La Semaine du Minervois

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Chronique au fil de l’eau : dans les parfums des limbes des ladres, pauvres bougres ou grigous bien nantis…

22 octobre 2021 By Redaction

Voyage entre les mots et les lieux, aux portes des enfers qu’ouvrent tant les tourments des épidémies que ceux des tribulations venteuses de la spéculation. Comment se prémunir ou guérir de ces maux du corps et de l’esprit aussi funestes et néfastes les uns que les autres.

Suite à nos précédentes chroniques à propos de l’épidémie de peste « de Marseille » qui, dès 1720, amena Sète, Agde ou encore Narbonne à régenter la circulation des bateaux, des marchandises et des hommes, replaçons-nous dans ce contexte des précautions sanitaires prises sur le Canal Royal du Languedoc. Ainsi les archives des Voies Navigables de France nous montrent que l’émoi face à la propagation du terrible mal, qui, en Provence, à son sommet terrassa plus de 1000 pauvres humains démunis, se manifesta également à l’intérieur de notre Province.

Serrade protectrice des hommes et des biens carcassonnais

La cité n’est pas encore desservie par le « Canal des Deux Mers » et les consuls de la ville doivent sans doute se réjouir en cette sinistre époque d’avoir refusé de financer les travaux de la grande œuvre de Riquet. Les va-et-vient des barques n’auraient pu être qu’un risque augmenté de la contamination. Mais le souvenir de la peste qui, au XIVe siècle, décima la population est dans les mémoires. Ils se méfient car la voie d’eau est proche (aujourd'hui, elle correspondrait à la rocade ouest de la ville). Un port d’embarquement de marchandises a été construit. Il se trouve à peine à trois bons kilomètres du centre de Carcassonne. Depuis 1684, Il sert de relai au commerce grâce à une « voiture » qui, matin et soir, assure le service avec la ville… Et il est vrai que ce lien avec le canal apporte un bien bel essor au négoce! Mais sous la pression des autorités, les administrateurs du canal vont prendre des mesures de police, obligeant à la « serrade » de quarante jours toute barque non munie du certificat da santé fourni par les instances du port d’embarquement de départ et visé par 3 bureaux de santés des villes de passage. Personnes et chargements y sont contraints. Une ordonnance du 3 octobre 1720 par le subdélégué de l’intendant à Carcassonne montre la consignation de « balles de laine et autres marchandises venant de Marseille ou de la voiturée, dans la masure appelée Demieud après l’écluse de Foucaud » (vestiges aujourd’hui disparus ndlr). Les colis vont être ainsi déballés, dans ce bureau de santé, sorte de Lazaret, en présence des propriétaires, pour y faire quarantaine, (supposés hommes et biens), très certainement, sous l’œil scrutateur de l’éclusier et sous la protection de gardiens. Ces derniers désignés également à « soigner », « aux dépens des dits propriétaires », à restituer puis libérer après quarantaine devaient aussi « se parfumer » à la diligence attentive des consuls.

Les parfums et l’hygiène publique

Lors que l’on ignorait encore qu’il se fallait avant tout se prémunir des puces, vecteur de cette fameuse peste, « se parfumer » était le principal remède hérité des temps anciens contre la maladie et autres terribles maux. « L‘odeur pestilentielle de la mort » est « ce mauvais air qui propage les miasmes et contamine » dit-on. Dans l’ensemble des villes et les villages, on procède à des fumigations avec des herbes aromatiques. Thym, Romarin, ail, cannelle, anis et encens sont les principaux composants de ces « cuissons à l’étouffée » qui embaument rues et ruelles. L'hygiène publique pose là ses premiers pas. Il est encore imposé d’ôter les fumiers des devant de portes, de balayer les rues, de ne plus jeter ses immondices ni de vider son pot d’excréments par les fenêtres, de ne plus écorcher les bonnes viandes (qui ne proviendront plus de Provence) sur l’espace publique, d’éloigner les offices du boucher et du poissonnier et de les installer en dehors de la ville qui devra être nettoyée. Toulouse et Narbonne mettront en place leurs premiers plans de salubrité publique, non sans mal, mais qui se développeront au cours du siècle avec le pavage des rues, la gestion de l’eau potable et de l’enlèvement des immondices... souvent contrés par l’augmentation de la fiscalité urbaine. Quant aux parfums du corps celui très « en vogue » pour s’en enduire la peau, se nomme le « Vinaigre des 4 voleurs » dans lequel Rue, Romarin, Absinthe, Menthe et Camphre ont infusé durant… 40 jours! Cette macération évoque l’histoire de 4 voleurs bien parfumés du dit breuvage, pénétrant chez des pestiférés et les dépouillant sans risque. Il est question aussi de la Thériaque héritée de l’Antiquité et inspirée du contrepoison de Mithridate qui, remise au « goût » du jour dans la pharmacie des monastères, compte dans sa préparation des variantes allant jusqu'à 87 plantes aromatiques.

