La Semaine du Minervois

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Chronique au fil de l’eau : araignée… ou papillon ? Quel étrange fil pour un roi !

23 juillet 2021 By Redaction

Pour ce souverain qui appréciait tant les belles étoffes, chacun imagina comment faire de la soie et rayonner avec son Roi Soleil. Avec ce monarque qui voulait tant d’admirables choses, dignes de « l’Art de vivre à la française » et de la prospérité de son Royaume, fleurirent initiatives et manufactures comme autant de mûriers à planter pour nourrir un destin soyeux. Dans cette histoire de la sériciculture en France, Louis XIV est en réalité en parfaite continuité avec les souverains qui l’ont précédé, déjà tant préoccupés à limiter les coûteuses importations de la précieuse étoffe et à développer sa production nationale.

Économie de marché pour une ruralité

Ce Bombyx mori au "magnan" si gourmand

Comme nous l’avons vu précédemment, la sériciculture s’est implantée dans la France rurale dès la fin du XIIIème siècle, en Provence et en Languedoc où, dans certains villages, la mémoire des magnaneries est toujours présente. Aux pieds des Pyrénées dans le Roussillon tout comme dans les Cévennes, régions alors relativement épargnées par les conflits que provoque la croisade contre les Albigeois, d’habiles « trahandiers », « tireurs » de cette soie à dévider et à filer, se forgent un nom. Ils s’enrichissent et, à partir de cette nouvelle production agricole, posent les premières bases d’une réelle économie de marché. Celle-ci commence par la vente des « graines » au poids sachant que 2000 œufs de bombyx font 1 gramme et qu’il suffit d’une dizaine pour démarrer un élevage. Elle se poursuit par le négoce des cocons faits de cette soie à dévider et à filer, environ 1000 mètres par cocon, pour se terminer par le tissage des beaux draps que les marchands présenteront aux foires. Cela sans considérer le négoce des «meurières», ces pépinières ou mûreraies qui fournissent les plants du mûrier nourricier.

Aux soins des « mères porteuses »

Quand la nature crée ses oeuvres - l'épeire diadème et sa toile

« L’animal » se prête parfaitement aux manipulations du commerce durant sa « diapause », latence à l’état d’œuf qui se prolonge environ quatre mois tant que la température ne dépasse pas 22°c. Pour que ces « graines » éclosent dans les meilleures conditions, à une chaleur constante et humide et donc à la température de 23 °c, quoi de plus doux et chaud que le giron, le corsage ou le dessous des jupes des « magnarelles ». Ce sont en effet des femmes qui vont « couver » les précieux « bébés». Placés dans des petits sacs de toile, les « nouets », les œufs se promènent ainsi tout contre leurs « mères porteuses » durant près de quinze jours avant de naître. Et pour en produire plus encore, certains se retrouveront au fond des lits, chauffés la nuit par les enfants endormis et par des bouillottes le jour. Quand enfin ils éclosent, le pouponnage commence sous 17°c constants, dans des paniers placés sur les claies de la magnanerie. Et il faut nourrir tout ce beau monde. Travail consciencieux farouchement détenu par les éducatrices qui ne laisseront personne surveiller ces pantagruéliques et bruyants petits goinfres, les « magnans », ingurgiter des repas, réitérés quatre à cinq fois par jour. Les hommes eux se chargent de fournir la nourriture : de copieuses brassées de feuillage vert fraîchement coupé sur les mûriers. Et il en faut ! Car par mois, les deux mille vers issus du gramme de graines acheté, en mangeront chacun 25 kg. Or chaque famille, pour s’assurer un bon revenu en possédait généralement plusieurs centaines de milliers…

Sous les conseils d’un Huguenot

Le mûrier platane n'est pas un mûrier nourricier pour le bombyx, son nom garde cependant une trace de la mémoire des nombreuses plantations de "l'arbre d'or" lors de la "folie du mûrier" au XVIIIème siècle

Dans la trame de cette page d’histoire il nous faut faire mention de l’un de ses fils essentiels en citant le nom d’Olivier de Serres (1539-1619) considéré comme l’un des grands initiateurs de la sériciculture en France. L’entreprise n’est pas simple et cet agronome huguenot, historiographe d’Henri IV, va écrire “Le Théâtre d’Agriculture et Ménage des Champs” où il traite en détails de “La cueillette de la soie par la nourriture des vers qui la font”. Il y décrit également tous les soins méticuleux à donner aux mûriers blancs, celui dont les feuilles glabres conviennent le mieux au ver à soie: sa plantation, la qualité du sol pour l’accueillir, le greffage, la taille, la fumure et aussi les influences de la lune sur sa croissance. Ses écrits feront et font encore référence en la matière. Convaincu et conseillé par Barthélemy de Laffemas, son conseiller en industrie textile, Henri IV fera dès lors planter 2OOOO mûriers dans le Jardin des Tuileries exigeant aussi que chaque paroisse possède une mûreraie ainsi qu’une magnanerie, la bâtisse où « s’éduque le magnan », ce vers si glouton.

