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Chronique au fil de l’eau : des racines et des ormes

20 août 2021 By Redaction

Il est des arbres qui accompagnent la vie de l’homme depuis la nuit des temps, l’écorce ciselée de sentiments, de mémoires et de raisons. L’orme est de ceux-là. Son ombrage a murmuré des plus doux secrets, vibré de pompeuses harangues, d’enflammés débats et des cris de bonimenteurs. Témoin des plus terribles sentences, d’assemblées de sages comme de la joie de fastueux festins sur la place des villages, il est parti s’aligner au bord des chemins… et du canal du Midi.

L’arbre prescrit par « Henri »

Maximilien de Béthune (1559-1641), duc de Sully, ministre de Henri IV, son ami, son bon roi. Peinture, école française du XVIe siècle du musée des Beaux-Arts de Blois

S’il est de coutume d’attribuer au ministre Sully l’origine de la plantation généralisée des ormes au beau pays de France, cet arbre « remarquable » désignait déjà bien des carrefours et servait à tracer les limites de territoires, cela depuis l’Antiquité. Le placer le long des chemins date en réalité d’un premier édit de Henri II qui, en 1552, prescrivait des ormeaux « pour servir aux affuts et remontage de l’artillerie », ce que confirma Henri III et qu’en 1605, par une ordonnance d’Henri IV, vint alors généraliser notre glorieux Sully. Protestant ayant échappé au massacre de la Saint-Barthélemy, converti et entré au service de son ami et bon roi, notre seigneur de Béthune, baron de Rosny (où il est né), va s’atteler à tracer et paver les voies principales du pays. Il les fera aussi border d’ormes, cet arbre dont il aurait projeté d’utiliser le bois solide pour les bateaux d’une flotte nationale qu’il souhaitait développer. On lui doit par ailleurs le percement du canal de Briare.

« Labourage et pasturage…

.. estoient les mamelles dont la France estoit alimentée » disait au roi notre ministre très attaché à l’agriculture. Il incita en effet différentes initiatives de cultures dont celle du ver à soie, assécha des marais pour étendre les surfaces cultivables et proclama la liberté de commerce des grains, abolissant les péages entre les provinces et favorisa le commerce hors des frontières. Il protégea les paysans leur accordant des remises sur les arriérés de la taille et en interdisant la saisie des outils de labour. Sensible au monde rural, il ajouta à sa vaste campagne de plantation la prescription de placer un orme dans chaque bourg… au parvis des églises! Là où les bonnes gens se rencontrent, se rassemblent et se parlent.

Les « Sully » mutilés

En ce XVIIe siècle débutant, alors que, malgré l’édit de Nantes, les tensions religieuses restent récurrentes, le monde paysan ne peut que se réjouir des actions du surintendant. Pourtant, si l’orme au cœur des villages inspire le respect et l’affection, il n’en est pas de même pour les sujets des plantations en alignement qui portent alors le nom de leur « promoteur ». Elles sont en effet très souvent mutilées aux cris de « C’est un Sully, faisons-en un Biron », évoquant « Armand le boiteux », ce maréchal de France qu’une blessure de guerre avait estropié. Est-ce l’inimitié voire la malveillance de certains, particulièrement de la petite noblesse, des prêtres et des courtisans, qui trouvèrent en ces arbres un exutoire à leur agacement? Sans doute car il est vrai que les origines calvinistes, la finesse d’esprit et tant les manières que les habits de notre duc de Sully ont le don d’irriter. Il fallut donc protéger les ormes de la vindicte populaire.

Aux portes basses des écluses

Majestueux orme de Sully de Villesèquelande : encore un des rares exemplaires vivant de cet arbre mythique que fit planter au cœur des villages le ministre d’Henri IV. Appuyé sur de solides étais et bichonné par ses villageois, Il porte en lui la mémoire de 400 ans d’histoire, d’hommes et de femmes et du terroir du Carcassonnais. Samedi 7 août lui aussi a vibrer au son de la fête du lancement de la marque « canal du Midi ». Il est classé au titre des monuments naturels et sites depuis 1944 et a reçu le Label « Arbre remarquable de France » en 2013.