Ladres et Lazeret

L'effondrement en 1720 du système développé par l'Ecossais John Law (Il recommande l'utilisation de papier-monnaie plutôt que de monnaie metal, le papier monnaie ayant l'avantage de circuler facilement entre les individus et c'est cette circulation qui crée la richesse réelle d'une économie), c'est une crise économique, la France perd la Louisiane, gravure --- 1720 : collapse of law system in France (use of paper money instead of coins) : economical crisis, France is losing Louisiana, engraving

Cette évocation des parfums rappelle les masques des médecins habillés d’une cuirasse de cuir protectrice, le maroquin qui fut éponyme de ces docteurs de la peste, et portant, comme les premiers « médecins becs » à tête de corbeau du XIVe siècle, ce grand appendice nasal rempli de substances aromatiques. Celles-ci devaient protéger mais surtout aider à supporter les « mauvais airs ». Et notre « maroquin » d’ajouter encore de l’ail et de la rue dans sa bouche, de l’encens dans son nez et ses oreilles, tout en portant « bésicles ». Dans cet accoutrement il se rendait dans les lieux ventilés, « hors des murs », là où les pestiférés et les présumés contaminés étaient isolés… Autre héritage du Moyen Âge remémorant les maladreries où jadis les lépreux étaient reclus, et qui, avec la peste, se nommèrent généralement les « Lazarets », ceux qui servirent avant tout de quarantaine pour toute personne ou marchandises suspect. Et l’étymologie fait la boucle puisque le lépreux n’était autre que celui désigné par le mot ladre issu de Lazre, détournement du nom de ce pauvre Lázare couvert d’ulcère et dont la maladie fut assimilée à la lèpre lorsque, par « pathologie verbale » comme le dit Littré, l’accent se fondit au nom pour en faire un mot commun. Si nous avons déjà vu que le Lazaret a trouvé son origine également avec Lazare, voilà qu’en retrouvant notre ladre de Lázare à la porte du mauvais riche, insensible à la détresse du malheureux, ladre change de signification et passe du côté « obscure » de la morale… devenant l’avare, celui des sentiments de pitié, de générosité et de ses biens !

Autre mal autres ladres

Et de l’avare tant préoccupé par ses richesses naît cette bulle spéculative qui provoqua au même moment que l’épidémie de peste, une crise financière et la première réelle panique boursière. Louis XIV vient à peine de quitter son royaume et la lumière de son soleil s’est éteint au ciel de France où une banqueroute se profile (également aux Pays-Bas et en L’Angleterre). Un Écossais du nom de John Law, a persuadé le régent, Philippe d’Orléans, dont il a acquis toute la confiance, de suivre dès 1719 un nouveau système bancaire sur base d’une banque royale « générale », dont seul l’État en détient les actions. Les dettes laissées par les guerres sous Louis XIV sont à « éponger ». Le procéder semble fiable. Comme « deuxième pilier » de ce système, Law a fondé La Compagnie d’Occident, ou Compagnie du Mississippi. Avec pour base la colonisation de la Louisiane en monopole, la spéculation fait monter des actions qui se négocient très rapidement à prix d’or. L’Ecossais est fin stratège. Il absorbe ses concurrents et la Compagnie devient celle des Indes. Les cours s’affolent. Law lance un emprunt. Les émissions de papier-monnaie inondent la finance tout en créant la baisse des taux d’intérêts. Aristocrates et nantis, paysans et modestes artisans, gens du peuple, de la ville et des campagnes, tous entrent dans cette bulle spéculative. Ils misent leurs biens les plus chers sur des dividendes bien trop fragiles… Et en 1720 le système s’écroule. Des émeutes qui feront plusieurs morts ont lieu aux bureaux de la compagnie et Law ne peut endiguer l’hémorragie… la fièvre, le désespoir, la détresse et le mal qui atteint ce monde qui a misé et tout perdu. Et c’est ainsi que parmi les ladres de toute espèce, cette « autre maladie » s’est ajoutée aux maux du XVIIIe siècle naissant.

