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Chronique au fil de l’eau : de drôles de trognes sur les berges du canal…

30 juillet 2021 By Redaction

Hirsutes et trapus, ils grandirent les pieds dans l’eau, leur vie dédiée au labeur, ne bénéficiant d’attentions qu’au but de servir toujours plus et plus longtemps. Ils se retrouvèrent dans l’univers âcre des tanneries et des teinturiers, furent foulés aux pieds par la noblesse et le paysan pour n’être salués que lorsqu’ils se consacraient à réchauffer l’âtre des palais et des masures, qu’ils nourrissaient le bétail ou se pliaient aux volontés de l’artisan… et leur élégance ne fut reconnue que lorsqu’ils se mirent à pleurer.

Planche botanique du Salix alba version « vannier » par le botaniste Otto Wilhelm Thomé en 1885
Afin d’exploiter le renouvellement des rameaux et de maîtriser la croissance du tronc, la répétition de la taille en têtard du saule, ou d’autres arbres comme par exemple le frêne, crée des déformations et des boursouflures dignes de figures grotesques et fantastiques.

En lien avec notre chronique précédente, ceux dont nous allons vous parler cette semaine ont certes posé leurs pas sur le parcours sinueux du canal royal du Languedoc mais aussi sur celui, lointain, de la route de la soie. Il s’agit en fait du saule et de quelques-unes des 360 espèces qui composent cette grande famille nommée « Salix », dont il est parfois difficile d’identifier les genres tant ils s’hybrident facilement dans le milieu naturel. Rustiques, ils ont tous en commun une prédilection pour les sols frais à humides, voire inondés, et bien ensoleillés, garanties de leur croissance rapide. Ils partagent encore des fleurs à chatons, mâles et femelles sur des pieds différents (dioïques). C’est un régal printanier tant de pollen que de nectar pour les abeilles qui, en butinant d’arbre en arbre, apportent leur aide à leur fécondation. Si le saule blanc (Salix alba) et celui appelé «saule des vanniers » sont, depuis la préhistoire, parmi les plus communs sur nos terres européennes, ceux notamment dits tortueux, pleureurs ou encore « des chèvres » nous sont arrivés d’Asie, durant l’Antiquité, par les voies du commerce lié à celui de la soie. La mythologie grecque en fit l’arbre du berceau de Zeus tandis que les Romains s’intéressèrent tout spécialement à son négoce qui complétait celui des beaux tissus, des épices, des perles de verres, des métaux précieux ou encore des armes.

Dans la main de l’artiste

« Achetez mes lardoires, mes moules à beurre, mes cuillères et mes pots » harangue du bonimenteur avec son panier d’osier. Gravure d’Edmé Bouchardon

Le cahier de référence des VNF à propos des plantations du canal du Midi précise que « en 1745 on dénombrait déjà un millier de saules blanc dans la division du Somail et presque 18.000 juste avant la Révolution », considérant même cette espèce comme la seule ayant occupé une place importante dans le paysager du canal depuis son origine. Mais le bois de cette essence était déjà exploité dans différents domaines, dont certains plus raffinés que ceux de terminer en cendres dans un âtre ou le feuillage englouti dans le ventre des bestiaux. Et puisque l’homme, cet être grégaire en mal de communication et de rêverie, a, depuis des temps ancestraux, voulu communiquer, il est question de baguettes de fusain mais aussi de saule passées au feu pour s’exprimer sur les parois des cavernes. Ce dont, particulièrement, un Léonard de Vinci se souvint quand il « ébaucha » de merveilleux portraits ou des croquis de machines extraordinaires. C’est en fait en 1704 que le mot « fusain » désigna cet instrument artistique. En réalité si, bien entendu le bois du fusain y est consacré et en a pris la notoriété, les branches de saule de section coniques sont majoritairement utilisées. Il s’agit de faire bouillir les tiges durant dix heures afin d’enlever l’écorce ramollie puis de constituer des fagots, mêmes diamètres et longueurs, et de les placer hermétiquement dans des boîtes qui cuiront au four pendant dix heures. Les romantiques tels Goya, Delacroix et plus encore des postimpressionnistes comme Degas ou Seurat en magnifièrent la technique. Vu son faible prix de revient, la qualité des noirs et la précision du trait qu’il offre, notre « saule fusain » est aujourd’hui l'outil de dessin le plus simple et le plus utilisé en art, pour les études, les esquisses et les dessins aboutis.

