Le village de Minerve est en deuil ; il a perdu un ami et l’un de ses plus fervents ambassadeurs, Jean-Luc Séverac.

L’intérêt de Jean-Luc Séverac pour l’archéologie, la géologie, l’histoire et particulièrement la période cathare, l’art, la culture occitane et son désir de le partager a grandement participé à l’ouverture du village sur le monde. Originaire de Capestang, il a connu Minerve grâce à sa grand-mère qui l’amenait à vélo alors qu’il était tout petit. Il a follement aimé ce village sans jamais s’en lasser, lui a donné une âme, une histoire, un patrimoine culturel et artistique, dont la Colombe de Lumière connue dans le monde entier. Il tire hélas son ultime révérence à l’âge de 85 ans, mais laisse derrière lui un riche héritage culturel et patrimonial que la génération actuelle doit consacrer.
Retenu par deux amours, sa future épouse et Minerve
Au bal de la Saint-Étienne, en 1960, au café de la Place, Jean-Luc, qui vivait déjà à Minerve par attachement à ce lieu, et une jeune fille du village, Mimi, sa future épouse et sa muse, dansent ensemble pour la première fois. Ils se sont mariés un an plus tard, ont donné naissance à deux enfants, Guilhem, disparu précocement et Magali, la maman de leur petit-fils. Issus de milieux éloignés, artistique pour Jean-Luc (danse et musique), agricole pour Mimi (ses parents étaient vignerons), les tourtereaux s’engageront dans une belle aventure en créant, en 1963, un atelier-galerie au village.
Le mal du pays, la clairvoyance, le patrimoine

Les jeunes mariés partent dans la Creuse, Jean-Luc y exerce le métier de professeur de dessin. Le mal du pays s’est vite fait sentir et les voilà revenus à Minerve. Jean-Luc, fervent amoureux du village, ne cessera, tout au long de sa vie, de mettre en valeur le patrimoine environnant avec passion et clairvoyance. Il fut à l’origine du syndicat d’initiative, du Musée d’archéologie, fut créateur du groupe artistique de Minerve, participa à plusieurs émissions télévisées, fut conseiller municipal. Tout cela sans se détourner un seul instant de son art. Le couple a vécu mai 68 à Minerve avec les chanteurs occitans, plus tard avec le festival Léon Cordes. Il coédite aussi un livre de poésie avec Léon Cordes, dont Jean-Luc est le dessinateur. Plus tard il publiera De roc en buis, consacré aux sculptures qui sont à découvrir dans le village, puis Entrebecs et cançons, coédité avec Gérard Zuchetto aux éditions Troba Vox, un entrelacement entre la poésie, la gravure et la culture occitane. Les poèmes de Gérard, ami de longue date, sont créés à partir des gravures de Jean-Luc, qui est aussi à l’origine de l’actuel festival de calligraphie et de gravure présenté par l’association des Photographes Voyageurs. Sans oublier sa contribution à L’écho des Corbières (journal viticole). Avant de vivre de son art, Jean-Luc fut aussi vigneron.
Jean-Luc et son art
Jean-Luc est adepte de l’art roman, ses premières sculptures en sont inspirées. Son art n’a pas cessé de s’enrichir de nouvelles techniques, telles la sculpture sur galets de rivière, les compositions, avec comme matériaux de prédilection ceux trouvés localement : marbre, aragonite, bois flottés des rivières, mais aussi de matériaux composites, fruits de ses recherches. De ces matériaux sont nés de nombreuses sculptures, mais aussi des peintures alliant plusieurs techniques. Jean-Luc était en perpétuelle recherche, toujours passionné. Quand les tourments de la vie sont venus, il s’est dirigé vers la gravure, qu'il réalisait à partir de polystyrène, une technique qu’il a inventé et qui ne nécessite ni presse ni acide. Cela lui a permis de continuer ses travaux graphiques et techniques. Une de ses dernières expositions se déroulait au CIRDOC à Béziers, avec la complicité de son ami Gérard Zuchetto, mêlant les écrits poétiques de ce dernier avec les gravures et les sculptures de Jean-Luc, qui fut toujours inspiré par la culture et l’amour de son pays. Jusqu'à ses derniers moments, il dira de son village : “J’en fais tous les jours le tour et je ne m'en lasse pas, je me régale”.