Véronique Herman

Classé sous :Actualités Balisé avec :canal du Midi, chronique au fil de l'eau, ladres, lazeret, maroquin, parfums, peste, Serrade

Chronique au fil de l’eau : mais quand finiras-tu donc ? Ô temps de la serrade!

15 octobre 2021 By Redaction

Portes et ventaux « serrés », ports et canaux entravés : sur la côte comme dans les terres, à la ville comme à la campagne, quand vient le temps des épidémies, chemins et lieux se ferment. Chacune de ces calamités rythme les vies qu’elle assujettit au bien du peuple, à sa santé et à l’économie. Face à la mort, les gens, d’abord terrifiés, se terrent, ensuite se méfient puis s’habituent et se regimbent alors que la peur s’estompe.

Agde quai du Grau, 1912

Nous vous avions donc laissés la semaine dernière, en l’an 1722, derrière les portes fermées d’Agde toujours sous le joug des mesures de précautions sanitaires requises contre la propagation de la peste. Cela fait pourtant quasi un an que les Marseillais ont célébré la fin de l’épidémie et loué, face à cette crise, le remarquable dévouement de leur évêque, Monseigneur de Belsunce. À Toulon, la fin de ce qui est alors nommé la « serrade » dans tout le Midi, « enfermant » les populations dans le carcan de ces multiples contraintes, la fête a également battu son plein en août 1721 et, signe des temps, des mariages sont à nouveau bénis! Mais les consuls agathois ne peuvent se décider à lever les astreintes. Les 100.000 morts que compta la Provence restent dans les mémoires et la province dans son ensemble est craintive. Quelques mois auparavant, malgré les attentions sévères, la terrible maladie est parvenue dans le Haut Languedoc, atteignant Marvejols puis Mende. Bien qu’un cordon sanitaire ait été mis en place durant l’été afin de bloquer tout le Gévaudan, le Velay et une partie du Vivarais, le 9 septembre la peste est arrivée à Ales.

Des lazarets pour marchandises et équipages

Que ce soit à Agde mais aussi à Sète, portes maritimes ouvertes sur le Languedoc, il est bien difficile de faire fi du danger. Aux écluses, notamment à celle de Bagnas, premier ouvrage à chambre unique du Canal des deux Mers après Sète, gardes et éclusiers ont toujours ordre de contrôler le trafic des bateaux. Comme au port, toute leur attention porte sur les balles de marchandises, particulièrement celles de laines, d’étoffes, de cuirs et de cotons. Elles sont toujours inspectées minutieusement, plus spécialement celles qui proviennent de la cité phocéenne ou qui y ont séjourné. L’intendant d’Agde va ordonner la construction au Grau d’un lieu pour accueillir hommes et chargements jugés suspects. Le port de Sète en fera de même. Reprenant le concept des maladreries de jadis, ces endroits seront nommés « lazarets » en référence au lazaretto vénitien (allégorie à Nazareth et Lazare). Mais tout ce qui pourra malgré tout transiter par le canal et partir vers Toulouse devra, quoi qu’il advienne, effectuer une quarantaine à Béziers. A Narbonne un « bureau de santé » surveillera également les bateaux qui, évitant les contrôles de Sète et Agde, viennent s’amarrer pour y faire commerce de leurs chargements.