C’est en 1725 que le directeur général du canal du Languedoc, le sieur Rousset, va suggérer de planter sur le linéaire, depuis Trèbes jusqu’à la Garonne, de cette essence d’arbre que l’on dit aussi noble et intéressante que le chêne, et qui se vend à un prix plus élevé encore. A l’époque, malgré les actions menées par Colbert, la pénurie de bois est toujours un important problème économique qui touche toute la France et particulièrement le Languedoc. «… Outre l’agrément et la beauté que cela donnera au canal, on peut en tirer un grand avantage » écrit Rousset, évoquant l’usage qu’en font les maîtres charrons pour concevoir de solides attelages mais aussi les menuisiers et charpentiers. Il s’attarde alors sur son emploi judicieux aux écluses du canal. Il écrit ainsi «… l’expérience m’a fait connaître les esperons construits de bois d’orme aux portes des écluses… ». L’éperon cité désigne le seuil en saillie du radier, pièce qui empêche le passage de l’eau lorsque les vantaux sont fermés et qui, alors, était construit tout en bois. Si les préconisations de Rousset sont entendues, les archives des Voies Navigables de France ne présentent cependant, en 1745, qu’une soixantaine d’arbres plantés au Somail.

Sur les terres « hautes » du canal

Alors que le matériau principal des éléments du mécanisme des écluses était en bois, l’orme solide et résistant à l’eau servait notamment à fabriquer ce que Rousset nomme en 1725  « l’éperon ». il désigne donc le seuil en saillie du radier, encore dit « busc », qui est la pièce empêchant le passage de l’eau lorsque les deux vantaux sont fermés.

Mais, dès 1772, l’orme apparaît parmi les principales essences bordant le canal (alors toujours « Royal du Languedoc »). Six ans plus tard, il est même décidé de remplacer chaque arbre mort par celui que l’on nomme généralement « ormeau » en Languedoc et en Provence. Également dans les archives VNF se trouve une observation à propos des plantations datant de 1791 (G. Pin). Elle attire l’attention sur la grandeur et le volume des ormes, surtout sur leurs racines « qui s’étendent au loin entre deux terres » et qui demandent donc un sol dense et continu pour s’implanter solidement. Il y est même précisé que « c’est pour cela qu’il ne peut être planté sur le bord du canal que dans des endroits où les terres riveraines sont plus hautes que la crête des francs bords ». Qu’à cela ne tienne, les alignements d’ormes vont trouver leur place et au XIXe siècle, l’arbre va essentiellement se partager l’ensemble du linéaire avec le frêne. En 1817, il est question de 32.557 pieds, principalement sur la division de Toulouse.

Terrassé par la maladie

Hélas en 1917 apparaît une maladie induite par un champignon microscopique : la graphiose. Elle se propagera en Europe du Nord et gagnera rapidement notre Midi pour décimer nos pauvres ormes. A la seconde moitié du XXe siècle, ceux-ci auront totalement disparu totalement du paysage bordant le canal, laissant les platanes composer la majestueuse voûte végétale se pencher sur le miroir d’eau. Mais aujourd’hui que ces derniers succombent eux aussi au mal du chancre coloré, l’orme devrait réapparaître ça et là dans la campagne de replantation entreprise par VNF. Un orme « résistant », certes en petit nombre, aurait été choisi pour grandir sur différents tronçons qu’il devrait se partager par exemple avec les micocouliers… Mais cela reste à confirmer ! En effet, le choix des essences de replantation évoluent suivant les études et les expériences faites en permanence par le service dédié à ce gigantesque et difficile « chantier du vivant », obligé de s’adapter au mieux, notamment aux perturbations des conditions climatiques, afin de réussir au mieux cette rénovation du paysage.

Véronique Herman

Classé sous :Actualités Balisé avec :canal du Midi, chronique au fil de l'eau, orme, Sully

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