Bas de soie et ombre des Dragons

Ancienne planche du XVIIIème siècle de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert "Économie rustique - vers à soie"

Dès sa prise de fonction en 1665, le ministre Colbert a rapidement pris la mesure de l’importance de cette nouvelle source de revenus. Dès lors il fait supprimer les droits de douanes intérieurs entre provinces et instaure des taxes protectrices sur les importations aux frontières. Il désigne Lyon comme unique bureau de douane des étoffes de soies. Au même moment, Louis XIV fait installer à Neuilly-sur-Seine, une des premières manufactures royales de bas de soie qui comptera près de 80 compagnons en 1672. D’autres manufactures, à Lyon et Orange puis à Nîmes, Montauban et Chambéry se créèrent. Dans un même temps, comble de l’ironie, l’intendant du Languedoc, Lamoignon de Basville, lança une campagne de plantation de nombreux mûriers blancs le long des chemins des Cévennes où la sériciculture était déjà bien installée… afin que les soldats qui s’adonnaient aux dragonnades ordonnées par Louis XIV contre les Huguenot bénéficient de leur ombre lors de leurs déplacements dans ces régions très protestantes.

Un étrange gilet de soie pour le roi

C’est en 1710 que Louis XIV aurait reçu un bien singulier cadeau d’un très ingénieux magistrat de la cité de Montpellier, François-Xavier Bon de Saint-Hilaire. Ce dernier, après des voyages en Polynésie et à Madagascar où il avait observé l’usage des solides fils de soie tissés par l’araignée, avait en effet imaginé une nouvelle méthode pour fabriquer industriellement de la soie à partir de la production de l’épeire diadème européenne. Légende ou réalité, il aurait ainsi décidé de concevoir de la sorte un gilet (certains disent des bas) à offrir au roi ce qui lui aurait valu de recevoir le titre de marquis et de cautionner son entreprise. Mais aucune trace dans les archives royales ne mentionne ce présent, qui, si unique et si original, aurait dû laisser une trace dans les mémoires de notre Roi Soleil. Si ce fait reste invérifiable, il est cependant avéré que notre entrepreneur publia un procédé fiable qui lui permit de filer sa production en quenouille et de tisser des mitaines et des bas de soie. Certes aujourd’hui il est reconnu que ce fil de soie si léger des arachnides est plus solide que du fil d’acier, mais pour produire 500 grammes de soie, il faut 23 000 araignées carnivores contre… 3500 vers à soie !

Et c’est donc en suivant les fils de cette grande trame de l’aventure de la soie que nos mûriers seront massivement plantés sur les francs bords du canal Royal du Languedoc à la moitié du XVIIIe siècle. Mais les difficultés d’entretien et de récolte des feuilles, ainsi que du transport vers les magnaneries, doublées des erreurs quant au choix des essences plantées qui ne s’avèrent pas toujours appropriées pour les gourmands magnans, eurent raison de « l’arbre d’or » qui, à l’automne, fit scintiller le miroir d’eau. Au mûrier succéda donc … d’autres essences ! à découvrir prochainement.

Véronique Herman

Classé sous :Actualités Balisé avec :chronique au fil de l'eau, Dragons, Louis XIV, magnarelles, soie, trahandiers

Chronique au fil de l’eau : un arbre d’or au siècle de tous les possibles

16 juillet 2021 By Redaction

Dans un engouement effréné pour les condiments inconnus, les nouvelles étoffes et les techniques innovantes, le XVIIIe siècle arriva. Alors en Languedoc, bien des initiatives empruntèrent le canal du Midi pour voie royale en quête de bonne fortune… ou de désillusion!

La chute aux joutes mythiques de Sète : tout un symbole marquant la création et l’essor du port mais parfois, aussi, la désillusion de certains (coll. V. Herman)

Le sucre avait séduit toutes les bouches et la soie, se glissant déjà voluptueusement sous la couche, illuminait de plus en plus les garde-robes d’apparat de ces gentes dames et de ces beaux messieurs. En « offrant » son grand œuvre au monde, notre bon Riquet qui aima fort plaisamment le bien manger, le bien boire comme autant l’élégance de l’habit, avait doté « aussi » le paysan d’une terre nourricière qui se devait d’être fort utile aux précieux et lucratifs magnans de soie.

Quand aux joutes vint la chute

Ainsi abordé lors de précédentes chroniques, c’est en plein essor du commerce du sucre que le port de Sète a bénéficié, avec l’installation d’une raffinerie en 1717, de privilèges royaux et des attentions des États de la Province qui le firent accéder à un statut digne des grands havres exportateurs. Dorénavant, sur la Méditerranée, « Cette » pouvait rivaliser avec Marseille. Mais si le développement des activités maritimes alla bon train, il n’en fut pas de même pour la raffinerie qui, tour à tour, vécut gloires et déboires. Certes en 1721 « La maison de la raffinerie » reçut les honneurs en accueillant l’ambassadeur de Turquie, Méhémet Efendi Tefderdar. Le voyage officiel de ce haut dignitaire avait été détourné de Toulon et de Marseille où régnait une nouvelle épidémie de peste. Mais vingt ans plus tard, sous la pression et les intrigues de concurrents, dans une lutte régulière pour recouvrer les privilèges, plusieurs fois perdus, sur les droits d’importation et de négoce, cette industrie alimentaire ne résista à pas aux assauts de joutes incessantes. Elle disparut et tomba dans l’oubli, laissant la place au vin, au vermouth et à la tonnellerie ou encore au sel et à la morue. Et les négociants montpelliérains des premières heures abandonnèrent le sucre et Sète pour retourner à leurs beaux draps.