Raison et pondération

Détail d'une toile de Joseph Vernet de l'intérieur du port de Marseille, 1754

Outre l’impossibilité de circuler de façon « habituelle », d’aller aux champs et aux vignes pour cultiver, il faut subir l’interdiction des marchés et des foires. Même la très célèbre « Madeleine de Beaucaire » n’aura pas lieu. C’est pourtant un événement que chacun attend avec impatience, une belle opportunité pour vendre sa production, d’y faire les achats de l’année mais aussi de s’amuser, de boire et de manger. Les barques de patrons descendants les marchandises qui doivent ensuite y être acheminées, ne viendront pas. Il faut dire que ce grand rassemblement de marchands fut la destination des étoffes de soie du Saint-Antoine, ce bateau qui amena la peste à Marseille ! La situation devient dès lors absolument difficile pour toute la population, privée de divertissements et d’activités mais surtout, en toute première nécessité, qui ne parvient plus à se nourrir. Plus encore, les mesures financières engendrées par ce malheureux système de « Law » (sur lequel nous reviendrons plus tard), destiné à résoudre la dette « royale » par la spéculation et les premiers « titres boursiers », vient bousculer les équilibres, entraînant l’augmentation des prix et les difficultés du négoce. La colère gronde au fond des chaumières, dans les boutiques vides et dans les ateliers. Ainsi, malgré une nouvelle vague de peste, certes beaucoup moins dévastatrice, mais qui touche à nouveau Marseille entre avril et juillet 1722, Agde et Sète vont relâcher progressivement l’étau. Le peuple est au bord de la révolte et si le gouverneur et l’intendant du royaume recommandent la prudence et même la méfiance, il faut éviter l’insurrection. Les moissons puis les vendanges sont donc autorisées. Chacun respecte les règles des « bulletins de santé » et des laissez-passer qui sont de plus en plus aisés à obtenir. Aux ventaux des écluses la surveillance devient lentement moins soutenue.

Petite échappée en cette « serrade »

Le serre de Ferran vers le pic de Bugarach

Vous l’aurez compris ce terme de « serrade », particulièrement employé au XVIIIe siècle lorsque la nouvelle offensive de la peste arriva depuis le port de Marseille, pourrait être le synonyme de confinement alors qu’il englobe également toutes les mesures de précautions sanitaires que chaque situation impose. Ses origines et usages sont en effet bien signifiants. Le mot, aux variantes de « serrada », « sarrade » ou « sarrada », est typiquement languedocien. Son étymologie nous mène au latin « serrare » soit «serrer » dans le sens « fermer », comme il est fait avec une clef dans une serrure dont le mécanisme dentelé nous rappelle la scie mais aussi le verrou, cette barre dite « sera », qui, glissée derrière la porte la barricade et protège la maisonnée des dangers extérieurs. C’est encore la notion de « serrer » quelqu’un ou quelque chose qui apparaît, soit « attraper et ne pas laisser s’échapper » avec son contraire lorsque l’on « serre ses bagages » et que l’on s’esquive et s’éloigne en un long voyage. Par ailleurs nous ne ferons aucun commentaire sur l’expression « serrer le nœud » qui, au XVIIe siècle signifia « se marier » (petite évocation amusante au « nœud de l’aiguillette ») Nous terminerons par la topographie régionale de « serre(s) », expliquée par Yves Séguier dans sa chronique « toponimia d’aquí », désignant une petite colline allongée et qui nomme des domaines ou des hameaux… « Terres argilo-calcaires des coteaux arides des "Serres", ces reliefs typiques du Minervois balayés par le Cers, le Marin et la Tramontane, créateurs de la richesse des plus beaux « Millésimes du Vent » (AOP à Ventenac-en-Minervois).

Ainsi donc à toute période de « serrade » il faut une fin, réclamée par tous. La difficulté des pouvoirs en place étant de définir le bon moment pour « desserrer » l’étau, prendre la juste mesure des risques et ouvrir les venteaux pour qu’à nouveau se régulent les flux et reprenne le cours « normal » de l’eau … et de la vie.

Véronique Herman

Classé sous :Actualités Balisé avec :canal du Midi, chronique au fil de l'eau, lazarets, Marseille, Serrade

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