Place à l’artisan

Rejoignant à nouveau le fil de l’histoire de la soie, l’écorce de saule fait partie des premières matières végétales tinctoriales utilisées en Chine depuis plus de cinq mille ans! En 1671 Colbert l’autorisa en France aux teinturiers « grands teints », notamment avec le brou de noix, tant pour la laine, la soie et le lin. Le retour au naturel l’a remis au goût du jour, permettant d’obtenir, suivant les différents genres de la famille Salix, une palette variée de bruns, du style «sage et sévère bure de moine » aux joyeux orangés foncés et profonds. Mais notre saule, souple et facile à façonner, passa aussi dans la main du tisserand. Au XVIIe siècle, il prit une humble place dans l’évolution du métier à tisser venu d’Italie. Modestement il devint le serviteur de ces nouveaux peignes en acier que, transformé en bâton finement biseauté, il venait nettoyer. Les éléments très sollicités par le maintien d’innombrables fils de chaîne et de la trame à serrer solidement, devaient en effet être régulièrement rectifiés. Pour ce travail minutieux, l’artisan se servait alors de pierre ponce dont la poussière était éliminée grâce à notre biseau de saule.

Trognes de bois et d’osier

Les socques en semelle de saule encore d'usage au XIXe siècle

La taille en trogne, dite aussi en têtard, a été adoptée afin de maîtriser la croissance du tronc de notre bonhomme saule. Mais elle a surtout été mise au point pour multiplier sa chevelure hirsute produisant de la sorte un maximum de feuilles pour le fourrage et de tiges pour l’approvisionnement en osier. Et l’artisan vannier éponyme de l’espèce Salix viminalis bénéficia de cette « manne céleste » de rameux souples pour constituer mille objets depuis les berceaux jusqu’aux emballages diverses et variés, en passant par les contenants tout aussi diversifiés. Quant au bois, prenant très rapidement feu et brûlant trop vite, il ne fut pas désigné parmi les essences calorifères intéressantes. Mais il fut très apprécié au fournil du boulanger qui en fit son allié pour allumer son four, le nommant son « coup de feu »... quoi de plus évident pour qu’il s’éparpille et devienne ensuite nos allumettes!

De la bouche au pied

Photo privée exposée à la bibliothèque de Toulouse où une jeune fille, Hélène Perbosc, pose sur les bords d’un ruisseau de l’Ariège où se profile la silhouette hirsute d’un saule têtard.

Bois tendre, souple et doux comme le velours, le saule a été et est toujours utilisé en menuiserie et en sculpture, ses fibres conciliantes ne contrariant pas l’inspiration du ciseau du maître comme du compagnon. Au XVIIe siècle il prit alors la forme de cuillères, de louches, d’assiettes creuses et de pots, autant d’ustensiles de cuisine que les bonimenteurs ambulants proposaient en porte-à-porte. Et on le vit encore aux pieds des paysans en sabots mais aussi de ces belles dames… et plus encore, de ces beaux messieurs, répondant au goût italien des talons hauts, rejoignant avec les chausses (ancêtres des bas … et des chaussettes) la panoplie d’une mode dite « virile » qu’adoptait avec ferveur Louis XIV. Moins élégant mais très utiles, le saule va encore « se coucher » dans la boue et prendre la forme de « socques », ces sandales de bois déjà portées par les acteurs dans les théâtres romains, dans lesquelles le pied chaussé pouvait se glisser, surélevé par les oves de métal ajoutées sous le semelle, portant nobles soie et satin au-dessus de la fange crasseuse.

Et c’est dans l’ombre de tous ces atouts que la trogne étrange et grotesque de notre saule blanc au bord du canal a progressivement disparu laissant place à l’un ses frères venus de Chine, qui fut choisi pour sa beauté mélancolique et son élégance poétique, le Salix babylonica… qui occupera notre prochaine chronique.

Véronique Herman

Classé sous :Actualités Balisé avec :canal, chronique au fil de l'eau, saule, saule blanc, trogne

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