Et si, le temps passant, cette menaçante “serrade” se mettait à rimer joyeusement avec balade, si les humeurs noires devenaient bonnes et qu’au pré carré de Vauban fleurissait un jardin de loisirs et de quiétude… telle la métamorphose d’un lieu du port de Sète.

Dans la tourmente des mois écoulés, nous avons consacré plusieurs chroniques au fil d’une eau troublée par l’écho de cette pandémie accablante, nous rappelant pourtant, sous les affres de la peste, du choléra et de bien d’autres maux, que, de restrictions en quarantaines et de maladreries en lazarets, se révélèrent tant la solidarité que l’ingéniosité, en résilience à cette adversité récurrente. Et c’est sur une de ces pistes réconfortantes que nous avons découvert un chemin menant aux portes du lazaret de Sète… et des vacances !
Aux origines du premier hôpital...

C’est en 1423 que le sénat de la République de Venise décida de choisir, sur la lagune centrale, les deux hectares de l’île dédiée à Santa Maria di Nazareth pour établir le “premier hôpital au monde” consacré à l’isolement et aux soins des malades de la peste. L’établissement, nommé le “Lazzaretto Vecchio”, allait ainsi se distinguer des autres lazaretti nuovi qui se créeront ensuite et ne serviront qu’à l’isolement, seul moyen paraissant quelque peu efficace dans la lutte contre les épidémies. Des fouilles archéologiques ont révélé l’existence de fosses communes de plusieurs milliers de sépultures correspondant aux assauts de la peste du XVIe au XVIIe siècle. Dès lors, l’Europe entière, si régulièrement affligée par des épidémies dévastatrices, va mettre en place ce type de structure. Peu cependant y prodigueront réellement des soins, le but premier étant d’être efficace pour éviter la contagion par le contact en écartant tout élément suspect, bateaux, cargaison, bêtes… et hommes !
… et de bureaux sanitaires

Comme nous l’avons largement commenté précédemment, lorsque la peste vint par la mer menacer les portes du Languedoc, des bureaux de contrôle sanitaire des voyageurs et des marchandises s’organisèrent aux lieux stratégiques des entrées, notamment dans les ports. Et il en fut ainsi de Sète (Cette) qui, depuis la pose de la première pierre de son grand môle Saint-Louis en juillet 1666, vit croître ses activités. Le Lazaret de Sète eut donc toutes les raisons d’exister.
Des négociants philanthropes

C’est à partir de ce lieu au passé douloureux, qu’au XIXe siècle, en 1865 exactement, face à la Corniche et précisément sur la pointe de ce Lazaret isolé, l’importante communauté protestante de la ville va créer un lieu d’accueil et de convalescence pour des patients peu fortunés, voire indigents. L’époque est celle d’une bourgeoisie paternaliste et bienveillante, et, au port, nombreux sont les riches négociants en vin. Ils se retrouvent le dimanche au temple, soutiennent les actions de l’Armée du Salut, fidèles aux principes humanistes et philanthropiques de leur religion. Le pasteur Lucien Benoît, à l’origine de la création du centre du Lazaret, n’aura donc aucun mal à les convaincre de le suivre.
La “balnéo” accessible à tous

En cette moitié du XIXe siècle, Sète est alors déjà réputée pour les bienfaits de son eau de mer sur la tuberculose, le rachitisme ou encore l'anémie. En réalité, une vingtaine d’années avant la création du Lazaret par l’Église réformée, deux autres établissements de bains existaient déjà dans la ville. Si ils ont aujourd’hui disparu, ils participèrent aussi aux prémices d’une balnéothérapie nommée “balnéation maritime”. Ces soins étaient alors prescrits en cures de bains complets, en simples douches ou en longues promenades sur la plage, suivant les affections et sous surveillance médicale. Les enfants accueillis au Lazaret étaient ainsi suivis et des relevés témoignent d’une augmentation du poids et de la taille durant leur séjour. En 1880, la communauté catholique des Sœurs de Saint-Vincent-de-Paul allait elle aussi ouvrir un établissement dans la ville.
Le plus vieux village de vacances de France
Aujourd’hui, même si la clientèle protestante ne représente plus que 20 % de l’ensemble de ses hôtes, le Lazaret de Sète appartient toujours à l'église réformée et a toute sa place dans le tourisme familial de la côte. Il est considéré comme le plus ancien village de vacances de France. Après avoir hébergé des enfants de parents républicains espagnols, avoir servi d’hôpital durant la guerre 14-18 et avoir participé aux actions en faveur des congés payés, depuis sa création, la structure a conservé sa philosophie de tourisme solidaire, social et convivial.
Véronique Herman