L'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) a fixé de nouvelles restrictions quant à l'utilisation du glyphosate. L'annonce déçoit ou inquiète, réactions du Syndicat des vignerons de l'Aude et de la Confédération paysanne.
Le 9 octobre dernier, l'Anses a rendu public un rapport concluant sur des restrictions d'utilisation du glyphosate, à compter de mars 2021. Dès lors, le recours au glyphosate sera restreint. Ainsi, chaque fois qu'une alternative à son utilisation est possible, l'interdiction sera en vigueur. En revanche, lorsque le glyphosate n'est pas considéré par l'Anses comme substituable, les agriculteurs pourront toujours l'utiliser.
La mort de la viticulture française ?
Pour le Syndicat des vignerons de l'Aude (SNV), ce rapport est « totalement déconnecté des pratiques viticoles, et signe, tout bonnement et simplement, la mise à mort de la viticulture française ». Le Syndicat s’offusque des conclusions de l'Anses, qui « pointent du doigt une viticulture de plus en plus vertueuse et respectueuse des Hommes et de l’environnement », il porte ainsi trois revendications majeures :
- Une équité de traitement des différentes filières agricoles françaises, quand les pratiques d’utilisation, les situations d’impasses techniques et les alternatives sont partagées.
- L’interdiction de l’utilisation du Glyphosate, à la seule et unique condition qu’un produit alternatif de substitution soit proposé, avec un coût et une efficacité identiques.
- L’arrêt de cette terrible distorsion de concurrence au profit des autres pays européens, quand la réglementation franco-française ignore l’ensemble des pratiques européennes. Les marchés durement gagnés par les vins français, dont le monde entier vante l’authenticité et nous envie la qualité, souffriront de ces pratiques déloyales. Et finiront, à termes, par être remplacés par des vins étrangers, dont les conditions d’élaboration feront fi des restrictions françaises ». (…) « En définitive, c’est à force de décisions comme celle-ci, que les vignerons abandonneront l’entretien des paysages aux incendies ou aux sangliers ».
« L'ambition doit être celle de sortir du glyphosate, et plus largement des pesticides »
Pour la Confédération paysanne, avec le mot d'ordre « pas d'interdiction sans alternative », l'Anses, confond alternatives techniques et contraintes économiques. « L'Anses et le gouvernement refusent d'admettre que sortir des pesticides demande des changements profonds et systémiques et que ce sont ces changements qu'il faut accompagner par le déploiement de politiques publiques agricoles et économiques. Or, les annonces qui nous sont faites ne changeront pas grand-chose : sept millions d'euros en plus pour la recherche, alors même que les alternatives existent sur les fermes des paysans ; un nouvel ingénieur en chef pour accompagner la stratégie autour du glyphosate, et en réaliser la promotion ; 135 millions d'euros du plan de relance pour les agro-équipements (remplacement de pulvérisateur, désherbage mécanique, etc.) et un crédit d'impôt HVE (label Haute valeur environnementale). Et c'est sans gêne que ces mesures sont annoncées comme des mesures de soutien au revenu des paysans En quoi un nouveau pulvérisateur ramène-t-il du revenu sur une exploitation ? » Pour la Confédération paysanne l'ambition doit être celle de sortir du glyphosate, et plus largement des pesticides. Et pour cela, « il faut protéger les paysans par un soutien économique majeur qui assure le changement de pratiques sur les fermes (…) par l'arrêt des politiques de libre-échange et l'instauration de prix minimum d'entrée pour valoriser les produits des paysans à des prix rémunérateurs ».
Concernant la position du SNV, « celui-ci est toujours dans la même posture de victimisation des viticulteurs et plus largement des agriculteurs arguant toujours le fait qu'ils ont déjà fait des gros efforts et qu'on leur en demande toujours plus. Le SNV s’arque boute sur une position pour que rien ne change en obtenant par exemple un crédit d'impôt pour un label HVE qui n'est assorti d'aucun cahier des charges et qui va de plus tromper le consommateur. (…) La diminution drastique des agriculteurs au fil du temps n'est pas liée aux mesures environnementales mais à la cogestion (État/FNSEA) de la politique agricole et économique. L'alliée du SDV, la Coopération agricole de France, à travers Vinadéis (NDLR premier producteur de vin en France) et Arterris (NDLR coopérative agricole) est en train de développer une viticulture industrielle irriguée, pour faire du vin d'entrée de gamme (Vins de France), sur des surfaces de plus en plus grandes. La mort des viticulteurs languedociens, elle est là, pas dans l'interdiction du glyphosate ».
Lydie Rech