Réalisation : Asghar Farhadji
Durée : 2h07
Avec : Amir Jadidi, Mohsen Tanabandeh, Fereshteh Sadre Orafaiy
Rahim est en prison à cause d’une dette non remboursée. Il obtient une permission de deux jours durant lesquels il se démène pour trouver l’argent qu’il doit à son créancier en espérant de le convaincre de retirer sa plainte. En même temps il rend visite aux siens dont son ex-femme et son fils qui souffre d’une difficulté d’élocution. Coup de chance, sa nouvelle compagne a trouvé un sac rempli de pièces d’or. Ce trésor perdu représentant une partie de sa dette pourrait lui permettre de sortir de prison. Mais il croit qu’il pourrait gagner davantage en le restituant à sa propriétaire. Au téléphone, cette dernière lui dira : “J’en ai tissé des tapis, pour ces pièces d’or…”. Le voici donc, avec son sourire inaltérable (et donc à soupçonner), jouant de la probité pour doubler sa mise. Invité à raconter à la télé son geste louable, il est devenu une star médiatique, un héros. Plus dure sera la chute ? Voilà la question. Le spectateur, le voyant tomber dans le piège d’un scénariste complaisant, se doute d’emblée que son héros se prendra les pieds dans le tapis médiatique. S’appuyant sur le fait qu’en quelques instants on peut bâtir ou détruire une réputation sur un malentendu, le réalisateur va tisser une toile de très haute volée. C’est captivant et nous sommes pris dans les ressorts d’un subtil thriller psychologique. Nous voilà plongés dans un monde peuplé de manipulateurs manipulés et de manipulés manipulateurs. Vous suivez ? Tout se complique car nous sommes dans un piège tendu pour enferrer le protagoniste. Au passage seront explorées les arcanes des relations familiales et de la justice. Les institutions instrumentalisent de façon peu glorieuse la misère et les handicaps d’autrui. Surprises et suspense alternent à coups de chausse-trappes narratives constituant une société où les réseaux sociaux semblent être devenus une hydre sans tête qui s’abreuve de rumeurs dévastatrices auxquelles plus personne ne peut tordre le cou. Menaces de déshonneur, tractations sans fin et aveux soutirés, on ne sort jamais d’un vaste réseau de surveillance où chacun flique son prochain comme lui-même. Au final, un film magistral où, en prenant acte des raisons qui ont poussé un individu à agir, nous pouvons le comprendre, sans pour autant lui donner forcément raison.
Jean Segonne