Réalisation : Arito Arregi, Jon Garaño, Jose Goenaga
Durée : 2 h 27
Avec : Antonio de la Torre, Belén Cuesta, Vicente Vergana
Espagne, 1936. Higinio, partisan républicain, voit sa vie menacée par les troupes franquistes. Avec l'aide précieuse de sa femme Rosa, il va construire un trou dans le mur du salon de sa maison où il sera enfermé et caché entre 1936 et 1969. Il subira cet enfermement perpétuel dans ''une vie secrète''. Les trois coréalisateurs ont choisi d’adopter son point de vue. Ce parti pris leur a permis de faire ressentir l’oppression. Il ne s’agit ici pas tant de la peur de se faire arrêter ou tuer, toutefois bien réelle, mais plutôt de la peur de l’inconnu qui l’aliène. D’une certaine manière, il s’agit de la peur de la liberté. Si les spectateur.trice.s comprennent la décision de Higinio à ce moment-là, il saisiront pourquoi il va passer les 30 prochaines années caché. Mais il ne faut pas oublier son épouse. Plusieurs gestes laissent transparaître l’amour de ces deux-là mais leur relation souffre parfois d’un déséquilibre. Rosa est celle des deux qui s’investit le plus. Dans chaque scène superbement tournée la prestance des deux se fait ressentir à chaque instant, autant lorsque Higinio se retrouve seul, caché et enfermé et autant lorsque Rosa continue de vivre seule et/ou en présence de son mari caché. La relation du couple évolue au fil du temps. C’est un aspect important du film néanmoins ce dernier raconte une histoire d’amour hors du commun rendue si spéciale par la situation extrême à laquelle ils sont confrontés. Les événements extérieurs que sont la guerre civile espagnole et les années qui l’ont suivie affectent leur relation. L’enfermement dans la maison déforme le point de vue de l’homme sur la réalité. Les informations qu’il reçoit sont filtrées. Sa seule source d’information est sa femme, ce qui le fait douter de tout et entraîne des situations conflictuelles. Les événements à l’extérieur les lient et les séparent à la fois. Rosa quant à elle est condamnée au mensonge et à la frustration puisqu’elle n’est officiellement ni épouse ni mère car est né un enfant. En elle s’incarne la lignée de ces nombreuses familles courbées par le travail, la crainte et la discrétion qui confine à l’effacement. Belén Cuesta nous livre une magnifique interprétation de Rosa qui lui a valu la juste récompense du Goya de la meilleure actrice dans un rôle principal.
Jean Segonne