La Colombe de Lumière
Une de ses œuvres les plus connues, connue mondialement même, est la Colombe de Lumière, située sur le parvis de l’église. C’est une œuvre de paix et de pardon, dédiée aux cathares avec l’inscription : “ALS CATARS 1210”. Elle n’est pas de matière mais de lumière, la seule façon pour l’auteur de représenter les cathares étant l’absence de matière. “Les cathares étaient des êtres d’esprit, j'ai donc voulu travailler la lumière et que le soleil se couche sur cette lumière. La colombe n’est pas un symbole cathare mais c’est ainsi que j’ai pensé ma sculpture et je reconnais que je l’ai bien réussie”, nous confiait Jean-Luc il y a un an. L’été, l’ombre de la pierre se projette sur l’église, la colombe reste lumière.
Anne Pech-Lafitte
Toute l'équipe de la Semaine du Minervois adresse leurs très sincères condoléances à sa famille.
Hommages :
Perte d’un ami et d’un acteur de la cause occitane
L’artiste Jean-Luc Séverac a été enterré à Minerve ce lundi 31 janvier. Sa sculpture la plus connue est bien évidemment cette colombe dédiée als catars. Il expliquait : “C’est une sculpture de lumière, un signe solaire, un monument de la paix. La lumière, le soleil et la paix sont les forces que le catharisme voulait représenter. Les cathares s’étaient élevés au-dessus de la matière. Voilà pourquoi je n’ai pas fait une colombe de pierre, mais une colombe de lumière. La lumière, c’est-à-dire l’absence de matière, est la seule chose qui puisse symboliser le catharisme.” Il avait également offert un Christ de buis à l’église de Minerve. Né à Capestang (le 16 novembre 1936), il était tout à la fois peintre, graveur et sculpteur. Avec son épouse Marie-Thérèse, fille du village, ils transformèrent leur maison en centre d’art Sant Rustic pour présenter leurs œuvres. Artiste reconnu, il exposa en de nombreux lieux, petits et grands : Paris, Cannes, Guéret, Fontrevaud, Carcassonne, Pézenas, Béziers, Mayronnes, Caunes, Paraza… En 1974, il illustra Le petit livre de Minerve d’un autre enfant du pays minervois, Leon Còrdas. En 2018, c’est le livre de poèmes de Gérard Zuchetto, Entrebèscs e cançons (éd. Troba Vox) qu’il illustre. Les deux amis présentèrent plusieurs fois l’œuvre commune, comme au CIRDÒC (novembre 2018) ou à l’Ostal Sirventés (Carcassonne, févrièr 2020). Malade, l’artiste invente une technique de gravure lui demandant moins d’efforts physiques pour poursuivre sa volonté permanente de création.
Tout artiste porte en lui une part d’universel ; Jean-Luc Séverac y rajoutait tout naturellement un attachement indéfectible à la terre d’Oc": “L'IEO d'Aude saluda la memòria e las òbras d'un grand amic del moviment occitan, d'un grand artista e d'un òme d'Òc, amb tota nòstra simpatia pels amics e la familha.”
Alan Roch
L’association Menerbés communique
Notre président d'honneur, Jean-Luc Séverac, vient de nous quitter. C'était un grand artiste et un homme animé d'une vraie passion pour Minerve et son patrimoine. Rien ne le symbolise mieux que l’œuvre qui l'associe au village pour toujours, la Colombe de Lumière qui exalte le sacrifice des cathares qui ont péri sur le bûcher en 1210. L'artiste et son œuvre sont emblématiques de Minerve.
Jean-Luc fut l'un des fondateurs du musée de Minerve, avec passion il partait à la recherche du moindre vestige pour l'enrichir. C'est ainsi qu'il découvrit l'une des plus belles pièces du musée actuel : une épingle cruciforme trouvée au dolmen des Lacs. En tant qu'élu au conseil municipal, il a toujours défendu le musée et le patrimoine avec ardeur. Il fallait entendre avec quelle passion il se remémorait encore ces derniers mois les joutes qu'il avait soutenues au conseil municipal de son temps pour soutenir le musée ! C'est avec gentillesse qu'il avait accepté en mai 2017 la présidence d'honneur de notre association, nous considérant en quelque sorte comme ses continuateurs dans ce domaine. L’association Menerbés vous convie à retrouver Jean-Luc raconter avec chaleur l’épopée des origines du musée de Minerve dans un petit film tourné il y a 3 ans, que vous trouverez sur le site association-menerbes.fr, rubrique “actualités”, “In memoriam Jean-Luc Séverac”.