jusqu’en bas, mais avec en son milieu une drôle d’affichette qui annonce « ouvert », et une flèche, qui guide l’acheteur de cigarettes vers un petit comptoir sur le côté.
Oui, la vie est là, qui s’excuse presque de révéler sa présence au grand jour. À la supérette de Bize, un homme dans la soixantaine avance sa tête derrière la « ligne de démarcation » de l’entrée, avise la caissière derrière son masque, seule dans la boutique : « je peux rentrer », demande-t-il ?
En ce lundi 20 avril, les humains se font timides, silencieux, comme au diapason des oiseaux qui ont rangé leurs chants printaniers pour mieux écouter la pluie. Sur le bord des routes, la nature « explose » en couleurs : rouges coquelicots et jaunes boutons d’or font paraître d’autant plus vertes toutes ces herbes que l’homme ne se sent obligé de devoir éradiquer. Des traces suspectes d’herbes orangées, dans des vignes ou des bordures de jardin, montrent cependant que le virus n’a pas complètement « tué » les usages de ces produits dont les noms finissent par le suffixe « cide ».
Nourritures humaines
La mort rode mais, jusqu’ici, le coronavirus semble épargner la population du Minervois, y compris ses personnes âgées, les plus fragiles. Au Portanel, la maison de retraite de Saint-Marcel, il n’y a eu pour le moment aucun cas de contagion parmi les quelque quarante résidents. Avec l’autorisation gouvernementale de dimanche, le personnel soignant se prépare à accueillir à nouveau les familles dans la semaine. « Après plus d’un mois de confinement, les personnes âgées se languissent de leurs familles », me dit une cadre. Elle pense qu’une quinzaine de résidents sont en capacité d’exprimer leur souhait de revoir leurs enfants ou petits-enfants.
Nourrir les personnes âgées, de sa présence et de ses petits plats, c’est actuellement la raison de vivre de Jeannette, à Aigues-Vives. Dans le village héraultais, son petit restaurant est depuis des années un lieu de rencontre autour de la culture locale. Elle me montre les affiches des concerts qui s’y sont déroulés, ou terminés : La Varda, La Mal coiffée… « Ça, c’était la vie d’avant », me dit-elle en souriant.
Il est bientôt midi. Les cinq ou six tables de son restaurant sont vides et elles le resteront. Mais Jeannette s’apprête à livrer à domicile le cassoulet qu’elle prépare depuis la veille. Depuis plusieurs semaines, elle a huit clients : des personnes âgées, seules ou en couple, qui sont confinées chez elles à Aigues-Vives ou La Caunette, le village voisin. Elle sera sans nul doute leur rayon de soleil de la journée. C’était bien, « Chez Jeannette ». Et on y retournera, pas pour parler du passé, mais de la vie d’après…
Franck Turlan