Partager la publication "Infirmiers libéraux de l’est Minervois : « la situation est stable »."

« Tenir bon pour ne pas risquer une réaction en chaîne »
Sonia, Jean et Greg sont infirmiers en libéral, associés depuis plusieurs années sur le cabinet d’Aigues-Vives, dans le Minervois héraultais. Ils suivent chaque jour une quarantaine de patients, de 70 à 102 ans et jouent un rôle sanitaire social, crucial en ces temps de pandémie.
Au bout de 5 semaines de confinement, comment voyez-vous l’évolution ?
Les gens respectent le confinement et, plus ça va, plus ils prennent des mesures de protection strictes. Ce matin, j’ai vu Mme C. à l’épicerie avec un masque, ce qu’elle ne faisait pas la semaine dernière. Pour les personnes âgées, le confinement ne change pas grand-chose dans leur quotidien ; elles voient juste moins de monde.
Il y a aussi des craintes qui se manifestent chez elles. Après le discours du Premier ministre (ndlr : dimanche), une de nos patientes n’a pas réussi à manger : elle a peur qu’on lui fasse des piqûres.
On est là pour les rassurer. Tous les jours, pendant la visite, on fait un « point covid » à leur demande : certains ont des pathologies lourdes, comme des bronchites chroniques, et s’inquiètent d’attraper le virus. Beaucoup se sont faits des masques en tissus ; c’est mieux que rien.
Votre rôle a-t-il changé depuis le début de l’épidémie ?
Il s’est renforcé. En temps normal, on participe à briser l’isolement des personnes âgées. Aujourd’hui qu’elles n’ont plus d’aides ménagères à domicile et qu’elles sont coupées de leurs familles, c’est encore plus fort : on est souvent les seules personnes à les visiter. Et on répète les actions de prévention : gestes barrière, distanciation sociale…
C’est pas toujours facile car, dans les petits villages, on a naturellement tendance à vouloir « claquer la bise ». Là, il faut se retenir.
On a adapté nos visites : on a réduit le nombre de tournées et le temps passé au domicile, en nous centrant sur les soins, les prises de sang seulement urgentes, et en demandant l’aide aux familles pour les toilettes quand c’est possible.
Notre communication avec les personnes âgées est entravée par nos masques, qui forment comme une barrière entre elles et nous. Elles ne voient pas nos visages, ont du mal à bien nous comprendre ; parfois, après quelques jours, certaines ne nous reconnaissent pas tout de suite.
Vous n’avez jamais été en manque de masque ?
Non. Nous avions anticipé avant même le début du confinement, en achetant des masques chirurgicaux. On a fait jouer notre réseau pour nous approvisionner. Au début, c’était de la débrouille pour tout le monde : on connaît même un laboratoire qui a pu se fournir en masques grâce à un gérant d’un magasin de bricolage. Maintenant nous recevons à la pharmacie une dotation de l’État : 18 masques par personne et par semaine.
Avez-vous eu une crainte pour vous-même ?
Il n’y a eu qu’un seul cas avéré de contagion sur le canton, ce qui est rassurant. On ne crie pas victoire , mais si les gens continuent à rester confiner, on devrait passer le cap.
Vous diriez que le pic est passé, localement ?
On ne sait pas. On n’a pas observé de pic mais une certaine stabilité. Au départ, l’administration nous a dit de nous préparer à assurer des « fins de vie covid » à domicile, si les hôpitaux étaient submergés. On avait donc acheté des petits équipements en plus des masques : des blouses, des charlottes… Finalement, on est pas submergé.
Et on est prêts pour la suite. Car on ne sait pas comment ça va se passer après le 11 mai, une fois rouverts les écoles, collèges et lycées.
D’ici là, comme ici nous n’avons pas eu de gros foyers épidémiques, peut-être arriverons-nous à ne pas connaître de vague de contaminations… Si le confinement est toujours respecté. Car on l’a vu avec le doublement des consultations la semaine précédente au centre covid de Bize, il y a eu un début de relâchement avec les beaux jours et les fêtes de Pâques.
Quel est votre message ?
Tenir bon ; ne pas se relâcher pour ne pas risquer d’avoir des malades et une réaction en chaîne.