Coupe du canal en 1767- Source Archives VNF Liasse 673, pièce n° 31c

Une voie royale pour la soie

Et question de draps, ceux de soie vont glisser leurs fils délicats dans la trame d’une des pages de l’histoire du canal royal du Languedoc. Comme le décrit les annexes du « Cahier de référence pour une approche patrimoniale et paysagère des plantations du canal du Midi… » de VNF « Si les premières études menées sur le projet de boisement des francs bords du canal remontent à 1686, ce n’est à partir de 1725 qu’une production de bois va être envisagée », cela dans un contexte national d’importante pénurie de bois. Et c’est plus particulièrement le plein engouement pour les étoffes précieuses et la volonté royale de maîtriser leur production, que va éclore l’idée de planter des muriers. L’essor des magnaneries où s’élèvent le fameux Bombyx et sa chenille, ce gros ver blanc fabriquant les précieux cocons de fils de soie, va en effet susciter l’idée de récolter les feuilles de cette essence, nourriture de prédilection du papillon. La voie royale deviendrait donc un garde-manger pour la sériciculture, une « filière » économique si prometteuse.

L’arbre d’or, le murier du ver à soie Moru nigra dans sa version « noire »

Dans la « folie des mûriers »

La première suggestion faite en 1725 par l’un des ingénieurs jadis employés par Riquet, le Sieur Rousset, est de faire grandir des mûriers «aux portes des écluses et à certains endroits du canal» de Trèbes jusqu’à Agde. Une pépinière dédiée à cette essence est prévue « derrière le bureau de Notre Dame près de Béziers ». Il faudra cependant attendre 1745 pour compter en premier essai : une soixantaine d’arbres plantés au Somail au côté de plus de 150 oliviers. Encouragé par une ordonnance gratifiant de 25 livres par centaine de mûriers plantés et par les multiples incitations de l’État et des Régions, le comte de Caraman (Victor Maurice Riquet, Comte de Caraman, arrière-petit-fils de Pierre Paul Riquet, héritier des trois quart des parts de son aïeul) décida alors de suivre ce que l’on nomma « la folie des mûriers ». Passionné d’horticulture et préoccupé par la végétalisation des francs bords, il s’en remit à un spécialiste du nom de Rodier Fontanier. En 1764, il fut donc décidé de planter 88 820 mûriers sur les « terriers », espaces de 20 mètres de larges de part et d’autre de la voie d’eau appartenant à la famille Riquet, et de créer au bassin de Naurouze et sur les terrains alentours des pépinières pour y élever les arbrisseaux.

Le Bombyx du vers à soie – image du Kraig Biocraft Laboratories, entreprise américaine spécialisée dans l’étude des soies naturelles animales, celles produites par l’araignée et le vers à soie, afin de mettre au point les procédures de fabrication de fibres polymères ultra solides notamment pour les vêtements de protection. L’un des principaux clients est l’armée américaine.

Des revenus… aussi pour les éclusiers

En cette seconde moitié du XVIIIe siècle, celui que l’on nomme « l’arbre d’or » venu d’Asie devient ainsi emblématique des berges du canal royal du Languedoc. Il est vrai que depuis plusieurs siècles la France en connait la culture puisque les premiers plants ont été introduits vers 1266, d’une part en Provence, ramenés de Naples par Charles d’Anjou, et d’autre part dans les Pyrénées, apportés par les Maures venus de la péninsule Ibérique. « Outre l’agrément et la beauté, que cela donnera au canal, on peut en tirer un grand avantage » soulignait notre comte de Caraman voyant là une belle assurance de revenus. En 1765 pas moins de 14.283 sont déjà plantés. Il est prévu que les travaux de plantation, l’entretien et la récolte des feuilles incomberaient aux propriétaires des terres voisines, bénéficiant dès lors, eux aussi, d’une part des revenus. Ce qui devrait avoir le don de calmer un peu leur vindicte concernant les nuisances éventuelles du canal et son couvert végétal sur leurs cultures proches. Mais si ceux-là refusent, les éclusiers seront alors sollicités «comme les gages des susdits gardes escluses sont très médiocres,… Ces tâches les rendraient plus assidus à leur poste de peur de perdre cette nouvelle richesse » ainsi écrivait Rousset dans son mémoire.

Pour tous, cette manne « verte » céleste allait-elle donc tenir toutes ses belles promesses ?...

Nous vous invitons à découvrir la suite de cette soyeuse aventure dans notre prochaine chronique.

Véronique Herman

Classé sous :Actualités Balisé avec :Bombyx, chronique au fil de l'eau, joute, soie

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